Malgré des "contraintes" posées par les lois tendant à favoriser la parité, les progrès sont lents, notamment dans les petites communes. Un statut de l’élue pourrait faciliter les conditions d’exercice du mandat.
Douze ans après le vote de la loi 6 juin 2000 sur la parité dans l'exercice des mandats électoraux et fonctions électives, les femmes restent minoritaires dans les assemblées et les exécutifs municipaux et communautaires.
L’introduction de la parité dans les scrutins de liste pour les communes de plus de 3.500 habitants a certes joué un rôle d’incitation. Tout du moins dans les assemblées (35 % de conseillères municipales en 2012, contre 21,7 % en 1995). Cependant, la place des femmes dans les exécutifs municipaux reste très en retrait.
« Cette distorsion apparaît comme la conséquence du faible pourcentage de femmes têtes de liste lors des élections municipales », constate le service des droits des femmes et de l’égalité de la Direction générale de la cohésion sociale.
La loi du 31 janvier 2007 «tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » a imposé aux communes de plus de 3.500 habitants une alternance stricte femmes-hommes dans la composition des listes électorales et introduit une obligation de parité dans les exécutifs municipaux.
Aujourd’hui, les élus sont nombreux à vanter les mérites de la parité.
«La présence de femmes dans les conseils amène un discours moins frontal, davantage de négociations et d’analyse», estime Jean-Claude Riguidel, maire-adjoint du Mesnil-Mauger (14).
«Les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes intérêts, la même vision des choses. Nous nous complétons, au bénéfice de l’action publique», constate Annic Dessaux, maire de Saint-Wandrille (76). Tandis que Marie-Jo Zimmermann, conseillère municipale de Metz, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, assure que «les femmes s’en sortent particulièrement bien en tant qu’adjointes à l’urbanisme car elles ont naturellement un côté très pratique».
Petites communes : peuvent mieux faire
Cette preuve par l’exemple incite les militant(e)s de la parité en politique à demander un élargissement des obligations légales aux communes de moins de 3.500 habitants non soumises à la contrainte paritaire alors qu’elles comptabilisent plus de 81 % des conseillers municipaux et le pourcentage de femmes maires le plus important (14,2 % contre seulement 9,6 % dans les communes de plus de 3 500 habitants). «J’étais tête de liste mais j’ai laissé ma place à une femme qui souhaitait se présenter comme maire », illustre Jean-Claude Riguidel.
L’article 43 du projet de loi n°61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale (déposé au Sénat le 21 octobre 2009 !) prévoyait l’abaissement du scrutin de liste aux communes de 500 habitants et plus. Ce texte n'a jamais été discuté au Parlement.
Les projections réalisées par l’Observatoire de la parité montraient pourtant que le pourcentage de conseillères municipales passerait avec ce nouveau seuil de 34,8 % à 40,8 % et de 31,7 % à 39,9 % pour les adjointes.
"La réforme des collectivités laisse un goût d’inachevé", déplore Chantal Brunel, députée de Seine-et-Marne, rapporteure générale de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes.
De fait, la progression de la représentation des femmes dans les assemblées municipales et communautaires semble bloquée.
«Les réformes sont incomplètes et l’esprit des lois a été détourné. Nous devrions même assister à une importante régression de la parité dans les assemblées territoriales de 2014 avec l’instauration du scrutin uninominal» pour l’élection des conseillers territoriaux, constate Armelle Danet, présidente de l’association Elles Aussi. Sauf abrogation du conseiller territorial, comme annoncé par le président de la République.
L’enjeu intercommunal
La réforme territoriale pourrait en revanche renforcer le poids des femmes dans les assemblées communautaires (28 % de conseillères communautaires et 7,2 % de présidentes d’EPCI en 2012) grâce au fléchage instauré pour l’élection des conseillers intercommunaux. Sans nécessairement faire progresser la parité au sein des exécutifs communautaires, faute de disposition législative.
«Plus on monte dans le niveau de responsabilités, plus les hommes ont des difficultés à laisser la place aux femmes», estime Annic Dessaux. «Il serait nécessaire que, dans les EPCI, les communes qui peuvent envoyer plus qu’un représentant soient obligées de désigner à parité des hommes et des femmes», préconise Marie-Jo Zimmermann.
Selon l’association Elles Aussi et l’Observatoire de la parité, le progrès passe par l’interdiction du cumul des mandats, en particulier entre un mandat national et un mandat au sein de l’exécutif d’une collectivité territoriale, et la limitation de leur renouvellement dans le temps. Par ailleurs, «la création d’un statut de l’élue donnerait aux femmes les moyens de s’engager en politique», assure Armelle Danet. En ce sens, l’association rappelle la nécessité de mieux compenser la perte de revenus, de créer un congé civique, d’aider au retour à l’emploi ou à la reconversion professionnelle.
Avec une prise en charge de la garde d’enfants ou de personnes dépendantes quand cela est nécessaire. «Trop de femmes s’autocensurent et freinent leurs ambitions pour de simples questions d’organisation », rappelle Armelle Danet. «On constate une vraie difficulté de passer de conseillère municipale à adjointe en raison de la conciliation des temps, notamment avec des enfants en bas âge», confirme Françoise Ramond, maire d’Epernon et présidente de la communauté de communes du Val Drouette (28).
«Prendre conscience des qualités féminines»
Pascal D’HULSTER, maire de Courchelettes (59)
Je le constate au sein de notre conseil municipal : la présence de femmes crée un équilibre, apporte de la sérénité et du respect dans les échanges. Rien à voir avec les invectives et le climat d’affrontement permanent que j’ai connu lors de mon premier mandat en tant qu’adjoint, alors que nous étions 80 à 90 % d’hommes.
Malheureusement, plus on monte dans le niveau de responsabilités, plus il faut de la disponibilité, et moins on trouve de femmes car elles restent encore largement l’élément central de l’organisation familiale. Peut-être aussi les femmes sont-elles moins attirées par le pouvoir. On le voit au niveau local, elles se "contentent" d’une délégation dont elles s’occupent parfaitement, plutôt que de multiplier les délégations comme le font souvent les hommes.»
« Adopter un statut de l’élue »
Maryvonne HAUTIN, maire de Saran (45)
« La parité au sein du conseil municipal de Saran existe depuis 1989. A l’époque, nous avions mis en place un système de garde d’enfants à la mairie pour permettre aux femmes d’assister aux conseils municipaux. Finalement, nous n’avons eu que très peu recours à ce système car elles ont réussi à s’organiser avec leur mari ou leurs proches. Pour autant, l’adoption d’un véritable statut de l’élue donnerait des droits et créerait une égalité entre les femmes et les hommes. Son absence constitue un vrai frein à l’engagement politique des femmes. Quand j’ai commencé ma carrière d’élue, mes absences au sein de mon entreprise étaient mal vues, je ne touchais pas les primes de présence. Alors qu’un de mes collègues, élu lui aussi, n’était pas pénalisé.»
« Les quotas sont un mal nécessaire »
Marie-Jo ZIMMERMANN, conseillère municipale de Metz (57)
«Les femmes n’ont pas les mêmes codes que les hommes. Elles ne sont pas prêtes à se battre à n’importe quel prix et préfèrent souvent s’investir ailleurs si elles rencontrent trop d’obstacles. Les quotas sont donc un mal nécessaire pour faire de la place aux femmes. On le voit avec la loi du 6 juin 2000 qui a permis de faire progresser de manière significative leur nombre dans les assemblées des communes de plus de 3 500 habitants. En ce sens, il faut abaisser aux communes de 500 habitants l’obligation de parité. A l’inverse, le mode de scrutin des nouveaux conseillers territoriaux représenterait une catastrophe pour la parité, dans la mesure où les scrutins uninominaux ne favorisent pas l’accès des femmes aux mandats électoraux.»
L'OBSERVATOIRE DE LA PARITE
Créé en 1995, l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes est placé auprès du Premier ministre. Composé de 37 membres choisis en raison de leurs compétences et expériences en matière d’égalité femmes-hommes, il assure une fonction d’expertise et d’évaluation des politiques publiques visant à favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines.
Maud Parnaudeau