[article mis à jour le 10.04.2013] A la veille des Assises de l'Association des maires d'Ile-de-France (AMIF), le 9 avril 2013, son président, Michel Teulet, passe en revue plusieurs sujets de l'actualité territoriale. Du pacte financier que l'Etat souhaite passer avec les collectivités à la politique de la ville, en passant par les rythmes scolaires. Entretien.
Le Courrier : Le gouvernement souhaite signer un « pacte de confiance » financier avec les collectivités territoriales. Que vous inspire cette démarche ?
[caption id="attachment_14584" align="alignleft" width="300"] Michel Teulet, maire de Gagny (Seine-Saint-Denis), conseiller général et président de l'AMIF.[/caption]
Michel Teulet. Le mot « pacte » ne veut rien dire s’il consiste pour l’Etat à imposer aux maires la réduction de ses dotations. Un pacte ne procède pas de la décision unilatérale d’une des parties. Quant à la confiance, elle n’est pas optimale chez les élus locaux.
Les maires sont inquiets face à un Etat qui double la réduction de ses concours en 2014 et en 2015, sans donner le sentiment d’avoir une visibilité claire de l’avenir. Un Etat qui, demain, pourrait réduire davantage encore ses dotations.
Cela étant, nous sommes des élus responsables, conscients des difficultés budgétaires et prêts à participer à l’effort national de réduction des déficits publics.
Selon quelles modalités ?
M. T. Nous posons plusieurs préalables : l’effort budgétaire demandé doit être équitablement réparti entre les différents niveaux de collectivités. L’Etat ne doit pas assécher ses concours aux collectivités pour préserver l’investissement public local qui participe à la relance de la croissance. Il doit également cesser de transférer de nouvelles charges aux collectivités comme il le fait actuellement avec les nouveaux rythmes scolaires.
Vous êtes réservé sur la réforme des rythmes scolaires. Pourquoi ?
M. T. Les nouveaux rythmes coûteront aux communes (recrutement des intervenants, transports, utilisation des équipements…). Sans que leur impact sur la réussite scolaire des élèves soit avéré, car, à mon sens, ce n’est pas en libérant trois quarts d’heure d’enseignement par jour que l’on améliorera le niveau de lecture, d’écriture et de calcul d’un élève. C’est en reconstruisant en profondeur le déroulé de l’année scolaire et l’organisation de la journée des enfants.
La gouvernance du Grand Paris fait débat. Quelle est la position de l’AMIF ?
M. T. Nous sommes satisfaits de l’engagement du gouvernement sur un plan de financement et un calendrier de réalisation du volet transport du Grand Paris. En revanche, la gouvernance de la future « métropole de Paris » nous inquiète car elle reviendrait au niveau intercommunal. Or, les maires veulent rester les principaux acteurs et décideurs du développement francilien. Il est donc inimaginable de confier la gouvernance d’un espace regroupant 1 200 communes et 10 millions d’habitants à un conseil communautaire d’une quarantaine d’élus.
Il est inimaginable de confier la gouvernance d’un espace regroupant 1 200 communes et 10 millions d’habitants à un conseil communautaire d’une quarantaine d’élus."
Pourquoi l’aménagement du territoire francilien suscite-t-il vos craintes ?
M. T. La création d’une métropole de Paris sur la zone dense de l’agglomération nous paraît un projet très… centralisateur, concernant 10 % du territoire francilien. Il ne faudrait pas que le Grand Paris aboutisse, d’une part, à la métropole parisienne concentrant les moyens et les richesses, et, de l’autre, au « désert francilien » sur 90 % de sa superficie ! Pour contribuer à un développement équilibré des territoires denses et moins denses, la métropole devra travailler en étroite concertation avec les communes et la région.
Il ne faudrait pas que le Grand Paris aboutisse, d’une part, à la métropole parisienne concentrant les moyens et les richesses, et, de l’autre, au « désert francilien » sur 90 % de sa superficie !"
L’Etat a annoncé en février une réforme de la politique de la ville. Quel bilan faites-vous de cette politique ?
M. T. Je formule un triste constat : malgré les efforts énormes de l’Etat et des collectivités en matière de rénovation urbaine des quartiers dégradés et sensibles, les résultats ne sont pas à la hauteur. Le sentiment de mal-être et/ou d’insécurité perdure. Nous avons sans doute trop privilégié la pierre et le bâti pour désenclaver ces quartiers, en oubliant « l’humain », c’est-à-dire l’emploi, le logement, le quotidien des habitants. Le taux de chômage des jeunes demeure dramatiquement élevé dans les territoires prioritaires, l’échec scolaire est prégnant, la mixité sociale ne s’est pas réalisée aboutissant au maintien de ghettos communautaires.
Les axes retenus par l’Etat répondent-ils à vos attentes ?
M. T. Le gouvernement annonce « le retour de l’Etat dans les quartiers ». Ce retour ne doit pas seulement se traduire par un PNRU 2 même si des opérations de requalification sont encore nécessaires. Il doit s’attaquer aux problèmes que j’ai soulevés. Il doit mettre un terme à la dilution des moyens de la politique de la ville qui nuit à la cohérence et à la pérennité des actions. Le recentrage annoncé de la géographie prioritaire sur 1 000 quartiers au lieu de 2 500 peut y aider.
L'Etat doit mettre un terme à la dilution des moyens de la politique de la ville qui nuit à la cohérence et à la pérennité des actions."
LES ASSISES DE L'AMIF (9-11 avril 2013, Paris) — Lors des 17es Assises de l’Association des maires de l’Ile-de-France (AMIF), le 10 avril, le ministre délégué à la Ville François Lamy a évoqué l’été 2013 pour une présentation du projet de loi de réforme de politique de la ville. Et il faudra attendre septembre pour connaître les 230 quartiers visés par de nouvelles opérations de rénovation urbaine. En revanche, la liste des communes ciblées par la réforme de la géographie prioritaire, estimées à un millier environ, devrait être dévoilée en juillet, comme prévu.
A l'occasion de son congrès, l'AMIF a publié son baromètre d'opinion sur les préoccupations des élus d'Ile-de-France (lire communiqué ci-dessous).