Dans la circulaire transmise le 6 janvier aux préfets, le ministre de l’Intérieur appelle les préfets de départements à appuyer les maires pour faire interdire préventivement les spectacles de Dieudonné M’Bala M’Bala, au nom du respect de l’ordre public et du droit à la dignité. Et rappelle que si les élus ne font pas ce choix, les préfets peuvent se substituer à eux.
Respect de l’ordre public et droit à la dignité sont donc les deux critères que le ministre de l’Intérieur estime légitimes pour faire interdire préventivement par les maires les représentations des spectacles du comédien et polémiste Dieudonné.
Dans son instruction aux préfets, Manuel Valls rappelle, certes, que « l’interdiction d’un spectacle au titre du pouvoir de police générale du maire ne saurait ainsi avoir qu’un caractère tout à fait exceptionnel », mais que celle celle-ci « peut toutefois être justifiée lorsqu’il apparaît que c’est la seule solution pour mettre fin au trouble de l’ordre public causé par une représentation », quand les mesures de police classiques ne suffisent pas.
Trois critères d'interdiction
Et le ministre de l’Intérieur de préciser que la prononciation d’interdiction d’un tel spectacle doit respecter « un ensemble de caractéristiques » :
- une interdiction qui « s’inscrit dans une suite de spectacles ayant déjà donné lieu à des infractions pénales » ;
- des infractions qui s’avèrent « délibérées, réitérées, en dépité des condamnations pénales précédentes » et ne pouvant ainsi « être regardées comme un “dérapage” ponctuel qu’expliquerait la libre expression artistique » ;
- des infractions qui « sont liées à des propos ou des scènes susceptibles d’affecter le respect dû à la dignité de la personne humaine, qui est une composante de l’ordre public ».
Les préfets pressés de… mettre la pression sur les maires
A partir de cette analyse, le ministre appelle clairement les préfets à inciter les maires à interdire les spectacles de Dieudonné :
« En application de l’article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales, le pouvoir de police générale, qui comprend la police de spectacles, appartient au maire. Il vous appartient donc de rappeler à cette autorité les conditions d’interdiction des spectacles en cause, de l’assister dans la conception et la mise en œuvre de ces mesures lorsqu’elle vous sollicite », s’adresse-t-il aux représentants de l’Etat dans les départements. « Et, le cas échéant, de vous substituer à elle lorsque vous estimerez que les conditions d’une interdiction sont réunies », prend soin d’ajouter la Place Beauvau.
Lire notre analyse juridique "Affaire Dieudonné - ordre public, moralité, dignité : les pouvoirs de police du maire". "Le Courrier des maires" a le plaisir de vous offrir cet article, publié dans notre mensuel, en texte intégral.
Un volet prévention à réactiver
Enfin, la circulaire invite également les préfets à réunir d’ici la fin du premier trimestre 2014 les commissions pour la promotion de l'égalité des chances et la citoyenneté (COPEC), qui ont succédé en 2004((Circulaire du 20 septembre 2004 adressée par les ministres de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, et de la justice aux préfets et aux procureurs généraux)) aux commissions départementales d'accès à la citoyenneté (CODAC), « compétentes pour traiter de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme », rappelle le ministre.
Objectif affiché par Manuel Valls au travers de cette « réactivation » des Copec : « Susciter, proposer ou valoriser des initiatives de sensibilisation et de pédagogie contre les comportements racistes, antisémites, antimusulmans ou intolérants », et ce, en lien avec d’autres acteurs, dont les collectivités territoriales.