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Président de la Région Auvergne, René Souchon expose au Courrier des maires comment sa collectivité travaille depuis de nombreux mois avec sa voisine Rhône-Alpes pour préparer au mieux la fusion des deux régions qui sera effective au 1er janvier 2016. Et évoque sa ferme intention de voir les services régionaux s’implanter compétence par compétence, en évitant tout centralisme lyonnais. Y compris pour les services déconcentrés de l’Etat…
Courrierdesmaires.fr. La fusion au 1er janvier de la région Auvergne avec celle de Rhône-Alpes approche… Comment la préparez-vous ?
René Souchon : Notre dispositif pour préparer la fusion, sur laquelle nous travaillons depuis juin 2014, est à la fois politique, technique et administratif. Un comité de pilotage politique réunit les deux présidents, les deux DGA et les deux directeurs de cabinet. Un comité technique réunit lui les deux DGS et une partie de l’administration. Enfin, un comité de suivi propre à chaque région informe les minorités politiques, le Ceser, les chambres consulaires, les universités et les organisations syndicales. C’est un travail collaboratif de co-construction.
Comment harmoniser les politiques publiques d'Auvergne et de Rhône-Alpes ?
R.S. Depuis l’été 2014, nous menons une analyse qualitative des politiques des deux régions. Un état des lieux qui sera conclu fin mai. Nous avons déjà produit 140 fiches d’analyse des politiques régionales, que nous présenterons lors de la session commune des deux conseils régionaux en visio-conférence fin juin. La future majorité de la nouvelle région décidera avec le Gouvernement – un travail Etat-ARF est mené parallèlement – des modalités. Mais il faudra au moins cinq ans pour harmoniser toutes les politiques ! L’Etat a sous-estimé ce délai et a tardé à s’y atteler. Et encore la région Auvergne-Rhône-Alpes est parmi les précurseurs… Les politiques publiques régionales sont différentes, il faut les faire converger. Mais le plus difficile, ce sont les aspects techniques. D’abord la convergence financière : comment-fait-on au 1er janvier 2016 sans budget commun ? Sur la gestion budgétaire, nous préparons la convergence des systèmes d’information budgétaires et comptables. Cela n’apparait pas très consistant pour les citoyens et les journalistes, mais c’est essentiel pour passer la main sans trop de problème à la nouvelle équipe.
Les deux régions pourront-elles assurer la continuité des services publics tout en réorganisant les services ?
R.S. S’agissant des RH, il faut assurer la paix au 1er janvier 2016, gérer les départs à la retraite. Tout cela est d’une très grande complexité. Nous préparons aussi la future assemblée : les premiers actes à prendre, les nouvelles commissions.
La configuration des nouveaux services sera présentée en septembre, puis nous examinerons les projets d’administration nouvelle. Des changements très lourds vont intervenir sur les services supports : RH, finances, juridique. Les travaux ont débuté en septembre 2014 et vont s’achever à la fin de ce premier semestre afin d’assurer au 1er janvier une continuité du service public, pour éviter toute rupture.
Quels sont ces risques de « rupture » ?
R.S. Ce sont par exemple les contrats signés par la région Auvergne au 1er janvier dernier avec les communautés de communes… pour trois ans ! Autre exemple : les TER. Rhône-Alpes a renégocié sa convention d’exploitation avec la SNCF début 2015. Chez nous en Auvergne, c’est prévu pour l’année prochaine. Rhône-Alpes a donc du intégrer dans sa propre négociation une partie liée à sa prochaine fusion avec Auvergne.
Comment impliquez-vous les agents dans la préparation de la fusion ?
R.S. Nous avons fait appel aux personnels volontaires pour travailler sur l’organisation territoriale de la nouvelle région avec plusieurs axes de réflexion : la valorisation du potentiel humain, l’organisation de la présence régionale, la mobilisation de l’administration et la simplification. Chaque axe est piloté par un binôme de DGA Auvergne / Rhône-Alpes au sein de 20 groupes de travail. Une première réunion plénière avec 400 agents des deux collectivités a eu lieu début avril, une seconde aura lieu en Rhône-Alpes en mai. Les conclusions seront présentées à l’ensemble des encadrants administratifs fin juin. Des outils communs ont déjà été mis en place : une page internet et une bourse de l’emploi communs.
Quels principes vont guider la nouvelle implantation territoriale des services régionaux ?
R.S. Celle-ci figurera dans l’organisation territoriale proposée par les groupes de travail. Et l’Etat devra se calquer dessus ! Exemple : nous souhaitons, avec Jean-Jacques Queyranne, que la direction régionale de l’agriculture s’installe à Clermont-Ferrand ; il faudra que son alter-ego de l’Etat, la direction régionale l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, la « DRAAF », y soit aussi. Mais je ne suis pas sûr que la haute administration française soit d’accord et je crains qu’elle préfère une sorte de centralisme rhônalpin…
Militez-vous pour une répartition géographique des services selon les secteurs d’intervention ?
R.S. Nous travaillons pour que l’implantation des services se fasse compétence par compétence. C’est pourquoi l’administration d’Etat devra changer de logiciel, elle qui est imprégnée de centralisme. Nous disons non à cela. Il ne s’agit pas d’un caprice : autant des décisions stratégiques doivent être prise en capitale de région, autant les politiques du quotidien ne répondent pas à cette logique. A Clermont-Ferrand, nous avons sur certains sujets une légitimité supérieure à d’autres.
Enfin, si une bonne organisation territoriale est indispensable pour ces raisons de fond, de continuité du service public, elle l’est aussi pour des raisons administratives. Ainsi les fonds européens s’appliquent sur chacun de nos territoires actuels jusque 2022 ! Les programmes opérationnels du Feder pour l’Auvergne ne peuvent s’exercer d’ailleurs que depuis Clermont-Ferrand. Et on ne peut en même temps dépouiller un territoire et vouloir qu’il ait de l’ambition !