Michel Destot
© R. Bourguet
La Conférence des villes, le 25 septembre, est axée sur la "mobilisation pour l'emploi". Mais l'emploi est-il l'affaire des villes et des métropoles? Et comment celles-ci articuleront-elles leur action avec celle des départements, des régions...? Selon Michel Destot, président de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), une "vraie" décentralisation devrait permettre aux différents niveaux de collectivités territoriales de définir, sans passer par l'Etat, "les stratégies et les compétences des uns par rapport aux autres".
Le Courrier des maires : La question de l’emploi sera au centre de la prochaine conférence des villes. L’emploi est-il vraiment l’affaire des villes ?
Michel Destot. L’emploi est l’affaire de tous. Pas seulement du gouvernement et des entreprises. Mais aussi des territoires, des villes et des grandes agglomérations. Il est évident que les métropoles joueront un rôle majeur. La raison en est que leur taux de croissance est souvent supérieur à celui du pays. A Rennes, Toulouse ou Grenoble, il est de l’ordre de 3 %. Elles concourent à tirer la croissance vers le haut, et donc, également, le développement économique et l’emploi.
Je rappelle que les métropoles seront constituées des agglomérations de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants. Le rôle qu’elles auront à jouer pour favoriser le développement économique sera articulé entre la région et elles-mêmes, avec un rôle important dans le copilotage."
N’y aura-t-il pas concurrence avec la région ?
M. Destot. Regardons la réalité des grandes métropoles. On y trouve les pôles de compétitivité, les grands pôles universitaires, les centres de recherche, les sièges des grandes entreprises. La région, elle, a la responsabilité des équilibres entre ces pôles et les départements et les communes plus petites. Elles doivent aménager le territoire avec les PME. Il faudra trouver une bonne articulation, avec un bon copilotage. C’est vrai dans le domaine économique, cela l’est aussi pour le social.
Pourquoi les métropoles interviendraient-elles dans le domaine social ? Et en auront-elles les moyens ?
M. Destot. Regardez la carte de la pauvreté. Il y a vingt ans, elle touchait les personnes âgées en milieu rural. Aujourd’hui, il s’agit surtout de jeunes urbains, souvent d’origine étrangère et de famille monoparentale. Certains quartiers de grandes villes connaissent des taux de chômage très importants. Pour répondre à ces questions, nous allons travailler en conventionnant avec les départements. C’est ce qui permettra de ne pas imposer de charges supplémentaires aux métropoles. Ainsi, Lille ne souhaite pas assumer un poids financier plus important. Certaines ne peuvent pas l’assumer. D’autres collectivités sont plus à l’aise. A Grenoble, notre CCAS bénéficie déjà d’une vaste délégation de compétence de la part du conseil général de l’Isère.
Nous allons travailler en conventionnant avec les départements. C’est ce qui permettra de ne pas imposer de charges supplémentaires aux métropoles."
Les négociations avec les autres niveaux de collectivités ne risquent-elles pas d’être difficiles ?
M. Destot. Dans le cadre d’une véritable décentralisation, il nous faudra apprendre à ne plus être dans une relation univoque avec l’Etat. On ne peut plus définir un modèle unique avec un seul cadre législatif. Les territoires devront apprendre à s’entendre et à s’organiser entre eux sans passer par Paris. Les négociations permettront de définir les stratégies et les compétences des uns par rapport aux autres. C’est ce que les conventions permettront de mettre en œuvre.
Dans le cadre d’une véritable décentralisation, il nous faudra apprendre à ne plus être dans une relation univoque avec l’Etat."
La montée en puissance des métropoles ne va-t-elle pas accentuer le hiatus avec les agglos plus petites ?
M. Destot. Non, des métropoles de 400 000 habitants ne sont pas des monstres ! C’est une chance pour la France d’avoir des grandes villes à taille humaine avec plus de capacité pour développer la solidarité, la qualité de vie mais aussi leurs atouts dans la compétition internationale.
Par ailleurs, on assistera à une montée en puissance de chaque niveau de collectivité. Ainsi, les agglos de plus de 250 000 habitants deviendront des communautés urbaines avec des compétences plus importantes, et les pôles métropolitains ont été renforcés. La réhabilitation du fait urbain est une bonne chose. Les villes sont un atout pour le pays, pour son développement économique et l’emploi.
L’annonce de l’élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains inquiète un certain nombre d’élus. Qu’en pensez-vous ?
M. Destot. La démocratie ferait-elle peur ? Il ne faut pas exagérer la portée de cette réforme. Il n’y aura que 10 ou 11 métropoles !
Il est normal que l’on s’oriente vers le suffrage universel direct au moins pour une partie de l’exécutif, lorsque l’on gère des budgets de plusieurs centaines de millions d’euros, que l’on dirige une administration avec des milliers de personnes. Comment imaginer cela sans la sanction du suffrage universel ?
CONFERENCE DES VILLES, 13e édition — Organisée par l’Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), sur le thème "Mobilisation pour l’emploi. Le pouvoir des villes et des métropoles" , la Conférence des villes se déroule le 25 septembre, à l’hôtel de ville de Paris.
Entretien publié dans "le Courrier des maires et des élus locaux", n° 271, septembre 2013