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© Phovoir
L’ouverture à la concurrence pourrait-elle être à l’origine d’une moins bonne desserte des territoires et donc d’une moindre qualité de service pour les usagers ? C’est la crainte de deux sénateurs, auteurs d’une proposition de loi pour limiter ce risque. Le Sénat examine le texte ce 28 mars en fin d’après-midi. Reste à voir s’il inspirera le gouvernement bien décidé à légiférer par ordonnances…
Le transport ferroviaire est en ébullition. Alors que la ministre des Transports a présenté mi-mars en conseil des ministres son projet de loi d’habilitation pour un nouveau pacte ferroviaire lui permettant de réformer la SNCF – et plus largement le rail français – par ordonnances, le Sénat a décidé de s’emparer malgré tout de la question. Et pour cause : le projet du gouvernement ne se limite pas à son article 1 et à l’avenir du statut des cheminots. Les articles 2 à 5 concernent la transposition du « quatrième paquet ferroviaire » européen dans la loi française. Autrement dit : l’ouverture à la concurrence des lignes TGV et TER, qu’il faut bien organiser.
La concurrence n'empêche pas la régulation
« Si elle est bien encadrée, cette libéralisation peut être une opportunité » a confirmé le sénateur (UC) du Doubs, Jean-François Longeot et rapporteur d’une proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs. « Tous les sénateurs ne partagent pas le même avis, notamment les communistes, mais tous refusent que le gouvernement se moque ainsi de l’avis des Français. Des régions elles-mêmes favorables à cette libéralisation réclament un vrai débat. Des parlementaires ont des propositions à faire passer, des idées d’amendements qui peuvent nourrir le projet du gouvernement comme notre proposition de loi. La ministre des Transports et le Premier ministre ont encore le droit de s’inspirer d’idées extérieures.»
La proposition-phare du texte sénatorial consiste à créer des « paquets ferroviaires » incluant grandes lignes et petites lignes, rentables ou non. « SNCF Mobilités ou un autre opérateur qui obtiendrait la gestion de la ligne très rentable Paris-Marseille devrait obligatoirement s’occuper aussi de la ligne Marseille-Nice qui, pour sa part, ne rapporte pas d’argent. Ce qui permettrait de poursuivre l’aménagement du territoire et satisfaire les usagers du Paris-Nice n’étant pas obligés de changer de train en cours de trajet » illustre Jean-François Longeot. « L’ouverture à la concurrence ne doit se faire ni au détriment des territoires enclavés ni pénaliser les usagers-clients. En cela, nous pensons tout l’inverse du gouvernement, qui devra davantage réguler s’il veut véritablement éviter l’absence de dessertes de certains territoires » plaide Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire au Sénat et co-auteur de cette proposition de loi.
Défense de l'aménagement du territoire... et de l'usager
Les deux parlementaires centristes ont dû revoir leur copie à la suite de l’examen de leur texte par le Conseil d’Etat. « Ils nous ont alerté sur l’impossibilité de découper la France en lots, comme dans le système britannique » résume celui qui est sénateur de l’Eure et conseiller régional de Normandie. L’obligation de service public qu’ils proposaient en 2017 avec son co-auteur et accessoirement président du GART, Louis Nègre, s’est donc transformée en contrat de services publics, afin de faire vivre cette idée de « péréquation » entre petites lignes et lignes performantes.
« Ce qui importe, c’est d’éviter à tout prix l’open-access à 100% pour éviter que des dessertes TGV soient supprimées. Sinon, le train Paris-Dax risque de s’arrêter à Bordeaux, tout comme le Paris-Chambéry à Lyon. Je ne parle même pas du tronçon Dijon-Besançon qui pourrait être rayé de la carte. Nous ne voulons pas, non plus, que les voyageurs doivent descendre et prendre une correspondance pour terminer leurs trajets.»
Double défi, territorial... et démocratique
Les débats parlementaires commencent ce mercredi 28 mars à 18H30 et le vote doit intervenir le lendemain. La position du gouvernement sera à suivre de près. « Nous tendrons de nouveau la main au gouvernement à l’issue de l’examen au Sénat » promet Hervé Maurey. « Pourquoi continuer à s’enfermer dans cette procédure opaque et recroquevillée d’ordonnances, qui prive les parlementaires comme les citoyens d’un débat démocratique, alors qu’ils disposent d’un texte prêt, ayant déjà fait l’objet d’une vaste concertation à laquelle ont participé plusieurs représentants de régions, et déjà voté par une partie du Parlement ? Libres à eux, alors, de réagir de façon démocratique, de l’amender et de l’inscrire à l’ordre du jour à l’Assemblée nationale. »