Métropoles : des territoires dédiés à la compétitivité

Aurélien Hélias

Le gouvernement veut ériger Paris, Lyon et Marseille en grandes métropoles européennes. Une dizaine d’autres grandes villes renforceraient aussi leurs compétences pour mutualiser les coûts, rationaliser les services de réseaux et planifier l’aménagement urbain.

Le projet de loi de décentralisation consacrera-t-il, aux côtés des régions, les grandes intercommunalités ? L’avant-projet de loi de novembre 2012 prévoyait trois « Eurométropoles » : Lille, Lyon et Marseille. Mais il a rapidement été minimisé par une note de synthèse adressée par le gouvernement aux associations d’élus locaux un mois plus tard. Exit, donc, l’« Eurométropole » bénéficiant dans le premier texte d’un long descriptif de compétences à exercer de plein droit. Aux côtés désormais de Paris — mais sans Lille —, Marseille et Lyon se verraient consacrer « des chapitres spécifiques ».

Nul doute cependant que le rôle des grandes agglomérations sera revu à la hausse. Ne serait-ce que pour prendre en compte leur développement démographique et économique. Ainsi, analyse Didier Paris, professeur en aménagement et urbanisme à l'université Lille-1 :

La métropole est un modèle de développement des territoires. Dans les années 1960, la Datar a voulu instaurer des métropoles d’équilibre pour contrebalancer le développement de Paris. D’où la création en 1966 des communautés urbaines comme outils techniques. Depuis, avec la décentralisation et la montée en puissance des maires bâtisseurs, la métropole est devenue un territoire de projets et de réflexion stratégique. »

Désormais, ces grandes agglomérations intégrées sont au cœur de la compétition économique : « Ce sont des territoires de compétitivité stratégiques », juge le directeur du laboratoire Territoires villes environnement & société (TVES). La nécessité d’adapter l’échelon administratif à celui du bassin de vie et des flux économiques est donc à concrétiser pour Lyon et Marseille. Sont aussi envisagés « des appels à compétence et peut-être des prérogatives de planification », espère Nicolas Portier, délégué de l’AdCF.

Reste « la question de leur relation avec le département et la région », poursuit Didier Paris. D’autant que l’essor économique de ces grandes aires urbaines est souvent intimement lié à leurs territoires périphériques.

En Allemagne, Hambourg « doit aussi une partie de son développement économique à ses relations avec le Land voisin », souligne le chercheur. Se pose ainsi la question du périmètre pertinent. « Lille Métropole, ses 85 communes et son million d’habitants, travaille au sein d’un bassin fonctionnel bien plus grand, celui de l’arrondissement de Lille et de son Scot. Quant à l’aire d’influence de la ville, ajoute-t-il, elle recouvre un bassin intégré encore plus large, avec Béthune, Douai, Roubaix, Lens, Valenciennes et une partie belge autour de Courtrai, constate-t-il. De même, l’influence de Lyon dépasse largement le département du Rhône. »

Optimiser le coût des services publics de réseaux
A l’échelle inférieure, les autres CU et les plus intégrées des communautés d’agglomération devraient elles aussi franchir un cap, celui de la « communauté métropolitaine », à partir de 400 000 habitants au minimum et, souhaite l’AdCF, avec un certain nombre de « critères qualitatifs » de présence de grands équipements.

Bordeaux, Grenoble, Montpellier, Nantes, Rennes, Rouen, Strasbourg, Toulon et Toulouse devraient épouser ce nouveau statut, sans oublier Nice, à ce jour la seule métropole au sens de la loi RCT du 16 décembre 2010. Leur montée en compétences porterait autant sur le volet développement économique que sur l’aménagement des services de réseaux : eau, énergie, transports urbains, etc. L’enjeu : une gestion mutualisée et rationalisée de ces coûteuses infrastructures. Sans oublier des pouvoirs élargis en matière d’urbanisme et de construction de logements, « sujets à ce jour orphelins » dans le texte, aux yeux de l’AdCF.

MARSEILLE ET LYON, DES AMBITIONS METROPOLITAINES TRES CONTRASTEES

Annoncées, avec le Grand Paris, comme les deux futures métropoles devant bénéficier d’un statut à part entière, Lyon et Marseille restent dans l’expectative sur le futur de leur gouvernance et de leurs compétences propres. Tout juste sait-on que ces communautés « XXL » devraient pouvoir récupérer des compétences départementales, régionales et une partie des grandes infrastructures de l’Etat.

Pour l’heure, c’est Lyon qui semble la plus avancée… la communauté urbaine ayant pris d’elle-même les choses en main. Le 4 décembre 2012, Michel Mercier (UDI) et Gérard Collomb (PS), présidents du Rhône et du Grand Lyon, annonçaient leur accord pour transférer toutes les compétences du conseil général à la communauté urbaine. Le tout dans un projet proche de celui imaginé par le Comité Balladur de 2008, « l’absorption de la fiscalité en moins », observe l’AdCF. Le projet aurait le feu vert du gouvernement.

Marseille est dans l’attente d’un accord politique qui semble ardu à obtenir : alors que l’Etat pousse à la construction d’une mégalopole de 1,8 million d’habitants formée des six intercommunalités de l’agglomération et dotée de multiples compétences, tous les élus extérieurs à l’actuelle CU Marseille Provence Métropole (1 million d’hab.) s’y opposent, craignant notamment de devoir renflouer les caisses de la ville centre. Malgré tout, le Premier ministre se montrait optimiste le 12 janvier : « Je crois que c'est à portée de mains », assurait Jean-Marc Ayrault. Promettant qu’il appartiendrait aux élus d’en décider, il a toutefois prévenu que le gouvernement « prendrait en tout cas ses décisions et ses responsabilités ».

Communauté urbaine de Lyon (69)
« Une portée stratégique pour être compétitif en Europe »

François-Noël Buffet,
sénateur-maire d’Oullins, conseiller communautaire du Grand Lyon

 « Je suis favorable depuis longtemps à la création d’une métropole lyonnaise à l’échelle européenne. Etant donné les difficultés liées aux cofinancements avec les autres collectivités, nous devons créer une métropole à portée stratégique, capable de se positionner en concurrence avec des métropoles européennes comme Milan, Turin, Barcelone. D’où l’idée de regrouper sous un même acteur 1,350 million d’habitants.

Ainsi, les politiques stratégiques seront dirigées par une véritable collectivité locale du fait de la suppression du conseil général et de l’élection au suffrage universel direct à venir des élus communautaires, avec une vraie légitimité. Son pouvoir budgétaire passera également d’environ 2 milliards à 3,5, voire 5 milliards, en budget consolidé.

S’agissant des nouvelles compétences, la métropole devra organiser l’action sociale en facilitant l’intégration des services du conseil général. Toutefois, il ne faudra pas négliger le rôle des communes. Faut-il aller vers une délégation de certaines compétences de la métropole aux communes ? La métropole doit avoir un rôle stratégique et les communes conserver un rôle de mise en œuvre. Nous devons éviter les doublons, les communes restant pourvoyeuses de la légitimité métropolitaine. Laissons les acteurs locaux s’organiser pour rendre le service public au meilleur coût et ne faisons pas de la métropole une collectivité quelconque qui manquerait de réactivité. Quant à la région Rhône-Alpes, plutôt que de s’inquiéter de la compétition des territoires, qu’elle assume son rôle d’ensemblier. »

Nantes Métropole (44)
« La région devra obtenir des avis conformes de la métropole »

Patrick Rimbert,
maire de Nantes et vice-président délégué de Nantes Métropole

Port de Nantes

« Sur divers sujets, la gouvernance économique, l’enseignement supérieur, la recherche, l’aménagement numérique, l’environnement, les transports, le logement, les politiques ne peuvent nous être imposées de plus haut. Un exemple : en matière de développement économique, si la région est chef de file sur les aides aux entreprises, ce sont les grandes agglomérations qui agissent sur l’innovation, le développement du territoire et sa promotion à l’international. Si la région est un acteur essentiel, elle est plus une administration d’aménagement et de coordination, la mise en œuvre devant revenir aux métropoles de 500 000 habitants et plus. Ce sont elles qui sont en lien avec le tissu économique, les universités, les CHU, etc. Et le budget de Nantes métropole est équivalent à celui de la région…

Dans le futur projet de loi, il faudra clairement énoncer qu’une décision prise par la région doit obtenir l’avis conforme de la métropole, sous peine d’une dilution de l’ensemble des investissements et d’une implantation hasardeuse des équipements. Cela pourrait prendre la forme d’un contrat métropolitain avec la région, car la métropole n’a pas les mêmes fonctions de centralité sur son territoire que les autres chefs-lieux de département. Quant à la place réservée aux maires, Nantes métropole a deux structures à disposition pour la gestion politique : le traditionnel exécutif, s’appuyant sur la majorité de la métropole, et un conseil des maires, associant chacun à travers ce petit Sénat local. Ce qui permet d’organiser les différentes échelles de vie. »

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