Masques alternatifs : « les élus n’ont pas attendu l’Etat central pour agir ! »

Hugo Soutra
3 commentaires

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mainiot - 19/04/2020 21h:17

Chercher l'erreur; Voilà ce que déclare le président : "En tant qu’élu local et président du SDIS de la Mayenne, j’aurai tout intérêt à faire produire et acheter davantage d’ambulances à un carrossier du département, Gruau qui est situé à 5 kilomètres du centre de secours, plutôt qu’à en importer d’Espagne ou de Roumanie. Quitte à les payer 5% plus chères ! Malheureusement, ce groupe perd trop souvent nos compétitions sur le critère-prix, justement, en raison du coût du travail et de nos charges sociales trop élevées." Comment dire le tout et son contraire! le président veut peut-être re-enflammer les ronds points avec les gilets jaunes. mainiot

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Dolle - 20/04/2020 21h:09

Bravo , vous savez pourquoi vous êtes a la tête du département , cela fait plaisirFrance Dolle

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elbri - 27/04/2020 07h:22

Rien n'empêche une collectivité de privilégier d'autres critères que le prix :le critère social et le critère environnemental bien utilisés permettent de favoriser la qualité et la proximité !

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Masques alternatifs : « les élus n’ont pas attendu l’Etat central pour agir ! »

Olivier-Richefou-Mayenne

© CD Mayenne

Convaincu que le port de masque s’imposerait dans le cadre du dé-confinement, le département de la Mayenne a commandé, début avril, la fabrication de 300 000 masques alternatifs auprès d’un industriel local. Rapidement imité par des dizaines d’autres élus locaux, Olivier Richefou insiste sur la nécessaire implication des collectivités dans la gestion de cette crise sanitaire. Un certain nombre de leçons devront être tirées en matière d'organisation territoriale, mais aussi d’achat et de commande publique, avertit-il. Interview.

C’est ce qui s’appelle faire « coup double » : soucieux de « protéger sa population », Olivier Richefou est passé par une entreprise mayennaise spécialisée dans le textile pour la confection d’un masque alternatif par habitant. Un moyen d'anticiper la pénurie de façon vertueuse sur le plan territorial, social et environnemental… en même temps que de remédier aux insuffisances de l’Etat, assure le président du conseil départemental de la Mayenne.

Comment s’est prise la décision d’équiper l’ensemble de votre population en masques alternatifs ?

Olivier Richefou : A la lecture de la presse spécialisée et économique, samedi 4 avril, j’ai pris conscience que nous aurions très vite besoin de tests de dépistages et du port de masques pour circuler à nouveau librement. Nous ne connaissions pas la date de dé-confinement, à ce moment, mais j’ai fait le lien avec la nouvelle doctrine de l’Etat sur le « masque barrière » qui implique l’utilisation de tissus techniques. L'agrément de la Direction générale des Armées (DGA) suivant les normes de l'AFNOR sont très claires : il faut que ces protections puissent filtrer les projections et micro-particules, sans empêcher de respirer au risque d’entraîner des complications respiratoires chez les personnes cardiaques.

Le dimanche 5, je prenais attache avec une conseillère municipale de ma commune, cadre d’une entreprise textile bien connue en Mayenne, « TDV Industries. » Nous organisions une visioconférence avec son patron, l’après-midi. Il a légèrement toussé lorsque je l’ai interrogé sur ses capacités à produire en urgence 300 000 masques – un par habitant – lavables et réutilisables, mais m’a confirmé pouvoir répondre à cette commande exceptionnelle, puis donné un prix le lendemain soir. J’ai réuni l’assemblée du département, mardi 7 avril – hors de question, pour moi, d’agir en autocrate dans cette période –, et le bon de commande était signé en début d’après-midi.

Ce partenariat public-privé tire-t-il son origine de facilités locales, ou est-il reproductible par d'autres ? 

Mes relations de proximité ont accéléré les choses, bien sûr. Sans le lien établi par cette connaissance, la commande n’aurait pas pu se nouer en 48h et le conseil départemental serait probablement allé se fournir je-ne-sais-où ! Mais, sur le fond, cette initiative est évidemment reproductible, et déjà reproduite d’ailleurs (voir encadré en fin d'article) en France. Les départements et les intercommunalités de Vendée et de l’Eure nous ont emboîté le pas en co-finançant une commande semblable ; c’est également le cas de la ville de Nice, de Rennes Métropole et probablement d’autres collectivités, encore.

Derrière toutes ces initiatives locales, faut-il lire un message des collectivités à destination du gouvernement – qui gère cette crise de façon très centralisée ? 

Les élus n’ont, heureusement, pas attendu l’Etat central pour agir. Habitués à gérer des situations en urgence sur le terrain, nous avons le souci constant de servir les intérêts de nos populations et d’assurer leur sécurité. Cette agilité se révèle bien pratique, en temps de crise : nos masques fabriqués en Mayenne seront livrés dans chaque boîte aux lettres, début mai, grâce à la mobilisation de 6000 bénévoles. Nous n’avons pas eu besoin de 150 ordonnances ni de 150 heures de réunion ! Je doute que l’Etat soit aussi réactif et puisse distribuer à temps un masque « made in France » respectant les normes prévues par l’Etat lui-même à tous les citoyens, sans le concours des collectivités…

Cette crise sanitaire confirme que nous avons plus que jamais besoin d’un Etat-stratège, qui fixe de grandes orientations ainsi que des règles précises, par exemple des normes de sûreté pour ce qui est des masques grand public. Mais, pour le reste, lorsqu’il s’agit d’aller vite et d’être efficace, on voit bien la force de frappe des élus locaux, départementaux ou régionaux ! Les partisans de la suppression des départements souhaitent-ils encore réduire le « millefeuille institutionnel », qui se révèle être plus que jamais une force ?

Vu la pénurie de matériel médical stratégique, considérez-vous que la France paye aujourd’hui le prix de la désindustrialisation et touche les limites du modèle libéral ? 

« La guerre est un chose trop grave pour la confier à des militaires », disait Clémenceau. Je crois, pour ma part, que la France est surtout victime d’un centralisme étatique excessif ! L’Etat a cru pouvoir se passer des élus et tout gérer depuis le niveau national, y compris la gestion des stocks de masques pour l’ensemble du territoire. Mais les élus montrent aujourd’hui leur utilité en situation de crise.

Si la région des Pays-de-la-Loire et le département de la Mayenne ne s’étaient pas mobilisés pour commander 100 000 masques chirurgicaux, les 500 salariés d’associations d’aide à domicile s’occupant chaque jour des personnes âgées isolées en milieu rural n’en disposeraient toujours pas, aujourd’hui ! Dans certains EPHAD, le personnel utilise aujourd’hui encore des sacs poubelle et plastiques  pour se protéger – nous tentons d’y repondre avec TDV. Les soignants sur le terrain devraient patienter encore longtemps s’ils attendaient que l’Etat remédie, seul, à leurs problèmes.

A l’issue de cette crise, les collectivités ont-elles un rôle à jouer dans la perspective de relocaliser la production de matériel médical, au moins ? 

Les politiques ont tous compris, je crois, à l’aune de cette pandémie, l’intérêt que nous avions à relocaliser certaines filières stratégiques et renforcer les industries ancrées sur nos territoires. La question qui se pose, c'est comment ? La loi NOTRe – qui a désigné les régions comme cheffes de file du développement économique – n’était pas la nôtre, répétons-nous avec mes homologues des autres départements !

Lire aussi : Vers une ré-industrialisation heureuse ?

Cela fait deux ans que nous revendiquons de revenir dans le jeu économique local, en délégation donc en bonne intelligence avec les élus régionaux qui font un excellent travail. Rendez-vous compte : nous qui connaissons toutes les entreprises de nos territoires jusqu’aux plus petites n’avons tout simplement plus le droit d’intervenir et de faire du sur-mesure pour accompagner dans la crise économique qui s’annonce certains entrepreneurs locaux à l’agonie…

Que feriez-vous de cette compétence en tant que président du département ? Soutiendrez-vous en priorité les entreprises locales, demain ? 

Si j’avais écouté mon préfet lorsque je passais commande d’un million de masques à TDV, j’aurai dû recourir à un marché public. Concrètement, j’aurais dû attendre 20 jours soit fin avril, c’est-à-dire quand il n’y aura plus de textile ni d’ateliers de façonnage disponibles. Alors, oui, je n’ai pas respecté l’orthodoxie administrative et usé d’un subterfuge du code de la commande publique pour justifier mon achat, mais au moins les Mayennais pourront ressortir en sécurité le 11 mai prochain.

Je crois que le monde d’après ne sera pas comme avant, en effet : il y aura une inflexion souhaitable pour réduire notre dépendance aux importations, mais ne croyons pas non plus qu'il sera pas à l’opposé… Par contre, il faudra réviser le code de la commande publique et réintroduire une dimension de proximité. Autrement dit : donner plus de souplesse aux acheteurs publics, tout en respectant quelques règles juridiques pour éviter le « choix du prince » et l’octroi de privilèges locaux évidemment ! Nous le faisons déjà depuis cinq ans en Mayenne pour ce qui est de l’approvisionnement de la restauration collective en produits issus de l’agriculture locale, par exemple.

Seriez-vous prêts à élargir cette réflexion à d’autres secteurs que l’alimentaire ? 

C’est juridiquement plus compliqué, mais nous aimerions pouvoir développer à l’avenir des circuits-courts dans d’autres secteurs. Ce serait plus vertueux en matière d’emploi local, mais aussi d'émissions de gaz à effet de serre. En tant qu’élu local et président du SDIS de la Mayenne, j’aurai tout intérêt à faire produire et acheter davantage d’ambulances à un carrossier du département, Gruau qui est situé à 5 kilomètres du centre de secours, plutôt qu’à en importer d’Espagne ou de Roumanie. Quitte à les payer 5% plus chères ! Malheureusement, ce groupe perd trop souvent nos compétitions sur le critère-prix, justement, en raison du coût du travail et de nos charges sociales trop élevées.

Masques : les collectivités en première ligne

Lundi 13 mars au soir, le  président de la République a confirmé avoir besoin des maires pour aider les Français à se procurer des masques grand public. Mais à demi-mots seulement, sans recommander et encore moins obliger le port systématique d’un masque pour tous à compter d'aujourd’hui, ni clarifier la répartition des rôles, le financement ou la logistique de cet équipement massif de la population… Las de ces tergiversations au plus haut niveau de l’Etat, des élus locaux ont d'ores et déjà pris leurs responsabilités, au-delà du seul Olivier Richefou. Entendant bien revenir sur le devant de la scène à l’occasion du déconfinement, ils suppléent le pouvoir central et organisent la production de masques, en direct grâce à l'aide de collectifs citoyens ou via des commandes passées en direct, seuls ou à plusieurs.

Soucieux de prouver que les collectivités n’étaient pas de simples courroies de transmission ni des couches administratives supplémentaires, l’Association des maires de France et le réseau d'élus de grandes villes, France Urbaine, ont pour leur part réclamé une « stratégie nationale de généralisation du port de masques grand public. » Depuis plusieurs jours, ils peuvent s'appuyer sur les avis de l'Académie nationale de médecine allant dans leur sens. De quoi faire flancher l'exécutif et associer - enfin - les élus locaux à la gestion de cette crise ?

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