Lyon - le pont Bonaparte
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Déplorant le peu d'économies produites par la réforme territoriale, la Rue Cambon verrait bien le modèle lyonnais essaimer dans le reste de l'hexagone. Aix-Marseille et les plus grandes des 20 autres métropoles sont visées, un dessein peu goûté du côté des départements. Les magistrats financiers appellent aussi à unifier les différents régimes juridiques de l'intercommunalité.
Le modèle lyonnais a ses détracteurs, mais aussi ses hérauts. Outre l’actuel ministre de l’Intérieur, ancien président de l’exécutif métropolitain lyonnais, et le chef de l'Etat lui-même depuis sa campagne présidentielle, c’est désormais la Cour des comptes qui fait de la métropole de Lyon un modèle vers lequel tendre pour chacune des 21 autres métropoles, et qui plus est, deux des plus importantes, Paris et Aix-Marseille, "faiblement intégrées". Dans son rapport sur les finances publiques locales et le chapitre spécifique consacré à « l’état d’avancement de la réforme territoriale », la Rue Cambon suggère opportunément d’ « évaluer le caractère reproductible de la création de la métropole de Lyon à partir d’un bilan de son impact en termes d’efficacité et d’efficience des politiques publiques métropolitaines et départementales ».
« Hormis sur le territoire de la métropole de Lyon, aucun échelon n’a été supprimé. Au contraire, une nouvelle couche institutionnelle a été ajoutée sur les métropoles du Grand Paris et d’Aix-Marseille-Provence avec les établissements publics territoriaux », a pointé le premier président de la Cour, Didier Migaud, lors de la présentation du rapport. Et de regretter : « Le département, dont la suppression avait été sérieusement envisagée au lancement de la réforme, est toujours en place ». Ce qui « ne remédie pas à la complexité du paysage institutionnel local », déplorent les magistrats financiers.
Trop peu de transferts de compétences à ce jour
[caption id="attachment_71492" align="alignleft" width="300"] Didier Migaud présenté le rapport 2017 de la Cour des comptes sur les finances publiques locales.[/caption]
Plus précisément, la Cour regrette le peu de transferts de compétences des départements aux métropoles, tout comme ils ont été peu nombreux des départements vers les régions. « Les transferts aux métropoles, laissés dans une large mesure à la discrétion des collectivités, se sont faits a minima et ne représentent que 160 millions d'euros, soit 0,3 % des dépenses de fonctionnement des départements et 2,6 % des recettes de fonctionnement des métropoles », relève-t-elle .
Conséquence : pour la Cour des comptes, « la réforme territoriale engagée devrait être considérée comme une première étape » et « reproduire la réforme mise en œuvre à Lyon » ne serait pas pour lui déplaire. « Les départements continuent d’exercer la majorité de leurs compétences sur l’intégralité de leur territoire. En particulier, le schéma lyonnais de métropolisation des compétences départementales n’a pas été reproduit, observe la Cour. Qui y voit un « schéma visant à simplifier la répartition des compétences ». A savoir : la substitution au département sur le périmètre métropolitain, l’exercice, sur son territoire, de l’ensemble des compétences du département et un statut particulier, non pas d’EPCI, mais d’une collectivité à statut particulier.
Les départements plus que sceptiques
Les départements restent, eux, plus que sceptiques. Outre la fronde des patrons des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne contre le projet de grande métropole parisienne voulue par le chef de l’Etat, le président de l’Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau, juge que plus de la moitié des 22 métropoles « sont bidon et le resteront », faute d’un bassin de population suffisamment important. Et se dit surtout favorable « à la liberté de se marier : on n’est pas obligé de faire la même chose à Lyon qu’à Marseille ! »
Présidente du département des Bouches-du-Rhône, Martine Vassal est aussi très prudente sur le projet d’absorption par la métropole Aix-Marseille des compétences départementales sur son territoire, arguant de périmètres non-concordant avec 29 communes sur les 119 du département qui restent hors métropole.
L’ADF doit présenter à ce sujet une motion, préparée par le président de l’exécutif de Loire-Atlantique, Philippe Grosvallet, lors de son congrès à Marseille les 19 et 20 octobre. Et le « modèle lyonnais » ne devrait pas y être érigé en exemple à suivre…
Quatre régimes communautaires, c’est trop
Communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines, métropoles : on compte pas moins de quatre régimes différents au sein des intercommunalités. C’est trop pour la Cour des comptes qui interroge la pertinence d’autant de régimes intercommunaux « au regard de la nouvelle carte intercommunale » et voudrait « une simplification du cadre juridique de l’intercommunalité ».
A l’appui de sa demande, la Cour observe une distinction « ténue entre le statut des nouvelles métropoles de droit commun et celui des communautés urbaines. En effet, le socle des compétences obligatoirement transférées par les communes aux métropoles […] est similaire à celui qui s’applique aux communautés urbaines. La principale différence tient au fait que le transfert de compétences départementales est de droit pour les métropoles mais subordonné, dans le cas des communautés urbaines, à l’accord des départements », souligne-t-elle.
La demande de la Rue Cambon rejoint ainsi celle exprimée depuis plusieurs années par l’Assemblée des communautés de France d’une rationalisation des catégories juridiques des EPCI.