Trois maires de villes moyennes, trois façons d’envisager des économies nécessaires sur leurs dépenses de fonctionnement pour absorber les baisses de dotations. Car oui ces économies sont possibles, ont assuré les maires de Libourne, Roanne et Arras le 2 octobre au congrès de l’association des villes moyennes, « Villes de France », à Bourg-en-Bresse.
Philippe Buisson, maire de Libourne et président de la CA du Libournais
« Des marges de manœuvre considérables sur les heures supplémentaires »
« La mutualisation n’est pas la martingale. Cela crée du stress. L’avancement minimum : cela n’est plus la règle, ou du moins elle l’était dans beaucoup de collectivités. Dans le passé, on a été généreux dans le recrutement, y compris dans le recrutement amical, car c’était alors un certain amortisseur social. Nous travaillons à Libourne sur au moins trois chantiers qui créent du stress et qui nous obligent à manager :
- sur la gestion des carrières : comment on va faire en sorte que nos cadres intermédiaires vont sanctionner positivement ou négativement leurs collaborateurs en acceptant ou en proposant que leur progression ne soit pas l’avancement minimum ;
- sur la gestion des heures supplémentaires : nous avions à Libourne un volume d’heures supplémentaires qui était considérable. Nous optimisons ces heures ; il y a des marges de manœuvre considérables.
- sur l’absentéisme : on est dans l’ouverture d’un dialogue très étroit, très intime même, avec les syndicats pour avoir une gestion plus précise, une connaissance de l’absentéisme et aller vers une meilleure compréhension, une adaptation du cadre de travail, mais également disons le clairement plus de contrôle.
On est dans cette équation impossible de devoir diminuer nos ressources humaines avec de nouvelles missions. D’où l’obligation qui nous est faite de fermer un certain nombre de missions traditionnelles.
Concrètement, à Libourne, j’ai un plan d’eau, avec l’aménagement d’une plage, et une piscine. On a fermé la piscine cet été. C’est 100 000 euros d’économies et 3 000 pétitionnaires. La question se pose également de fermer ou de réduire en matière d’accès à la culture le conservatoire de musique : c’est 750 000 euros de déficit. »
Yves Nicolin, député-maire de Roanne et président de la CA du Roannais
« Faire en sorte que la masse salariale à la fin du mandat soit égale à celle du début »
« Compte tenu des baisses de dotations, il n’y a pas d’autres solutions que de faire feu de tout bois et d’ajuster notre masse salariale à nos possibilités. En essayant que nous ayons à la fin du mandat au maximum zéro d’augmentation. Ça veut dire trouver des solutions pour au moins gommer le GVT et faire en sorte que la masse salariale à la fin du mandat soit égale à celle du début.
La masse salariale représente chez nous 58% des dépenses de fonctionnement pour 741 agents en 2014 En un an la masse salariale a déjà baissé de deux points et demi : ce sont des non-remplacements, notamment de départs en retraite.
Ça nécessite de se poser des questions de réorganisation de service, d’amoindrir les horaires, de supprimer éventuellement certains services.
Avec l’agglomération, nous avons d’ores et déjà mutualisé le cabinet et le service com’, passant d’un budget cumulé d’un million d’euros à 800 000 dès cette année, soit 20% d’économies dès la première année.
Nous avons lancé un schéma de mutualisation avec les 40 communes du département selon un modèle à la carte : on ne veut forcer personne car il y a effectivement des difficultés d’acceptabilité par rapport à des communes qui n’ont pas les mêmes problématiques que des villes centres.
Sans oublier le ratio d’avancement des grades : depuis 2007, ce n’est plus l’Etat qui fixe ce ratio, ce sont les communes. La commune du Mans, dès 2007, est passée à un ratio de 100 à 35%. Le résultat, c’est 800 000 euros de moindres dépenses sur l’évolution de la masse salariale. Il faut aller vers des outils comme ceux-ci.
Et puis pourquoi pas aller sur des fermetures de services. Notre patinoire de Roanne est déficitaire à hauteur de 500 000 euros par an ; nous nous interrogeons. En 2016, on va réduire les nombre de mois d’ouverture ne serait-ce que pour faire déjà 100 000 euros d’économies. »
Fréderic Leturque, maire d’Arras
« Il faut s’attaquer au dur… La masse salariale et la question du statut sont deux sujets intimement liées »
« Oyez, oyez les maires dirigent leurs collectivités ! Quand on entend quelques fois les commentateurs laisser penser que les maires ne sont que des dépensiers, on voit bien que les maires essaient de gérer un budget et puis surtout des attentes de nos concitoyens.
On peut s’interroger sur notre capacité à investir, on peut pleurer sur la baisse des dotations, mais on doit aussi regarder les 2 000 milliards de déficit de l’Etat avec responsabilité.
Il faut s’attaquer au dur de la part la plus compliquée que représente notre budget municipal. La question du statut des agents n’est pas une question à refermer. La masse salariale et la question du statut sont deux sujets intimement liées.
Qu’on n’ait pas peur de participer à un vrai débat sur cette question du statut, non pas en agitant les chiffons rouges, mais en ayant du dialogue.
Il y a un sujet qui mériterait d'être abordé, c’est l’analyse des besoins sociaux, que j’aime élargir aux besoins économiques et environnementaux de nos territoires. Pour lier intimement ce qui est compétence communale et ce qui est compétence intercommunale.
On essaye de retirer, au Sénat, l’obligation faite aux collectivités locales de de faire une ABS. C’est une erreur car dans une période rigueur et d’économies, on doit absolument imposer aux collectivités locales et aux intercommunalités de travailler les politiques publiques et les besoins des habitants en fonction de la réalité économique et sociale des territoires. »
300 millions aux bourgs-centres… et aux villes de moins de 50 000 habitants
Au sein du milliard d’euros promis à l’investissement local pour 2016, la moitié devenait revenir aux territoires ruraux, dont 200 millions via la dotation d’équipement des territoires ruraux. Mais quid des collectivités éligibles aux 300 millions restants ? Un temps annoncé pour les seuls bourgs-centres des petites villes (moins de 20 000 habitants), la ministre Marylise Lebranchu est venue annoncer une bonne nouvelle aux villes moyennes : ces fonds seront ouverts aux villes jusqu’à 50 000 habitants. « Je ne pense pas qu’on puisse consacrer 300 millions aux bourgs-centres, ils n’arriveront pas à tout dépenser », a ajouté la ministre pour justifier l’élargissement des collectivités éligibles.