Elus locaux Union européenne
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Passer de «l’Europe dans les territoires» à «l’Europe des Territoires», telle était l’ambition des agents et de quelques élus réunis mardi 3 juillet à Paris par l’AdCF et France urbaine, à la veille d’une CNT consacrée à la cohésion territoriale en Europe. Ils se sont accordés sur un certain nombre de revendications communes afin de porter ensemble la voix des territoires urbains devant l’Etat français et la Commission européenne.
Budget européen, relations Etat-Collectivités, cohésion territoriale, politique de la ville, etc. Pour tous les élus et fonctionnaires s’intéressant de près à ces différents sujets qui n’ont à priori pas grand-chose à voir entre eux, l’actualité est pour le moins dense. En partenariat avec la Fédération nationale des agences d’urbanisme (FNAU), les associations d’élus urbains (France urbaine, AdCF) ont organisé un atelier sur la cohésion territoriale en Europe, mardi 3 juillet, à un peu plus d’une semaine de la Conférence nationale des territoires (CNT) justement dédiée à cette thématique.
Pour rappel, le projet de budget pluriannuel 2021-2027 de l’Union européenne prévoit à l’heure actuelle de couper dans les politiques de cohésion ainsi que dans la politique agricole commune pour financer de nouvelles priorités politiques (menace terroriste, accueil des réfugiés, lutte contre la fraude fiscale). La France et le ministère de la Cohésion des territoires, qui refusent d’augmenter sa contribution nette malgré le trou généré dans le budget par le Brexit, espère toujours obtenir le maintien « a minima » des aides européennes. Une bonne partie des élus urbains aussi.
La galaxie urbaine prête à défendre l'idée européenne
Réunis dans les bureaux parisiens de la Commission européenne, ces derniers ont profité de l’occasion pour échanger en amont avant d’affirmer leurs positions devant le gouvernement puis éventuellement l'UE. « This is it » a introduit Frédérique Bonnard-Le Floch, vice-présidente de Brest Métropole chargée des politiques européennes et contractuelles : « nous y sommes. C’est la période où l’Union européenne choisit ses politiques et les financements correspondants. En tant qu’élus, il nous revient de défendre les choix politiques que nous ambitionnons. L’Europe des pères fondateurs, c’est celle de la réparation des inégalités et des injustices, pas une Europe populiste et néofasciste. »
Une manière de répondre positivement, en quelque sorte, à la représentante de la Commission européenne en France, Isabelle Jégouzo. « Nous avons acquis la conviction que c’est aux communes, métropoles et régions de parler de l’Union européenne sur le terrain, de démontrer aux citoyens que l’UE n’est pas une entité lointaine incompréhensible mais qu’elle s’incarne dans le cadre de projets concrets qui profitent aux territoires. Sans aller jusqu’à parler de promouvoir son action, les élus devraient au moins être transparents sur les projets ayant été financés par l’UE. Je vous rappelle que nous avons des élections en 2019 » s’était exprimée cette haute-fonctionnaire, quelques minutes auparavant.
[caption id="attachment_76438" align="alignright" width="300"] De gauche à droite : Isabelle Jégouzo (Commission européenne), Frédérique Bonnard-Le Floch (Brest Métropole), Anne Terlez (Seine Eure), en compagnie de deux chargés de mission de l'AdCF et France Urbaine.[/caption]
L'AdCF et France Urbaine posent leurs conditions
Les élus intercommunaux et métropolitains sont donc prêts à collaborer avec la direction régionale Régions de la Commission, « et combattre l’idée que c’est l’Etat français quand tout va bien, et que c’est la faute l’UE quand ça va mal. » A condition, toutefois, qu’ils puissent être entendus par cette dernière. Ils l’ont déjà été par le passé, par exemple encore récemment sur la nécessité de maintenir et sécuriser une politique de cohésion sur le long-terme dont pouvait bénéficier l’ensemble des territoires français. « Nous avons d’ores et déjà écarté le risque – qui n’était pas nul – de voir la politique de cohésion réservée à l’arc Sud de l’Europe, ou accessible en ce qui concerne la France aux seuls territoires d’outre-mer les plus en difficulté » se félicite la vice-présidente (MoDem) de l’agglomération de Seine-Eure, Anne Terlez et membre active de l’AdCF.
Comme l’a rappelé récemment le Commissariat général à l’égalité des territoires, l’AdCF et France urbaine ne comptent plus leurs efforts pour nuancer l’opposition entre métropoles dynamiques et périphéries abandonnées. « Les ségrégations se sont amplifiées entre quartiers populaires fragilisés et les quartiers urbains les plus dynamiques. Quelques kilomètres, voire centaines de mètres parfois, séparent des réalités sociales de plus en plus contrastées » énonce utilement le document de travail de l’AdCF, qui cite le cas de la région Ile-de-France, dont l’hyper-productivité ne doit pas faire oublier l’intensité des problèmes sociaux avec 10% des habitants sont concernés par la politique de la ville.
Simplification... et flexibilité thématique
« Attention également à ce que la Commission européenne ne thématise pas trop la programmation » avertit désormais la vice-présidente de Brest Métropole. Estimant que les 11 objectifs de la dernière enveloppe brouillait le message européen, la Commission européenne souhaiterait recentrer ses crédits sur 5 objectifs stratégiques : innovation économique, transition environnementale, mobilité et connectivité, droits sociaux, développement durable et intégré.
« Ces 5 thématiques couvrent bien les préoccupations contemporaines, mais pourquoi la DG Régions s’évertue à concentrer 85% des crédits sur les deux premières priorités défendant une Europe plus intelligente et plus verte ? L’innovation et la transition environnementale font évidemment partie de nos enjeux, mais au même titre que les politiques culturelles, le désenclavement par les transports ou la politique de la ville. Si nous élaborons les stratégies tous ensemble, nous aurons plus de chances de faire ressortir une vision commune des choses et ainsi de consommer l’ensemble des fonds européens à disposition » explique Frédérique Bonnard-Le Floch.
Maintenir une gouvernance ouverte et territorialisée
Sa consœur de l’Eure persiste et signe. « Les régions doivent rester autorités de gestion. C’était assurément un point positif de la dernière programmation, même si la réorganisation intercommunale et la fusion des régions a bouleversé l’organisation des territoires et nous a empêché de consommer la totalité des crédits européens » ajoute Anne Terlez. L’AdCF comme France urbaine souhaiteraient en effet reconduire le fléchage de 10% des fonds européens vers les quartiers prioritaires de la politique de la ville, expérimenté par le CGET et les régions lors de la dernière programmation. Reste à voir comment articuler ce principe avec la prochaine réforme de la politique de la ville.
Des représentants de la DG Régions, présent lors de cet atelier, semblaient ouverts à simplifier les démarches visant à obtenir des fonds européens. Sans revenir sur la nécessaire simplification thématique appelée de ses vœux par la Commission européenne, ils pourraient aussi donner plus de flexibilité et de liberté aux collectivités dans leurs choix de politiques à financer. Profitant de la fin de l’atelier pour laisser la langue de bois au placard, un représentant du service Europe de la mairie de Paris insista : « la complexité et la technicité du sujet ne doivent pas servir de prétexte pour dépolitiser la question européenne. Ne faire que de la communication serait une erreur, mais ne pas en faire du tout dans le contexte actuel de l’Union européenne et alors que se profilent des élections très importantes accélérerait encore davantage le processus de désintégration. » Les négociations s’annoncent encore longues et pourraient durer jusqu’au printemps 2019.