Les sénatoriales : des élections et des campagnes moins partisanes ?

Aurélien Hélias

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Les sénatoriales : des élections et des campagnes moins partisanes ?

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Le 24 septembre prochain, les grands électeurs sont appelés aux urnes pour élire 170 sénateurs, soit la moitié des effectifs du Palais du Luxembourg. Comment les candidats font-ils campagne localement ? Le Courrier a interrogé trois d’entre eux : deux sortants et une nouvelle venue en politique. Tous décrivent une élection «plus technique » mais insistent sur les liens personnels noués avec les élus locaux, et ce, parfois au-delà des couleurs politiques.

Au-delà de son caractère indirect, qu’est-ce qui fait la spécificité du scrutin sénatorial ? Pour Bastien François, professeur de Sciences Politiques à Paris 1 – et sans doute candidat en position non-éligible sur la liste écolo parisienne – les particularités de ces élections se font essentiellement ressentir dans les départements ruraux. « Dans les circonscriptions urbaines, avec de grandes métropoles, ce qui va essentiellement jouer pour les sénatoriales, c’est la couleur politique. Grosso-modo chaque candidat peut ‘compter’ le nombre de grands électeurs qui lui est acquis. Il y a quelque chose de presque ‘mécanique’, même si rien n’est jamais joué d’avance en politique. D’autant, nuance-t-il que l’arrivée d’En Marche a bougé les lignes, tout comme certains événements nationaux et toutes les questions autour des finances locales » apparues dans le débat public cet été.

Tisser des relations avec « un maximum d’élus »

Mais dès que le département devient plus rural, le politologue note un changement. Le collège électoral se réduit alors, souvent proche du millier d’électeurs. Et « la plupart des grands électeurs, qu’ils soient maires ou conseillers municipaux, n’ont pas de couleur politique. Ce qui va alors jouer, ce sont davantage les relations tissées entre le candidat et ces élus locaux, les projets soutenus, les subventions versées ; c’est un vote moins ‘partisan’, et vous pouvez tout à fait avoir un sénateur de droite élu avec des voix d’élus locaux de sensibilité de gauche et vice et versa ».

Joël Labbé, sénateur écologiste sortant, qui se représente dans le Morbihan, détaille : « Je connais presque tous les maires de mon département, car j’ai travaillé et discuté avec eux au cours de mon mandat. Je n’ai pas attendu la campagne pour venir les saluer. Et cela c’est très important à leurs yeux ». En cela, la campagne sénatoriale favorise l'ancrage territorial, bien plus que celle des législatives et plus encore au regard des élections de juin et de leurs résultats.

Une élection « intimiste » et notabiliaire ?

Même constat pour Philippe Bas, sénateur LR de la Manche qui brigue également un second mandat. Pour cette campagne, il a fait le choix de délaisser les rendez-vous individuels en mairie, au profit de réunions publiques dans les anciens cantons. Mais il se souvient : « il y a 6 ans, j’avais pris mon auto en juillet et août pour rencontrer un maximum d’élus de mon département, et ce alors que j’étais déjà vice-président de mon conseil départemental. Ce que veulent les grands électeurs, c’est un ancrage ».

Une prime donc aux politiques connus et reconnus sur le territoire ? « On dit souvent que les sénatoriales sont des élections notabiliaires car elles renforcent ceux qui ont déjà une implantation locale. Il est clair que ce sera plus difficile pour des candidats venus de la société civile », détaille Bastien François.

Un scrutin plus technique

Pourtant, Coralie Rembert, candidate dans le Pas-de-Calais de La République en marche (LREM) et qui n’a jamais eu de mandat auparavant, note le bon accueil des élus : « Je représente à leurs yeux la nouveauté. J’ai 37 ans et je ne viens pas d’un parti. Mais je suis deuxième de liste derrière Jean-Marie Vanlerenberghe, qui lui est sénateur sortant (ndlr : Modem) et qui a été maire d’Arras. Il a de l’expérience et c’est très bien ainsi ».

Autre point qui fait la différence avec une élection au suffrage universel direct, les questions plus techniques abordées par les élus locaux. « Les grands électeurs, on peut pas leur raconter d’histoires : ils sont pragmatiques et ils ramènent les choses à la réalité. Si vous n’avez pas une connaissance de la vie locale et de ses problématiques, si vous n’avez pas une connaissance intime de votre territoire, vous avez peu de chance d’être choisi » tranche Philippe Bas. Coralie Rembert, qui n’a jamais été élue, met en avant de son côté ses compétences professionnelles : « je suis diplômée en droit public, je défends donc les communes donc les problèmes qu’elles rencontrent je les connais aussi ! »

Entre bilans d’étape et « clause de revoyure »

Quant à Joël Labbé, il détaille lui « la clause de revoyure » qui lie le sénateur aux grands électeurs. « J’ai fait un bilan d’étape écrit tous les deux ans ; à mi-mandat j’ai organisé une série de réunions publiques dans mon département pour échanger avec les élus locaux et les citoyens et je sais que ces initiatives ont été très appréciées ». Et l'élu du Morbihan n'hésite pas non plus, de manière opportune, à annoncer qu'il déposera d'ici fin 2017 une proposition de loi confortant le statut de l'élu...

Mais si le débat avec les élus locaux est plus « technique », il n’est pas pour autant « technocratique » corrige le politologue Bastien François. Il rappelle que les réunions en mairie avec les grands électeurs sont souvent très conviviales et que les sénateurs-candidats, ont d’ailleurs souvent un petit budget réservé… « pour payer des tournées, ce qui se fait un peu moins dans les élections au suffrage universel direct ! »

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