Ni « charité », ni « partage » : vers un nouveau rapport entre les territoires et les métropoles ?

Ni « charité », ni « partage » : vers un nouveau rapport entre les territoires et les métropoles ?

Territoires

© Adobe/Richard Villalon

La mission d’information travaillant « sur la préparation d’une nouvelle étape de la décentralisation en faveur du développement des territoires » a rendu, ce 30 mai, son rapport. C’est aux territoires de « créer leurs filières et leurs récits », estiment les députés, via un travail « ascendant » qu’ils aimeraient voir accompagné par la future Agence de cohésion des territoires.

« Ce que nous avons pu constater au cours de cette mission, c’est que la théorie du ruissellement, à la base de la métropolisation à laquelle nous avons assisté ces dernières années, ne marche pas… ou en tout cas pas partout », constate  le rapporteur de la mission d'information ambitionnant « une nouvelle étape de la décentralisation en faveur du développement des territoires » Guillaume Vuilletet (Val d’Oise, LREM). Pour autant il ne s’agit pas pour les auteurs du rapport d’opposer les territoires aux métropoles, mais plutôt d’imaginer la décentralisation de demain. « La numérisation de l’économie pousse à une déconcentration des activités (télétravail, tiers-lieux, etc.), détaille Jean-François Cesarini (Vaucluse, LaREM), et donc à un rééquilibrage démographique. Ces deux dernières années, près de 50 000 personnes ont quitté Paris et ce que l’on découvre, c’est que la taille d’une ville n’aura plus forcément de rapport avec les activités qui s’y installent ».

Pas question donc de « charité » ou de « partage » dans ce rapport, mais plutôt l’idée de permettre « aux acteurs des territoires - publics et privés - de pouvoir ensemble déterminer leurs propres filières, leur propres récits avant de contractualiser avec l’Etat » plaident les auteurs. « Nous avons travaillé sur trois grands axes : donner aux territoires la possibilité de faire remonter leurs projets ; les laisser définir eux-mêmes leurs périmètres ; et enfin faire une place importante à la notion de contrats de libre-association entre les acteurs des territoires et avec l’Etat » ramasse ainsi Arnaud Viala, (Aveyron, LR) président de la mission d’information. Un travail de plusieurs mois qui aboutit à une dizaine de propositions, plus ou moins concrètes.

Promouvoir des projets de territoires, les appuyer par l’Agence de cohésion

Les auteurs du rapport proposent ainsi d’instaurer des pôles territoriaux, « syndicats mixtes ouverts, accessibles à tous les territoires », chargés de porter les territoires de projets. Des pôles qui seraient « alors amenés à remplacer les PETR et les pôles métropolitains pour plus de lisibilité ». Et c’est bien au sein de cet écosystème territorial « affranchi des limites administratives » que les acteurs des territoires pourraient « identifier leurs filières, et imaginer leur “branding” » détaille Jean-François Cesarini.

C’est dans ce cadre que la future Agence nationale de cohésion des territoires aurait un rôle à jouer. Pour les députés, il s’agit avant tout de « casser » la logique des appels à projets descendants, pour au contraire susciter une rencontre entre des territoires de projets et l’État autour d’une contractualisation. Ils imaginent ainsi l’Agence nationale de cohésion des territoires dans un rôle d’accompagnatrice et de soutien en ingénierie humaine et financière.

La mission ambitionne d’ailleurs de faire la future Agence nationale de cohésion des territoires un guichet privilégié de financement public. Objectif affiché : simplifier et améliorer « la lisibilité des circuits de financement existants pour les acteurs territoriaux ».

Des contrats nouveaux avec l’Etat, notamment sur le numérique

La mission souhaite instaurer un nouveau type de contractualisation avec l’État en prévoyant, s’il y a lieu, « un contrat unique entre le territoire de projet et l’État, afin de remédier à l’inflation contractuelle et en couplant la pérennité du contrat et celle du projet de territoire ».

Pierre angulaire de la déconcentration des métropoles, les députés insistent aussi sur la nécessité de faire du déploiement du Très Haut Débit dans les centres-bourg une priorité « de la nouvelle contractualisation entre l’État et les collectivités proposée par la mission », tout comme la recherche de solutions innovantes pour couvrir les territoires isolés.

Les entreprises, une responsabilité morale vis-à-vis de leur territoire ?

Revitaliser les centres-ville constitue pour la mission priorité de cette nouvelle logique de projet en développant par exemple « les tiers-lieux numériques dans les centres-villes des territoires intermédiaires », en utilisant « le numérique comme un outil au service de la revitalisation des centres-villes dans les territoires intermédiaires » ou en encourageant « les communes à préempter des baux commerciaux devenus bon marché et à les proposer à la location pour des sommes modiques pendant un certain temps afin de renforcer l'attractivité globale des centres-villes. »

Par ailleurs, la mission d’information souhaite instaurer un engagement territorial des grandes entreprises, sur le modèle de la Responsabilité sociale des entreprises, et donc « purement incitatif », visant à mieux appréhender par exemple l’implantation des emplois hors métropoles ou les taux de télétravail accordés dans les entreprises.

Une traduction attendue dans la réforme constitutionnelle

Enfin, les députés veulent rendre effectif le droit à la différenciation et l'expérimentation en enrichissant par exemple « le contenu des études d’impact des projets de loi et en assouplissant l’issue des expérimentations locales. »

Adopté par les membres des deux commissions réunies, développement durable et lois, les députés Viala, Cesarini et Vuilletet espèrent désormais voir certaines de leurs préconisations se concrétiser dans les semaines à venir, au travers notamment de la réforme constitutionnelle, avec la révision de l’article 72 ouvrant un nouveau champ des possibles pour la différenciation territoriale et les expérimentations.

Quant aux ambitions de la mission pour la future Agence de cohésion des territoires, leur succès dépendra du Commissaire général à l’égalité des territoires, Serge Morvan, chargé de préfigurer les contours de l’agence et dont le rapport sera remis le 15 juin au plus tard.

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