Marseille-provence-metropole
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Gestion de l’aire de développement économique, accompagnement des territoires périphériques, partage du pouvoir avec les régions… Si les métropoles sont institutionnellement bien installées depuis le 1er janvier, leur mise en œuvre se fait pas à pas… et de manière différenciée, comme le relate l’ouvrage collectif « Métropoles en chantiers » réalisé par plusieurs chercheurs de l’université de Grenoble. Avec un enjeu croissant : que les métropoles entraînent dans leur développement leurs « hinterlands » et territoires interstitiels.
« La loi Mapam a été votée, reste à la mettre en œuvre. Or, c’est une fois que la loi est au Journal officiel que les ennuis commencent… » Ainsi le directeur du réseau et des territoires de la Caisse des dépôts, Marc Abadie, explique-t-il les raisons qui ont incité la Caisse des dépôts à soutenir, avec l’Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF), l'ouvrage collectif "Métropoles en chantiers" (("Métropoles en chantiers", sous la direction de David Le Bras, Natacha Seigneuret, Magali Talandier, Ed. Berger Levraut, 282 p., 29 €)).
Au nombre de 15 depuis que Nancy a rejoint le club, les métropoles ont officiellement été créées par la loi Mapam du 27 janvier 2014, puis instaurées entre le 1er janvier 2015, pour celles à statut commun, jusqu’à 2016 pour le Grand Paris, Aix-Marseille-Provence et bientôt Nancy, donc, au 1er juillet. Une construction récente et hétéroclite. « Il n’y a pas un modèle de métropole, elles se construisent différemment, ont des aires urbaines plus ou moins polycentriques, une hégémonie plus ou moins forte. Et le fait métropolitain se dédouane des frontières », observe ainsi Martine Poirot, présidente déléguée de l'ADGCF.
Les #Métropoles, acteurs du développement du #territoire : présentation de l'ouvrage " Les métropoles en chantiers" pic.twitter.com/Qh7W66HnDj
— Caisse des Dépôts (@CaissedesDepots) 10 mai 2016
Or non seulement les métropoles n’ont pas encore installé la totalité de leur appareil administratif et de gouvernance, mais il leur reste aussi à intégrer la totalité des compétences qui seront les leurs à terme, notamment certaines de leur département de rattachement. Et, déjà, se pose la question de leur responsabilité de solidarité et d’accompagnement de territoires… qui n’appartiennent pas à leur périmètre.
Les périmètres, notion surannée
Une mission qui pourrait apparaître saugrenue si elle n’avait pas fait l’objet de longs échanges entre parlementaires et exécutifs lors des non moins longs débats sur la loi Mapam, comme le relève le délégué général de l’ADGCF David Le Bras, l’un des trois coordinateurs de l’ouvrage. "Le gouvernement n’a pas eu la volonté de légiférer sur l’organisation entre métropole et les autres territoires interstitiels", relève-t-il. Mais c’était pour mieux "laisser les élus libres de s’organiser" et ainsi convaincre les derniers réfractaires à la reconnaissance institutionnelle de la métropolisation que ces métropoles n’allaient pas "vampiriser" les territoires alentour.
Aujourd’hui, l’Etat compte bien s’assurer que ces métropoles ne laisseront pas derrière, à l’écart de leur développement, leurs territoires interstitiels. Et ce, au-delà de toute considération de frontières, en tenant compte de "la complexité de l’organisation spatiale, avec des phénomènes de concentration et de dilatation, de forces centrifuges et centripètes", observe Martine Poirot. Et ce, même si cela ne se fera pas sans difficulté : "Les périmètres ont de moins en moins de sens, chose extrêmement compliquée pour un fonctionnaire", admet-elle.
La solidarité des métropoles sollicitée par l’Etat
En cela, l’annonce par l’exécutif d’un prochain pacte Etat-métropoles va dans ce sens selon David le Bras : ce Pacte « vise à se poser la question de l’organisation de la relation métropole-territoire périphérique- territoire rural : comment ces derniers territoires peuvent-ils profiter de cette manne métropolitaine ? » Et de voir dans cette prochaine contractualisation le moyen pour l’Etat de « s’assurer que les métropoles développent des synergies avec les territoires qui les entourent » et d’organiser le « ruissellement métropolitain ».
Une volonté récemment réitérée par le ministre de l’Aménagement du territoire, Jean-Michel Baylet au Courrier des maires : « Nous demanderons aux métropoles d’avoir une action au-delà de leur propre périmètre pour agir dans la totalité de leur sphère d’influence », assure-t-il.
Dans son souhait de ne pas laisser les « hinterlands » des métropoles livrés à eux-mêmes, l’Etat a d’autant plus besoin des métropoles que l’outil du pôle métropolitain ne semble pas de taille ni avoir la bonne structure pour mener à bien cette tâche. "Dans la gouvernance des pôles métropolitains, il n’y pas les territoires interstitiels : ce sont souvent des partenaires associés, mais de second rang. On est plus dans la logique de club", analyse ainsi David Le bras.
Les contrats de réciprocité, piste à privilégier ?
En revanche, d’autres pistes de coopération et d’accompagnement en ingénierie de ces territoires interstitiels pourraient être développés, à l’image des « contrats de réciprocité ville-campagne » lancés par le Commissariat général à l’Egalité des territoires (CGET). Si l’outil est récent et encore assez peu répandu, le délégué général de l’ADGCF loue l’exemple de l’action de Brest métropole auprès du pays du Centre ouest Bretagne, « le cas le plus avancé : Brest métropole met à disposition d’une communauté de communes rurale son ingénierie juridique, d’aménagement, de développement économique. C’est une vraie mise à disposition de services envers un territoire rural ».
Parallèlement, trois autres contrats sont en cours d’expérimentation entre :
- la métropole de Lyon et le pays d’Aurillac ;
- la métropole toulousaine et les territoires du massif pyrénéen ;
- la communauté urbaine Le Creusot-Montceau-les-Mines et le parc naturel régional du Morvan.
« Une extension de ces contrats à d’autres territoires volontaires sera ensuite proposée, dans le cadre de la clause de revoyure des contrats de plan Etat-région fin 2016 », annonçait le CGET en février 2016. L’idée, lancée lors du premier comité interministériel aux ruralités (CIR) de mars 2015 pourrait faire l’objet d’un premier bilan, voire d’une relance, lors du tout prochain CIR, le 20 mai.