Malgré un rebond de 7% en 2018, l’investissement du mandat municipal sera en net retrait

Aurélien Hélias
Malgré un rebond de 7% en 2018, l’investissement du mandat municipal sera en net retrait

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© Phovoir

L’étude consacrée aux investissements réalisés par les communes et les intercommunalités depuis 2014 par l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales est sans appel : si l’on constate un petit rebond de l’investissement au niveau local en 2018 dû à l’approche de la fin du mandat, ce mandat se terminera sans aucun doute « en retrait » par rapport aux mandatures précédentes. De fortes disparités locales subsistent, avec une volonté des collectivités de « thésauriser » face aux incertitudes. Explications.

40 milliards d’euros. C’est en moyenne le montant qu’ont investi annuellement depuis 2014 les communes, leurs groupements et les syndicats intercommunaux. À elles seules, les communes portent près de 57% de ces investissements, note le rapport de l’ Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) qui pointe par ailleurs un petit rebond « non négligeable » pour 2018, selon les mots d’André Laignel, le président de l’Observatoire, mais « qu’il convient de remettre en perspective ».

En effet, cette reprise doit être « corrigée » par l’effet prix, explique Thomas Rougier, le secrétaire général de l’OFGL, car nous sommes dans « un contexte de prix dynamiques dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics ». Selon Thomas Rougier, environ un tiers de cette hausse (+7%) serait imputable directement à cette inflation des prix.

Une mandature « en retrait » par rapport aux deux précédentes

Autre point important de mise en perspective : la comparaison par rapport aux mandatures précédentes. « Ce rebond de l’investissement correspond naturellement au calendrier électoral. Chaque maire, chaque président d’intercommunalités, essaie de réaliser ses promesses avant la fin du mandat. C’est le cycle électoral que nous connaissons bien » détaille André Laignel, « mais ce que nous avons pu d’ores et déjà identifier, c’est que cette reprise ne permettra pas de corriger les fortes baisses des investissements constatées les premières années de la mandature ». En effet, selon les chiffres donnés par l’OFGL, les dépenses d’investissement du mandat actuel (en réalité les 5 premières années) sont en baisse de 15% par rapport aux cinq premières années du mandat précédent, démarré en 2008, et ce en euros constants et à population comparable. La baisse est de 8% par rapport à la mandature de 2001-2008. En revanche, les cinq premières années du mandat actuel sont plus favorables que celle du mandat 1995-2001 (+ 15%).

Pour André Laignel, les collectivités ont donc absorbé les difficultés de début mandat - les baisses de dotations - en freinant les investissements ou en les retardant, et « ce ne sera pas rattrapable en 2019 ».

Culture de l’investissement et « thésaurisation »

L’OFGL a également pu constater de fortes disparités locales en matière d’investissements. 11 000 communes affichent en effet, sur la période 2014-2017, des investissements annuels « faibles » aux alentours de 175 euros par habitant et par an, contre une moyenne oscillant autour de 293 euros. Si certains critères explicatifs sont déjà connus comme la taille de la commune ou sa situation géographique (les communes touristiques ont tendance à plus investir), l’Observatoire a pu mettre au jour d’autres éléments influençant l’investissement :

  • L’ampleur des réalisations passées qui créée, pour certains communes, la nécessité d’entretenir le stock des « actifs » mais aussi entretient une certaine «culture » de l’investissement local ;
  • La richesse fiscale de la commune qui à la fois « donne confiance » aux élus pour investir mais aussi, créée de nouveaux besoins, notamment si on a beaucoup d’entreprises sur son territoire ;
  • La charge d’investissements engagés par l’intercommunalité, qui en s’élevant semble freiner l’investissement communal ;
  • Les efforts du département en matière de subventionnement qui peuvent avoir un effet « levier » crucial. Ainsi, 10 euros de subvention départementale déclenchent un investissement communal de 28 euros en moyenne ;
  •  Enfin, la situation financière initiale de la commune, qui tenue par « la règle d’or », a fortement tendance à se dégager des marges d’autofinancement avant d’investir.

Aussi, on a pu constater que parmi les communes qui avaient très peu investi au cours de la mandature actuelle, 29% d’entre elles étaient en situation de fragilité financière. À l’inverse, parmi les communes qui ont beaucoup investi sur les 5 dernières années, on retrouve 53 % de communes qui étaient initialement en « bonne santé financière ».

Des marges retrouvées qui n'impliqueront pas un investissement massif au prochain mandat

Parmi les communes qui ont peu investi au cours du mandat actuel, on constate naturellement une « amélioration de la situation financière initiale ». Avec une question désormais : cette création de marges d’autofinancement sur la période 2014-2020 les conduira-t-elles à investir au cours du prochain mandat et à relancer un bon niveau d’investissement local ? Pour André Laignel, la réponse est « malheureusement non ». « Il y a trop d’incertitudes actuellement, par exemple on ne sait pas encore par quel mécanisme sera remplacé la taxe d’habitation et aujourd’hui, cela pèse massivement sur les décisions des collectivités qui préfèrent thésauriser pour voir venir » conclut le vice-président de l’AMF et maire d’Issoudun.

Incertitudes qui pourraient ne pas être levées tout de suite. En effet, la réforme fiscale prévue pour juin pourrait, selon certaines indiscrétions, être repoussée par le gouvernement à l’automne. D’où ce risque pris par l’exécutif : que la réforme n’apparaisse pas dans le PLF 2020 faute de temps… Un très mauvais signal à l’approche des élections municipales du printemps prochain, ce que n’a pas manqué de noter la président de l’AMF François Baroin lors des vœux tenus communément avec l’ADF et régions de France la veille : « il va falloir couper à la serpe ce brouillard tellement épais qu’à un peu plus d’un an des élections municipales, nous ne savons pas comment nous allons financer les services publics essentiels de proximité… » se désespérait-il.

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