Olivier Dussopt : "Il n’est pas question de diminuer les recettes des collectivités"

Aurélien Hélias
Olivier Dussopt :

Olivier Dussopt, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des comptes publics

© V. Vincenzo

Alors que le Gouvernement a publié le 15 mars la circulaire encadrant les contrats que devront signer les 322 grandes collectivités sur leurs dépenses de fonctionnement, le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des comptes publics, Olivier Dussopt, défend pied à pied ce texte malgré les réticences de plusieurs associations d’élus. Pour le ministre, le Gouvernement peut avoir la conscience tranquille après avoir pris en compte plusieurs de leurs requêtes. Et l’ancien patron des petites villes de France de souligner que la plupart des collectivités sont exemptées de toute contractualisation…

Pourquoi l’exécutif veut-il engager les collectivités contractuellement sur leurs dépenses ?

Ce dispositif est en rupture avec celui des quatre ou cinq dernières années où l’Etat décidait de manière unilatérale, année après année, de faire baisser les dotations, je l’ai moi-même vécu dans l’exercice de mon mandat municipal. L’avantage de la contractualisation, c’est d’abord qu’elle maintient le niveau des dotations pour la première fois depuis des années, et qu’elle permet ensuite de prendre en compte des critères de richesse, de situation socio-économique et de démographie des territoires, tout en préservant la péréquation entre les collectivités les plus aisées et celles qui sont le plus en difficulté. Avec un objectif double : avoir un dialogue Etat-Collectivités sur l’ensemble des finances publiques et respecter nos engagements financiers auprès de l’Union européenne.

Certains élus vous diront que l’Etat empiète sur la libre administration des collectivités en ayant un œil sur leurs dépenses…

C’est exactement l’inverse : le contrat n’impose pas une baisse des dépenses mais encadre la progression de cette dépense ! Si leurs dépenses augmentent trop rapidement, les collectivités devront toutefois accepter de participer à la baisse globale des dépenses publiques via le mécanisme de reprise financière. Mais ce seront toujours elles qui décideront de ce qu’elles font de leur argent. Dans la relation de partenariat que nous souhaitons mettre en place, il n’est pas question de diminuer la capacité à « faire » des collectivités ni leurs recettes. J’ajoute, point essentiel, que ces contrats ne viseront que 322 collectivités sur 36 000 ! Seules les régions, les Collectivités uniques de Corse, Martinique et Guyane, les départements, les métropoles et les 62 plus grandes intercommunalités, à savoir toutes les collectivités et tous les EPCI dont les budgets de fonctionnement dépassent les 60 millions d’euros, sont appelées à signer.

La contractualisation des quelque 35 000 autres collectivités est-elle inéluctable à plus moyen terme ?

Avec les plus grandes, nous signons un contrat de confiance ; avec les autres, nous faisons davantage le pari de la confiance. Celui que, d’elles-mêmes, elles souhaiteront suivre une trajectoire limitée à +1,2% de progression des dépenses de fonctionnement par an, en y trouvant leur intérêt, pour obtenir notamment des contreparties de la part de l’Etat. A ce titre, notez qu’une dizaine de villes moyennes se sont proposées d’elles-mêmes pour contractualiser alors qu’elles ne font pas partie des 322. Le premier trimestre 2019 sera l’occasion de faire le point sur l’exercice 2018. Et si jamais un mouvement important de forte progression des dépenses était observé, alors seulement, il faudra trouver d’autres moyens et des politiques contraignantes pour y remédier.

Quelles évolutions la circulaire définitive apporte-t-elle par rapport à la première mouture de contrat ?

D’abord, la loi de finances et son article 24 n’intègrent plus de plafond contraignant sur l’endettement des 322 collectivités visées. Et ce, alors que 41 de ces collectivités ne respectent pas le taux d’endettement envisagé. L’évaluation de cet endettement ne concernera par ailleurs que les budgets principaux. Enfin, trois critères de modulation du plafond des +1,2% annuels ont été intégrés après discussions avec les élus.

Mais plusieurs associations d’élus considèrent ces critères comme trop stricts…

S’ils l’étaient, nous n’aurions pas que 103 collectivités sur les 322 qui ne peuvent pas bénéficier de possibles modulations ! Certaines veulent même signer avec la limite des +1,2% alors qu’elles pourraient se prévaloir de l’une des trois modulations de ce plafond. Ce faisant, celles-ci souhaitent soit dégager des excédents de fonctionnement, soit comptent sur l’Etat pour les accompagner sur divers projets. La perspective de majoration de la dotation de soutien à l’investissement local, dans le cadre des crédits de droit commun, ou d’un partenariat plus large avec l’Etat, sur des opérations ciblées – rénovation urbaine, revitalisation de cœur de ville, etc. -, peut ainsi jouer.

La phase de discussion avec les élus sur le projet de circulaire a-t-elle permis d’adapter le périmètre des dépenses prises en compte ?

Oui, notamment grâce à la phase d’expérimentation que nous avons menée, en coordination avec ma collègue Jacqueline Gourault, grâce à un panel d’une quarantaine de collectivités volontaires sur les 322. La régulation régionale (qui aurait considéré le respect des +1,2% à l’échelle régionale) n’est plus, elle est remplacée par la seule « coordination » régionale. Par ailleurs, les dépenses de péréquation n’entreront pas dans le périmètre et les collectivités concernées auront la liberté d’intégrer ou non les budgets annexes. Enfin, le Comité de suivi permettra d’évaluer régulièrement les difficultés rencontrées. Un directeur projet sera nommé auprès de la DGFiP et de la DGCL pour accompagner les préfets et directeurs régionaux et départementaux des finances publiques dans la signature des contrats.

Les préfets se retrouvent avec un rôle central dans la négociation et la surveillance du respect des contrats, n’est-ce pas le signe d’une certaine recentralisation ?

Les élus discutent déjà régulièrement avec les préfets et plus encore ceux des 322 grandes collectivités qui vont contractualiser : ces exécutifs ont l’habitude de ce travail partenarial. Les préfets interviendront à trois niveaux : lors de la discussion initiale sur les contours des contrats, avec une marge de manœuvre restreinte car encadrée par la loi mais tout de même réelle ; au titre de leur rôle d’interlocuteur durant la contractualisation avec notamment leur regard sur les autres contrats en cours avec l’Etat ; et enfin pour procéder à l’évaluation du respect par la collectivité du plafond de +1,2%. A ce titre, ils pourront aussi acter du comportement vertueux des collectivités en avance sur leurs objectifs annuels.

Quid de la prise en compte de nouvelles compétences - et de dépenses obligatoires liées - par les collectivités ayant contractualisé, et de l’éventuel transfert imposé de nouvelles compétences par l’Etat ?

Les préfets auront aussi le pouvoir de prendre en considération les éventuelles modifications de périmètres de compétences qui devront alors donner lieu à l’adaptation de l’objectif fixé. Mais pour les intercommunalités, en dehors de l’eau et l’assainissement, la plupart de ces prises de compétences nouvelles ont déjà eu lieu, à l’occasion de la reconfiguration de la carte intercommunalité début 2017.

Les hérauts de l’intercommunalité craignent une possible remunicipalisation de certaines compétences pour faire « échapper » les dépenses correspondantes au plafond de +1,2%...

Les élus locaux sont responsables et nous leur faisons confiance en considérant qu’ils souhaiteront pas sciemment aggraver ainsi le niveau de dépenses publiques. Et si jamais le cas se présentait, les préfets - et le contrôle des chambres régionales de comptes - sont justement là pour vérifier, après discussion contradictoire avec la collectivité, que ne s’opèrent pas des optimisations illégitimes… A cet égard, nous ne pouvions instaurer des contrats prenant en compte les flux financiers entre l’intercommunalité et ses communes : d’abord car ce n’est pas dans la loi, qui ne prévoit pas de tels contrats de territoire, mais aussi car cela aurait été bien plus complexe.

Quelle est le calendrier qui s’impose aux 322 collectivités devant parapher ces contrats ?

La date butoir de signature reste fixée au 30 juin même si beaucoup sont déjà prêtes à signer, que ce soit celles soumises au simple plafond de +1,2 %, sans critères de modulation possible, ou celles déjà bien préparées car ayant participé à la phase préparatoire. Je rappelle que nous sommes, avec Jacqueline Gourault, mobilisés et disponibles pour accompagner les collectivités dans la mise en œuvre de ce dispositif contractuel. C’est ici l’illustration de cette « nouvelle grammaire » entre l’Etat et les collectivités, évoquée par le Premier ministre lors de la Conférence nationale des territoires.

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