Cité radieuse (Le Corbusier), détail. Marseille, 8e arrondissement
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Le volet logement du projet de loi Egalité et citoyenneté, présenté le 13 avril en Conseil des ministres, a pour ambition de favoriser la mixité sociale à l'échelle des EPCI. Il agit pour cela sur le levier des attributions, des loyers et de la loi SRU. L'Union sociale pour l'habitat a exprimé sa profonde insatisfaction au vu de ces mesures.
Ce projet de loi Egalité et citoyenneté est annoncé comme une « réponse globale » dans la foulée des attentats de janvier 2015. Son texte est issu des comités interministériels Egalité et citoyenneté des 6 mars et 26 octobre 2015.
Ses trois titres portent sur la généralisation d’une culture de l’engagement citoyen et la priorité jeunesse, des mesures sur le logement pour lutter contre la ségrégation sociale, enfin sur la création de nouveaux droits pour les citoyens.
Le plus important des trois est le volet logement, lui-même décomposé en trois grands volets :
- amélioration des attributions,
- réforme de la politique des loyers
- et renforcement de la loi SRU.
Une quatrième partie habilite le gouvernement à prendre des ordonnances dans le domaine du logement.
POLITIQUE D’ATTRIBUTION
Un meilleur équilibre des attributions dans les EPCI
Mesure phare afin d’améliorer la mixité sociale et limiter la ghettoïsation : 25% des attributions de logement sociaux en dehors des quartiers de la politique de la ville (QPV) doivent aller à 25% des demandeurs les plus pauvres((Les demandeurs les plus pauvres sont ceux qui appartiennent au quartile des demandeurs aux ressources les plus faibles dont les demandes figurent dans le système national d’enregistrement à l’échelle intercommunale.)).
Actuellement, ces attributions ne concernent que 19% d’entre eux, alors qu’ils sont 29% à se voir orientés vers les QPV, en moyenne nationale. Cette nouvelle règle concernera les EPCI avec un plan local de l’habitat et, naturellement, un QPV.
376 EPCI auraient été concernés au 31 décembre 2014. Un nombre qui a vraisemblablement évolué avec les fusions d’intercos. Cette obligation porte sur le flux. Mais il sera tenu compte du stock pour permettre une certaine adaptation aux bailleurs sociaux qui respectent déjà ce pourcentage. Le taux de 25% devra cependant être respecté sur le territoire de l’EPCI. Les données, publiées chaque année par les EPCI, permettront de savoir où ils en sont.
En cas de non-respect de la règle, le préfet pourra imposer aux bailleurs des attributions de logements réservés par l’Etat aux demandeurs de ce contingent. Le préfet pourra également se substituer aux commissions d’attribution, sur le contingent de la collectivité.
Quant à la possibilité de déléguer le contingent de logements réservés de l’Etat aux communes, elle est supprimée. Une exception est possible pour les EPCI, mais liée à la prise de la responsabilité DALO.
Transparence des données
La transparence sur l’occupation sociale des immeubles sera demandée aux bailleurs, qui devront fournir des informations sur les revenus des habitants, le taux d’APL, la qualité et la situation géographique de leur patrimoine, etc., afin de permettre aux commissions d’attribution de travailler avec plus de finesse.
Les informations sur les logements vacants seront publiées sur internet.
Elargissement des critères de priorité
La définition de personne prioritaire est étendue aux femmes victimes de mariage forcé, et les personnes reprenant une activité après une période de long chômage ne devront plus justifier de la condition de mal-logement.
ACTION SUR LES LOYERS SOCIAUX
Liberté accrue pour fixer le montant des loyers
Le projet de loi souhaite créer une offre de logements sociaux à bas loyers dans le parc existant et dans les secteurs socialement favorisés.
Les bailleurs peuvent déjà baisser leur loyer afin de loger des personnes aux ressources plus modestes. Mais peu le font, de peur de déséquilibrer leurs opérations. La loi leur permettra donc de déroger au plafond de loyer, la somme des loyers devant être la même qu’auparavant.
Alors que les opérations récentes mixent les financements, et donc les statuts des locataires, dans le même immeuble, ce n’est pas le cas des opérations anciennes dont tous les locataires ont le même niveau.
Afin de créer de la mixité dans ces immeubles également, il sera possible, lors des relocations, de transformer des logements en PLAI, PLUS ou PLS selon les cas, hors quartiers défavorisés.
Renforcement du supplément de loyer
Les possibilités d’exemption de supplément de loyer de solidarité (SLS) dans le cadre des programmes locaux de l’habitat sont limitées, modulations et dérogations sont supprimées, sauf dans les QPV et en zone de revitalisation rurale.
Le plafond du SLS est rehaussé. Le loyer ajouté au SLS n’est plus plafonné à 25% mais à 35% des ressources du ménage.
Dans les zones tendues, le seuil de ressources qui donne droit au maintien dans les lieux est abaissé de 200% à 150% du plafond de ressources applicable et le délai de perte du droit passe de 3 ans à 18 mois. Environ 900 ménages seraient concernés.
EVOLUTION DE LA LOI SRU
Meilleure adaptation aux besoins des territoires
Certaines communes, sans continuité urbaine, éloignées des bassins d’emploi et mal desservies par les transports en commun, n’ont pas besoin de logements sociaux. La loi SRU peut malgré tout s’imposer à elles. Et ces communes risquent d’être plus nombreuses encore du fait de la refonte de la carte intercommunale.
Il s’agit donc de leur permettre de sortir de la liste des communes soumises à la loi SRU, à la demande de l’EPCI, après avis du préfet et de la commission nationale SRU et décret ministériel.
Cette approche, très nouvelle selon le gouvernement, vise à responsabiliser les EPCI. Ne seront concernées que les communes appartenant à une agglomération de plus de 30 000 habitants, au regard de l’insuffisance de sa desserte en transport en commun, et en fonction d’un taux de pression de la demande mesuré à l’échelle intercommunale par le système national d’enregistrement de la demande de logement social.
En revanche, le critère de décroissance démographique, qui fait sortir de la loi SRU alors qu’il ne s’agit pas d’un indicateur fiable de la demande, sera supprimé.
Le projet de loi comporte un certain nombre de mesures touchant aux conditions d’application du dispositif SRU et au décompte des logements correspondants sur le territoire, tenant compte en particulier de l’évolution en cours des EPCI (évolution des PLH, intégration de communes non soumises jusque-là à la loi SRU, déroulement de la procédure de bilan triennal etc.)
Terrains pour gens du voyage
Les terrains aménagés au profit de gens du voyage en voie de sédentarisation figureront dans le décompte des logements sociaux SRU.
Moyens accrus pour le préfet
Le préfet pourra imposer aux communes carencées le financement de logements sociaux ou, en passant par des associations, de l’intermédiation locative. La carence sera automatique si le taux de 30% de PLAI n’est pas atteint.
En outre, une commune carencée perdra automatiquement son contingent d’attribution.
Meilleur suivi de la carence
La commission nationale SRU disposera d’un pouvoir de contrôle renforcé.
Améliorer les stratégies foncières
Les dispositifs d’observation foncière seront renforcés afin de favoriser le développement des stratégies foncières avec mise à disposition des données de l’Etat. Les orientations du PLH devront prévoir une véritable stratégie foncière, avec création d’un observatoire foncier à l’échelle du PLH. L’intervention des EPF locaux est sécurisée lors du regroupement des EPCI membres au sein d’un seul EPCI.
L’USH ne se satisfait pas des mesures du projet de loi Egalité et citoyenneté
« Complexes » et « inopérantes ». Le volet logement du projet de loi Egalité et citoyenneté ne trouve pas grâce aux yeux de l’Union sociale pour l’habitat (USH), qui estime qu’il ne permettra pas de lutter contre « l’apartheid territorial, social et ethnique ». N’agir que sur le levier des attributions lui semble insuffisant, d’autant plus qu’il n’est tenu compte que du flux des nouvelles attributions, et non du stock, qui se traduit par une grande diversité de l’occupation sociale hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
L’USH rappelle que de nombreux volets des lois Alur et Ville ne sont pas encore mis en œuvre. Par conséquent, « la recherche du renforcement de la mixité ne nécessite pas de nouveau texte législatif ». Pour Jean-Louis Dumont, président de l’USH, « une véritable politique de la ville serait celle qui donnerait de l’attractivité aux quartiers, l’envie de venir y habiter. Ce projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux ».