Organiser la mutualisation intercommunale des achats

Bénédicte Rallu
Organiser la mutualisation intercommunale des achats

Finances Investissement

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Raréfaction des ressources financières oblige, les collectivités territoriales ont intérêt à se regrouper pour acheter. Plusieurs formules existent. Mais la réussite de l'opération dépend de la volonté politique et de la présence d'un référent. Un sujet particulièrement "chaud" aujourd'hui, puisque, comme le disait Floriane Boulay, responsable juridique de l’AdCF,en 2012, la mutualisation des achats sera un "sujet dans les futurs schémas de mutualisation qui doivent être adoptés en 2015 au plus tard."

Faire des économies… un rêve ? La mutualisation des achats permet d’y croire. Avec des commandes en plus grands volumes, les prix sont en général plus intéressants. Mutualiser limite aussi le nombre de procédures et mobilise, dans certains cas, moins d’agents. Du simple groupement de commandes au service commun, plusieurs formules existent. Mais de la volonté politique et la présence d’un référent conditionnent la réussite de l’opération.

Le 17 avril 2014, la ministre du Logement et de l'Egalité des territoires, Sylvia Pinel, a souhaité davantage de mutualisation des moyens entre communes et intercommunalités, tout en préservant leurs capacités d'investissements.

La mutualisation des achats sera un « sujet dans les futurs schémas de mutualisation qui doivent être adoptés en 2015 au plus tard», estimait Floriane Boulay, responsable juridique de l’AdCF, dans les colonnes du "Courrier des maires et des élus locaux de septembre 2012". Ces schémas proposeront des mutualisations de services. Mais cela « va au-delà », selon Floriane Boulay, puisque la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010 a introduit, à travers l’article L.5211-4-3 du CGCT, la possibilité de mutualiser les biens. D’où la montée en puissance de la mutualisation des achats.

Le Courrierdesmaires.fr a le plaisir de vous offrir la lecture de cet article publié dans son magazine, n°260, de septembre 2012

La mutualisation des achats à l’échelle intercommunale apparaît cependant à géométrie variable. La formule dépend des volontés politiques : du simple groupement de commandes — dans lequel l’intercommunalité et une ou plusieurs villes, voire les établissements publics , CCAS, etc., signent chacun son marché — au service commun entre l’EPCI et une ville membre, en passant par des groupements de commandes plus globaux où la communauté gère toute la procédure (passation et exécution). Avec quelques variantes.

Distinguer mutualisation des services et mutualisation de l’acte d’achat
La première étape d’une démarche de mutualisation des achats passe généralement par les groupements de commandes. Ils nécessitent l’adoption de délibérations par chacune des collectivités membres (qui peuvent couvrir toute la durée des mandats, comme à Brest Métropole Océane, dans le Finistère) et une convention constitutive du groupement fixant son périmètre (temporaire ou permanent selon les besoins ponctuels ou récurrents).

Le groupement de commandes évite à chaque membre de rédiger les documents de la consultation. Mais il est « très long à mettre en place », constate Marjory Bouille-Vagneur, en charge de la mutualisation des achats à la CC de Maremne Adour Côte-Sud (40), conseil communautaire et conseils municipaux devant se prononcer. Le recensement des besoins de chaque membre du groupement prend aussi du temps.

La création d’une instance intercommunale plus ou moins formalisée (comité de pilotage, club acheteurs…) chargée de réfléchir aux achats pouvant être mutualisés, d’un service ou la désignation d’un agent référent chargé du recensement des besoins et de la procédure conditionne en partie la réussite de l’opération. Elle sert d’impulsion pour faire vivre la mutualisation dans le temps. Et s’avère « nécessaire pour régler les petits problèmes de mise en place », constate Marjory Bouille-Vagneur. Et connaître les besoins de chacun.

Administration commune et volontariat
Le groupement de commandes existe, même lorsque l’organisation des services supports est plus intégrée. Les CU de Strasbourg (67), Brest (29) et Nantes (44) ont mis en place des services ou directions communs des achats ou de la commande publique entre l’EPCI et la ville centre, mais achètent en partie en groupement de commandes pour des achats qui intéressent les deux entités.

A Strasbourg, « soit les achats sont portés par la communauté urbaine ou la ville et on refacture dans le décompte annuel. C’est le cas notamment de l’informatique. Soit les besoins sont communs. Des groupements de commandes sont alors passés. Il en va ainsi des achats transversaux types véhicules. Suivant les cas, le groupement est porté indifféremment par la ville ou la CUS », explique Vincent Bonnafoux, DGA du pôle ressources ville et communauté urbaine.

Brest Métropole Océane, où l’intégration est aussi forte, commence à ouvrir ses groupements aux communes membres. «Cela se fait sur la base du volontariat, détaille Romain Tournereau, coordonnateur de l’achat au sein de la CU. Une liste des groupements leur est transmise. Elles choisissent. La démarche est encore timide. Une seule collectivité sur sept a par exemple intégré notre groupement de commandes passé pour tous les petits travaux de maintenance. »

Une mutualisation à géométrie variable
Selon le degré d’intégration de l’intercommunalité, les communes optent pour des solutions différentes.

  • La communauté d’agglomération du Grand Dax (40) a deux villes centres et opère la mutualisation à minima. Elle n’a par exemple passé qu’un seul groupement de commandes de papier, avec des petites communes, mais sans la ville de Dax. S’il y a eu mutualisation de certains services en fonction des compétences transférées, aucune discussion ne concerne la commande publique. Le service des marchés publics de l’EPCI intervient comme support informel pour les plus petites communes.
  • Selon l’AdCF, les communautés urbaines mutualisent depuis longtemps leurs achats. Les communautés d’agglomération le font le plus souvent avec la ville centre quand il y en a une.
  • Les communautés de communes sont moins avancées en la matière. Mais lorsqu’elles le font, elles mutualisent généralement à l’échelle communautaire. Parfois, c’est la ville centre qui porte le projet comme à Sarlat-La Canéda (24). La ville de 10 000 habitants met son service achats à disposition de la communauté de communes (19 000 habitants) depuis 2011.

« Petit à petit, nous allons passer à des consultations plus élaborées »

Pierre Laffitte, directeur général des services, de la CC de Maremne Adour Côte-Sud (40)  : « Nous constituons des groupements d’achats suite à une décision du conseil communautaire de février 2009. Les communes et établissements publics adhèrent ou non selon l’intérêt qu’ils ont par rapport à l’objet de la consultation. Jusqu’à maintenant, nous avons utilisé ce système pour l’achat groupé de papier, de vêtements de travail, de produits d’entretien, de nettoyage de vitres et locaux, de maintenance de système de climatisation, chauffage et ascenseurs, ou encore pour les contrôles périodiques obligatoires.

Un groupe de travail composé d’une quinzaine de personnes (vice-président aux finances, vice-président à la voirie, cadres territoriaux, secrétaires de mairie, directeurs généraux de services, directeurs de services marchés des collectivités les plus importantes quand elles en ont, cadres territoriaux concernés) réfléchit aux achats à mutualiser et propose un groupement lorsqu’une idée fait l’unanimité.

Le conseil communautaire délibère sur chaque proposition de consultation groupée. Pour l’instant, nous avons fait des achats groupés pour des fournitures basiques. Petit à petit, nous allons passer à des consultations plus élaborées. Il est vrai que c’est un peu lourd. Une fois l’entreprise retenue, chaque commune doit signer l’acte d’engagement. La réglementation n’est pas évidente. Il faut persévérer. Cela nous permet de tisser des liens avec nos collègues des autres collectivités, de travailler ensemble, d’apprendre à mieux nous connaître et d’obtenir des prix que nous n’aurions pas eus autrement. »

© 2012 - Le Courrier des maires

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