Métropoles et fractures territoriales ont partie liée

Martine Kis
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Eldoora - 08/07/2016 00h:17

Si l'Etat ne veut plus de la ruralité alors que les métropolitains dégégent de nos pays, qu'ils aillent s'amasser dans des bidons villes en toc, des eaux polluées par leur propres fanges et qu'ils ne viennent pas se servir dans nos campagne. Qu'ils s'alimentent de leur béton.

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Métropoles et fractures territoriales ont partie liée

Territoires

© Flickr-CC-R.Debatty

La montée en puissance des métropoles, inscrites dans une dynamique mondiale, est inéluctable. Cependant, les fractures territoriales se sont accrues. Faut-il continuer à subventionner les territoires en déclin ? Faut-il favoriser la mobilité des personnes ? Uniformiser l'offre de services publics ? Une étude de France stratégie relève les forces et les faiblesses des métropoles et pose quelques questions provocantes.

Depuis la montée en puissance des métropoles, les inégalités s’accentuent entre les territoires. Mais il faut continuer à s’appuyer sur les premières « pour constituer des moteurs de croissance profitant à l’ensemble des territoires ».

Un constat en forme de paradoxe, posé par France stratégie, dans une étude diffusée le 6 juillet, et qui pose un certain nombre de questions, au cœur du débat public aujourd’hui.

Faut-il essayer de redynamiser les territoires en déclin ? Faut-il garantir le même service public sur tout le territoire et faut-il en développer de nouveaux ? Faut-il aller vers une plus grande autonomie fiscale des collectivités locales ?

Quelques chiffres

Pour comprendre le phénomène de métropolisation, il faut en passer par des chiffres :

  • 15 aires urbaines de plus de 500 000 habitants ;
  • 40% de la population ;
  • 55% de la masse salariale ;
  • 50% de l’activité économique ;
  • 1/3 du PIB français venant de la métropole parisienne ;
  • 75% de la croissance du PIB entre 2000 et 2100 ;
  • un PIB par habitant en moyenne 50% plus élevé que dans le reste du pays ;
  • 70% des créations nettes d’emplois privés entre 2007 et 2014.

Prime aux grandes agglos

Dans cette course, les grandes agglomérations s’en sortent mieux, disposant d’une population plus diplômée, d’activités de service à haute valeur ajoutée.

En outre leur densité permet une meilleure circulation de l’information et de la connaissance. Ce qui explique 10% d’écart de productivité entre les villes les plus denses et les moins denses… et les différences salariales qui en découlent, à poste donné.

La concentration n’explique pas tout. En effet, France stratégie constate que si l’emploi augmente rapidement, entre 2007 et 2012, à Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Lyon, il baisse à Douai-Lens, Rouen, Strasbourg, Nice et Toulon. C’est que les facteurs de réussite sont plus complexes et dépendent de la spécialisation des villes, souvent résultat de l’histoire, de la concurrence avec d’autres villes, sans oublier la qualité de la gouvernance locale.

L'envers des métropoles

Tout n’est pas positif dans les métropoles. Revers de la densité : congestion, pollution, insécurité, cherté de l’immobilier, inégalités de revenus, part importante de population pauvre…

Ainsi, sur les 4,8 millions de personnes vivant dans les quartiers prioritaires de la ville, environ 45 % résident dans les unités urbaines de Paris, Lyon Marseille et Lille. Un problème aggravé par un niveau moyen des prix supérieurs de 9 % à ceux du reste du pays, surtout du fait du coût du logement.

Décrochage du nord-est

La prospérité des métropoles ne rejaillit pas sur l’ensemble du territoire national et certaines régions, avant tout celles du nord-est, ont décroché par rapport au reste du pays.

La désindustrialisation n’explique pas tout : le poids relatif de l’industrie a décliné le plus fortement à Paris et dans sa couronne. Mais l’Ile-de-France s’est massivement réorientée vers les services à haute valeur ajoutée. Tout comme Rhône-Alpes qui a su, de surcroît conserver de l’industrie.

Cela n’a pas été le cas dans les régions du nord-est qui, depuis 15 ans, connaissent un décrochage continu, corrélé à un déclin démographique et au vieillissement de leur population. Même retard en ce qui concerne la santé, l’éducation ou même l’indice européen de progrès social.

Peu surprenant, le chômage y est élevé et les possibilités de promotion sociale inférieures, en raison d’un moindre accès à l’enseignement supérieur. Triste constat de France stratégie, « malgré la massification de l’enseignement supérieur, aucune convergence n’a été observée sur ce point au cours des vingt-cinq dernières années ».

Le filet de sécurité des prestations sociales et des emplois publics

La France échappe cependant aux inégalités les plus criantes grâce à ses prestations sociales et aux emplois publics. De ce fait, le revenu disponible brut des ménages d’Ile-de-France est 20 % au-dessus de la moyenne française, alors que le PIB par habitant est 60 % au-dessus de la moyenne.

Ce qui signifie que les emplois dégageant les ressources de protection sociale ne sont pas localisés là où se trouvent les bénéficiaires des prestations.

Non seulement, de ce point de vue, le revenu brut disponible par ménage n’a pas divergé entre les territoires, mais l’écart entre l’Ile-de-France et le reste du territoire s’est légèrement réduit. Les territoires du sud bénéficient de cette situation grâce aux revenus des retraités installés chez eux.

Clarifier les objectifs

Pas de remise en cause de la métropolisation, donc. Mais des exigences à relever pour qu’elle ait des résultats positifs : que les changements induits par les lois Notre et Maptam soient accompagnés « d’une clarification des objectifs de la politique territoriale, d’une définition plus précise des compétences des acteurs et d’un renforcement des politiques sectorielles de l’Etat dans les territoires en difficulté ».

Autant de points qui sonnent comme des défis pour un Etat que l’imprécision des limites des compétences semble satisfaire, lui évitant de trouver les moyens d’affirmer sa présence dans les territoires en difficulté.

L'étude le déplore : il manque une vision d’ensemble de l’intervention publique. Les finalités des politiques territoriales ne sont pas claires, les dispositifs peut lisibles et non évalués, comme la politique de la ville dont on ne sait si elle apporte des ressources supérieures à la moyenne aux territoires visés.

La dépense en éducation ne cible pas bien les territoires défavorisés, la dépense par tête étant même inférieure à la moyenne dans le Nord-Pas-de-Calais. Même constat pour le chômage, où la formation professionnelle est significativement moins financée là où le chômage est élevé.

Quel avenir pour les villes moyennes ?

Quoi qu’il en soit, la métropolisation, mouvement mondiale, se poursuivra. Selon l’ONU, la population urbaine française passera de 80% aujourd’hui, à 83% en 2030. Cela sans augmentation de la densité, les espaces urbains s’accroissant plus vite que la population, et avec un fort potentiel de croissance des emplois.

L’enjeu est donc le sort des aires urbaines de moins de 100 000 habitants, celles des villes moyennes, et celui des zones rurales dont le décrochage économique, démographique, en offre de services et d’accès aux soins pourrait s’accélérer.

De nouveaux défis

Les métropoles devront aussi répondre à de nouveaux défis : anticiper le réchauffement climatique, ce qui imposera de mieux coordonner les politiques ; faire du numérique un outil de désenclavement des zones peu denses, de désengorgement des métropoles, de développement économique… à condition de couvrir, enfin, toute la France en très haut débit. Ce qui devrait être fait en 2022 pour un investissement total de 20 milliards d’euros.

Des questions qui font mal

Comment orienter les politiques territoriales au vu de ce constat ? France stratégie pose les questions qui font mal, en ouvrant des portes souvent provocantes, mais sans apporter les réponses.

Faut-il garantir des services minimaux sur tout le territoire ? Pour aller au-delà, faut-il que les territoires en assument la responsabilité fiscale ?

Faut-il fixer un objectif d’égalité des chances des individus ce qui signifie une forte réallocation des ressources vers les territoires défavorisés ? Ou au contraire garder une approche fondée sur l’égalité de services et favoriser la mobilité géographique des personnes,

Dans le cadre des réformes territoriales, les régions doivent-elles déterminer seules ou conjointement certaines politiques publiques locales, aller vers une décentralisation à la carte ?

Faut-il absolument développer de nouveaux services publics ou trouver d’autres réponses : par exemple, le transport à la demande et le covoiturage peuvent-ils se substituer à la construction de lignes de transport coûteuses et peu utilisées ? faut-il favoriser la dématérialisation de certains services, aller vers la e-santé ?

Les inégalités territoriales étant difficiles à réduire, ne vaudrait-il pas mieux favoriser la mobilité des individus, ce qui implique la décongestion des métropoles, un meilleur accompagnement des étudiants ?

Faut-il donner plus d’autonomie fiscale aux collectivités locales, et en particulier aux régions et aux groupements ?

Enfin, une affirmation qui prend la forme d’une question : quelle évaluation des politiques territoriales ? France stratégie le déplore, l’absence de politique d’évaluation en France fait qu’il n’y a pas de vision intégrée des investissements publics locaux, pas d’information sur les PIB à l’échelle infrarégionale, sur les flux entre territoires ou sur les coûts de la vie locale.

« Cette connaissance est un préalable indispensable à l’identification par les acteurs des territoires de sous-investissement public ».

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