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© R. Ying et T. Morlier-Wikimédia
Rapports rédigés, questions orales ou écrites adressées à l’exécutif, propositions de lois déposées… le volume de l’activité parlementaire de chaque député semble influencer les électeurs au moment où les mandats sont remis en jeu, selon une étude menée sur la 12e législature par deux chercheurs en sciences politiques de l’Université de Lille. Même si l’effet levier reste modeste…
« Un bon bilan ne suffit pas pour être réélu ! », entend-on souvent chez les observateurs privilégiés de la vie politique locale comme nationale. Est-ce à dire que les électeurs n’ont que faire de l’activité réelle de leur député durant la mandature au moment de choisir s’ils lui renouvellent ou non leur confiance ? C’est la question que se sont posée Julien Navarro maître de conférences en science politique à l’Université Catholique de Lille, et Abel François, professeur à Lille1, dans une récente étude.
Pour les deux chercheurs, la question mérite d’autant plus d’être posée que deux facteurs affaiblissent « les mécanismes de sanction / récompense des électeurs français » vis-à-vis de leur député : « un parlement au pouvoir notoirement réduit par rapport à l’exécutif » avec « un travail parlementaire peu valorisé globalement dans le système politique français » , et « un calendrier électoral qui depuis 2002 transformée l’élection législative en élection de confirmation de la présidentielle qui la précède ». Au total, seul le mode de scrutin uninominal favoriserait le mécanisme sanction/récompense car il renforce « le lien entre le représentant et sa circonscription ». Encore que le premier tour des législatives permettent d’en douter tant des députés solidement ancrés ont été balayés...
L'activité paye, surtout les questions orales... télévisées
C’est donc sur la base de différents indicateurs mesurant l’activité parlementaire des députés de la 12e législature (2002-2007) que les deux chercheurs ont basé leur enquête : écriture de la loi, questions écrites et orales au pouvoir exécutif, production de rapports législatifs ou d’information, commission parlementaire d’appartenance, et gestion des commissions, groupes de travail ou groupes d’amitié. Et les résultats confirmeraient un certain effet levier, certes modeste mais réel, entre l’importance de l’activité parlementaire de l’élu sur les suffrages exprimés au premier tour de l’élection législative de renouvellement en 2012. « Rédiger des propositions de loi augmente les suffrages collectés au premier tour par leur auteur et, si au moins l’une de ses propositions de lois aboutit, le député sortant perçoit plus de suffrages et sa probabilité de réélection est plus élevée », observent les deux chercheurs.
De même, « le nombre de questions orales posées - activité qui entraîne un passage télévisé puisque les questions au gouvernement sont retransmises sur France 3 - a une incidence positive sur les suffrages obtenus, alors que les questions écrites, plus nombreuses et plus faciles, ont une influence négative sur les résultats électoraux du premier tour », décryptent-ils. Même si l’on voit dans ce cas précis probablement davantage l’effet levier de l’apparition médiatique que de l’action parlementaire proprement dite.
La reconnaissance des électeurs, pas des partis
« Ces résultats montrent qu’en dépit des caractéristiques du système politique français, les électeurs dans leur choix de reconduire ou pas leur député sortant prennent en compte l’intensité de leur activité parlementaire, exerçant ainsi une pression démocratique », en concluent les deux chercheurs lillois. Même si l’effet levier reste très modeste : 1% de question orale en plus génère 0,03 % de suffrages de plus au premier tour de la législative qui suit ; et la rédaction d’un rapport faisant elle bénéficier son auteur de 0,02% d’augmentation de la probabilité de réélection…
Reste à savoir par ailleurs « si, au côté des électeurs, les partis eux-mêmes sont également sensibles dans leur soutien ou la promotion de leurs élus à l’investissement de ces derniers dans le travail parlementaire ». Si l’on se réfère aussi à 2007, il semblerait que non : on se souvient encore que le Parti socialiste n’avait pas souhaité investir l’un des députés sortants les plus actifs, qu’il s’agisse de sa production de rapport et de textes législatifs et plus encore de ses actions de contrôle de l’exécutif, un des rôles primordiaux mais délaissés par les députés : René Dosière. Repoussé aussi par le PS en 2012, cela n’empêchera pas le député d’être élu malgré tout les deux fois et d’être encore aujourd’hui l’un des plus importants contributeurs au débat sur la moralisation de la vie politique et les projets de lois annoncés.