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Partisan du statu quo synonyme d'élection via un système de fléchage, le Sénat a adopté à une large majorité, jeudi 5 avril, une proposition de loi visant à supprimer l'obligation d'élire les conseillers métropolitains en 2020 au suffrage universel direct. Le gouvernement doit encore clarifier sa position.
Clap de fin pour l’article 54 de la loi Maptam et les tenants d’une démocratisation des intercommunalités ? Sans réelle surprise de la part de l’institution communaliste, le Sénat a adopté la proposition de loi émanant du groupe radical de gauche (RDSE) relative à l’élection des conseillers métropolitains, jeudi 5 avril. Sans réelle surprise, car les associations d’élus représentant le bloc urbain (France urbaine, AdCF) n’ont pas véritablement tenté de dissuader les sénateurs de détricoter la promesse faite en 2014 d’élire les conseillers métropolitains au suffrage universel direct.
Mis à part les membres du groupe Socialiste, la dissidence de Ronan Dantec du groupe RDSE ainsi que de trois sénateurs LR parmi lesquels Michel Savin, auteur d’un amendement préconisant un scrutin mixte, l’ensemble des sénateurs ont voté cette proposition de loi. Y compris la grande majorité des sénateurs rattachés à La République en Marche (LREM), dont le vote était guetté de près par les partisans d’un renforcement démocratique des métropoles. Mission accomplie, donc, pour Mireille Jouve, pour qui ce vote « démontre l’attachement du Sénat à la commune, cellule de base de la démocratie de proximité. »
Le gouvernement doit (encore) préciser son choix
Et maintenant ? Faut-il lire dans le vote des sénateurs LREM la position officielle de l’exécutif sur le sujet ? Rien n’est moins sûr. Pour rappel, les nouvelles modalités de l’élection des conseillers métropolitains auraient dû être précisées avant le 1er janvier 2017. Sauf que le gouvernement de l’époque n’ayant remis son rapport qu’à la toute fin du quinquennat, de façon discrétionnaire, sans prendre la peine de trancher, le délai a, depuis, été repoussé au 1er janvier 2019. Emmanuel Macron, Edouard Philippe et les élus en marche prétendants à diriger une des métropoles en 2020 disposent donc encore de quelques mois pour accorder leurs violons.
Devant un front quasi-uni des sénateurs, jeudi 5 avril, Jacqueline Gourault s’est, pour sa part, retranchée derrière la volonté du législateur. La ministre en charge des collectivités territoriales auprès du ministre de l’Intérieur s’est contentée d’avancer des arguments juridiques concernant les bases démographiques ou la nécessaire représentation des petites communes, se gardant bien d’émettre un avis sur le caractères plus ou moins démocratique des différents modes de scrutin mis en débat. Une stratégie explicitée quelques heures plus tard par le premier ministre, depuis Dijon où il participait au congrès de France Urbaine.
Risque d'inconstitutionnalité ?
« Comme l’a dit Jacques Gourault, le scrutin au suffrage universel direct est l’apanage des communes et des collectivités à statut particulier. Aujourd’hui, les conditions de constitutionnalité pour l’appliquer à des métropoles et des intercommunalités ne sont pas réunies. Il faudrait examiner la volonté de créer des métropoles à statut particulier avant de réfléchir aux conditions d’une élection au suffrage universel direct de leur président. Je pense que c’est le sens de l’histoire » a expliqué Edouard Philippe. Autant dire que le gouvernement ne semble pas pressé de s’atteler à ce sujet sensible.
Déplorant que le calendrier fixé par la loi Maptam n'ait pas été respecté malgré la montée en puissance des métropoles, le président de France Urbaine, Jean-Luc Moudenc, semble pour sa part déjà avoir enterré l'idée pour 2020. « On a beaucoup trop tardé, on a perdu quatre ans : je comprends que les élus soient aujourd'hui dans d'autres dispositions d'esprit. A moins de deux ans de l’échéance, le changement de mode de scrutin proposé par la loi Maptam ne me semble plus opportun… sauf en cas d’émergence de collectivités à statut particulier » assure le maire de Toulouse et président de Toulouse Métropole. « Si certaines métropoles se rapprochent de leurs départements voire fusionnent, alors elles changeraient de state et de statut, et là, le scrutin direct serait même obligatoire. »
S’il paraît peu probable que les groupes minoritaires inscrivent ce texte à l’ordre du jour des débats de l’Assemblée nationale, reste à voir si le groupe LREM s’en saisira ou le laissera végéter au Sénat.