Santé et accès aux soins : au micro, Isabelle Maincion, maire de La Ville-aux-Clercs (41)
© S. Gautier
Santé et accès aux soins est le thème que l'AMF a choisi pour lancer les débats du 99e Congrès des maires de France, mardi 31 mai 2016. Au sommaire : l'accès aux soins de proximité et les nouveaux groupements hospitaliers de territoire.
« La France a raté un tournant dans la formation de ses professionnels médicaux », a introduit François Baroin, président de l'association, évoquant notamment un numérus clausus ne permettant pas de répondre aux besoins.
« Il n'y a pas un canton qui n'a pas des problèmes pour trouver des remplacements de médecins dits “de campagne”, a-t-il poursuivi. Même pour les villes moyennes, les préfectures départementales ou certaines métropoles, il est compliqué de trouver la bonne organisation » qui permette un accès aux soins de proximité.
Une problématique prioritaire pour les maires
Là où la pénurie de médecins généralistes, spécialistes et de professionnels paramédicaux est problématique, des communes et intercommunalités s'organisent, au-delà de leur compétences obligatoires. Un outil revient souvent dans les témoignages : la maison de santé pluridisciplinaire (MSP) dont l'Etat encourage la création par un soutien financier.
Ces structures appelées aussi « Pôles de santé » étaient environ 600 en mars 2015, lorsque le Premier ministre a annoncé le projet d'en créer 200 de plus au cours de l'année. Elles réunissent plusieurs praticiens dans un même lieu. Et répondent ainsi à l'un des freins à l'installation libérale des jeunes diplômés : la perspective d'une activité solitaire, rejetée par les nouvelles générations.
Pour autant, si sur le papier les MSP sont attractives, sur le terrain, malgré les investissements importants engagés dans leur construction, certaines restent des coquilles vides.
Moyens alternatifs
« La maison de santé n'était pas une solution pour nous. C'est un énorme investissement sans résultat garanti », a souligné Marie-Louise Fort, député-maire de Sens (Yonne).
A la tribune, elle explique comment, faute de trouver des professionnels prêts à s'installer dans sa localité, sa commune a contractualisé avec SOS-Médecin dans le cadre d'une expérimentation. « En attendant d'arriver à attirer des médecins, ce partenariat permet, en particulier aux personnes âgées, de faire appel à des médecins considérés comme médecins traitants – même si la CPAM leur fait parfois des difficultés pour le remboursement ».
Dans l'assemblée, le maire de la petite ville de Capestang (Hérault), Pierre Polard raconte que sa commune s'apprête à ouvrir un centre communal de santé après avoir recruté deux médecins généralistes.
« L'encaissement des honoraires couvre les frais de leurs salaires. C'est le service public qui coûte le moins cher à la commune ! », s'amuse l'élu, en soulignant qu'il lui aura fallu seulement trois mois pour trouver deux médecins salariés quand deux années de recherche n'ont pas suffi à trouver des volontaires à une installation libérale.
Des mesures coercitives ?
Évidemment, lorsqu'il s'agit d'évoquer les déserts médicaux, la question de liberté d'installation des médecins libéraux se pose. Faut-il continuer à se contenter d'inciter – ce qui ne fonctionne pas toujours – ou faut-il passer à des mesures plus coercitives ?
A la tribune et dans l'assemblée, les avis sont partagés, bien que la première hypothèse semble privilégiée. Il faut dire que parmi les élus au micro ce matin-là, une majorité appartient – ou a appartenu – au corps médical.
Invité à s'exprimer sur le sujet, le président du Conseil de l'ordre des médecins, Patrick Brouet, rappelle l'opposition de son organisation à toutes mesures coercitives.
« La solution est du côté de la formation ou encore du statut », explique-t-il, estimant que les étudiants devraient le plus tôt possible côtoyer le terrain dans le cadre de cursus plus professionnalisants. Ou encore que les médecins devraient pouvoir, plus facilement, mixer les statuts au cours de leur carrière, entre emploi salarié, emploi public et activité libérale.
Par ailleurs, insiste-t-il, résoudre le problème des zones désertées par le corps médical implique de partir des réalités du terrain. « Il faut sortir du schéma du médecin attaché à un cabinet pour envisager des pratiques mobiles et partagées sur un territoire et faire confiance aux professionnels pour s'organiser », martèle-t-il, sans pour autant rejeter le rôle des communes dans cette organisation. Le CNOM a publié un livre blanc dans cette direction au début de l'année.
Les maires qui veulent s'impliquer
Mais, pour l'heure, ce sont les groupements hospitaliers de territoire (GHT) qui occupent les élus du bloc local. Créés par la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016, ils constituent des territoires à l'échelle desquels les établissements publics de santé devront désormais obligatoirement coopérer, en lieu et place des communautés hospitalières.
Au cœur du dispositif : un projet médical commun qui pourra prévoir la mutualisation de certains équipements, voire de fonctions administratives, techniques et logistiques. Les GHT se verront confier obligatoirement certaines fonctions comme les politiques d'achats, la coordination des plans de formation continue, etc.
Alors que les ARS devront en arrêter la liste au 1er juillet 2016 et que les décrets d'application de la loi sont en cours de rédaction, les maires militent pour que leur engagement dans le domaine de la santé soit reconnu et leur permette de participer réellement à la constitution des GHT, des projets partagés et à leur gouvernance.
L'AMF revendique la participation des communes incluses dans le périmètre des GHT et non pas seulement, comme prévu initialement, des communes concernées par la présence d'un établissement hospitalier sur leur territoire. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a accédé en partie à ces demandes.
Le calendrier contraint des GHT
Autre problème soulevé, en l'occurrence par Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France et maire de Fontainebleau : le calendrier. « Le cœur du nouveau système est le projet médical partagé. Or, on va voir émerger des GHT, dès le mois de juillet, sans que les acteurs concernés n'aient réellement eu le temps de travailler sur ce qu'ils vont faire ensemble. »
De son côté, Jean-Pierre Bouquet, maire de Vitry-le-françois et co-président du groupe de travail « Santé » de l'AMF relève des craintes au sujet des futurs sièges des GHT.
A la tribune, Jacqueline Hubert, directrice générale du CHU de Grenoble et l'une des deux personnes chargées d'une mission sur les GHT, rassure : « Un établissement sera nommé dans chaque GHT comme support à la mutualisation des achats, au système d'information et de formation, etc. Mais cela ne signifie pas que les professionnels médicaux y seront concentrés ».
« Le calendrier est contraint, reconnait Jean-Pierre Bouquet. Il faut s'impliquer à fond dans ces nouvelles dispositions. La qualité des changements promis par les GHT dépendra de cela », conclut-il.