Marie-Guite Dufay : «  Le projet de loi sur l'ESS ne reconnaît pas assez le rôle des collectivités dans l'économie »

Denis Solignac
Marie-Guite Dufay : «  Le projet de loi sur l'ESS ne reconnaît pas assez le rôle des collectivités dans l'économie »

Marie-Guite Dufay

© Y. Petit

L'examen du projet de loi sur l'économie sociale et solidaire se poursuit au Sénat, en séance publique, les 6 et 7 novembre. Pour la présidente du conseil régional de Franche-Comté, et vice-présidente de l’ARF (photo), il est indispensable que les régions se voient reconnaître une véritable compétence en matière de développement économique afin qu’elles puissent jouer pleinement un rôle de coordination avec l’Etat et les acteurs infra-régionaux.

Propos recueillis par Grégoire Lechat

Article publié dans « L’ESS, moteur du développement local »,
Documents du Courrier des maires et des élus
locaux, cahier pratique France Active, octobre 2013.
 

Le Courrier des maires. Comment percevez-vous l’économie sociale et solidaire ? Est-ce un levier pour le développement économique territorial ?

Marie-Guite Dufay. L’ESS est une composante de l’économie, tant que nous entendons l’économie comme l’activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l’échange et la consommation de biens et de services. C’est pour cette raison que nous avons intégré l’ESS au sein de la stratégie régionale de développement économique.

D’ailleurs, les échanges d’expériences au sein de l’Association des régions de France (ARF) montrent que, désormais, l’ESS est prise en compte par l’ensemble des régions, à la fois comme un élément de développement économique, mais aussi comme un facteur de développement territorial.

Comment les collectivités peuvent-elles s’appuyer sur les structures de l’ESS pour répondre à leurs problématiques ?

M.-G. D. Une des richesses de l’ESS est sa capacité d’innovation sociale, c’est-à-dire à construire des réponses à des besoins sociaux non ou mal satisfaits par le marché. Elle permet de répondre à de très nombreux et divers enjeux, qu’il s’agisse des mobilités, de la santé, du vieillissement de la population, du développement durable, de l’insertion, de l’agriculture…

En Franche-Comté, nous expérimentons actuellement un dispositif d’appui à l’émergence de projets d’utilité sociale sur les territoires”

Les collectivités peuvent s’appuyer sur les structures de l’ESS, mais aussi sur leurs méthodes et leurs réflexions, pour construire des réponses aux enjeux territoriaux.

Par exemple, en Franche-Comté, nous expérimentons actuellement un dispositif d’appui à l’émergence de projets d’utilité sociale sur les territoires qui permettra, une fois les besoins identifiés, de chercher un porteur de projet et de l’accompagner dans la mise en œuvre de la réponse la plus adaptée.

Quels sont les freins au développement de l’ESS ? Que faut-il faire pour qu’elle passe d’une reconnaissance territoriale à une reconnaissance nationale ?

M.-G. D. Le premier frein est celui de son image, qui demeure encore trop souvent celle d’une « économie de la réparation ». Il est indispensable de faire connaître la réalité de l’ESS, sa richesse. Aujourd’hui, elle représente plus de 10 % de l’emploi salarié en France, dans des domaines aussi variés que la finance solidaire, l’agriculture, le tourisme, l’industrie…

La création d’un ministère dédié à l’ESS et le projet de loi portant reconnaissance de l’ESS prouvent que ce domaine a brisé le plafond de verre. L’exposé des motifs de la loi précise d’ailleurs que « l’ambition du gouvernement vise à un changement d’échelle pour l’économie sociale et solidaire sous tous ses aspects ».

Comment peuvent se coordonner aux mieux les politiques nationales, régionales et aux différents échelons de collectivités ?

M.-G. D. Deux textes de loi vont avoir un impact majeur sur l’ESS. Celui sur l’ESS tout d’abord, et je regrette qu’en l’état il ne reconnaisse pas assez le rôle des collectivités locales, et des régions en particulier, et le projet de loi de décentralisation qui concernera les compétences des régions.

Aujourd’hui, il est indispensable de reconnaître véritablement la compétence des régions en matière de développement économique, et pas seulement un rôle de chef de file, afin d’éviter l’éparpillement des dispositifs et de permettre la mise en œuvre d’une stratégie régionale ainsi que la coordination des politiques étatiques et régionales, dont celles en faveur de l’ESS.

Une fois cet acte de clarification posé, alors la région et les collectivités infrarégionales pourront mieux se concerter et mener ensemble des politiques offensives et coordonnées sur leurs territoires.

La décentralisation a été un facteur de modernisation pour la France, il ne faudrait pas qu’elle soit dévoyée par des querelles de compétences ou une recentralisation déguisée. Je crois en la capacité de collaboration des différents échelons territoriaux, gage de réussite en cette période de raréfaction de l’argent public.

Recevez vos newsletters gratuitement

FORMATIONS