Ruralité, Bourgogne
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Devenue association nationale, les Nouvelles ruralités veulent s’ouvrir à la société civile pour mieux construire un modèle de développement propre aux territoires ruraux. L'association diffusait le 27 octobre dix interpellations en ce sens aux candidats aux régionales de décembre. Seule limite de l’exercice : les requêtes avancées portent sur des politiques assumées à ce jour par les départements.
Ils étaient hier 40 départements réunis sous le nom de Nouvelles ruralités autour du noyau dur fondé par quatre d’entre eux - l’Allier, le Cher, la Creuse et la Nièvre - au sein de l’ADF. Ils sont désormais une association nationale, qui outre les 15 départements adhérents (les autres devraient suivre) s’ouvre désormais à la société civile : citoyens, associations, économistes, chercheurs, chefs d’entreprise, etc.
« C’est une nouvelle démarche, développe son président, Patrice Joly, à la tête du département de la Nièvre. Il fallait que nous puissions entrer en échange avec d’autres collectivités : les communes, les intercos… Mais au-delà des élus, il fallait aussi d’étendre à ceux qui souffrent : les associations, la fédération des centres sociaux, les représentants des secteurs économiques, les acteurs culturels ».
Objectifs affichés : « Travailler à la représentation, remettre en débat les questions des échelles, de la taille, de la concentration, de la massification » en débat, avance l’élu de la Nièvre, qui ne cache pas avoir été « à un moment donné agacé par le fait que les discussions politiques portaient quasi exclusivement sur le fait métropolitain et les métropoles ou prétendues métropoles… ». Entre-temps, la création d’un ministère aux ruralités et deux comités interministériels et leurs mesures dédiées ont redonné des couleurs aux campagnes.
Territorialiser les politiques régionales
Après les mesures d’urgence, l’heure serait donc à « trouver des modèles d’expérimentation pour construire la société de demain ». « Ce n’est pas une démarche purement revendicative », appuie le vice-président de l’association et conseiller départemental de l’Allier, Jean-Paul Dufrègne. Il y a une volonté « de diffuser ce que nous faisons déjà dans nos territoires ». Car « le premier adversaire de la ruralité, c’est l’immobilisme », assène le sénateur de la Creuse, Jean-Jacques Lozach, autre vice-président de l’association.
C’est dans ce sens que l’association émet 10 propositions interpellant les candidats aux régionales de décembre, convaincue que « les conseils régionaux ont un rôle déterminant dans la dynamisation et la gouvernance des territoires ruraux ».
Les deux premières invitent d’ailleurs les futurs exécutifs régionaux à prendre en compte les campagnes dans la future organisation politique et administrative de leurs services, mais aussi dans leurs politiques que l’association souhaite voir « territorialisées », avec « des équipements ou services d’intérêt régional dans chaque département non chef-lieu de région ».
Ingénierie et économie de proximité, plates-bandes départementales
Mais les autres requêtes de l’association, centrées sur l’ingénierie, l’économie de proximité, le numérique, les transports à la demande ou encore les services publics recoupent curieusement des actions aujourd’hui assumées par les départements, parfois même confirmées et amplifiées par la loi Notre.
Le soutien aux plateformes territoriales d’ingénierie et le développement de l’ingénierie technique et d’aménagement via « des agences d’urbanisme de la ruralité » ? C’est à ce jour les agences techniques départementales, le plus souvent créées, voire gérées par les départements, qui assurent un appui sur ces missions.
Le développement de l’économie de proximité – économie circulaire, ESS, artisanat, commerce de proximité ? C’est justement la portion de la compétence développement économique que comptent bien conserver et amplifier les départements et dont les régions ne sont pas très friandes, hormis l’agriculture. L’Association évoque d’ailleurs « un accompagnement local des entrepreneurs sur une base départementale fédérative »…
Idem sur le nécessaire soutien aux services publics – « maisons de service publics, maisons de santé pluridisciplinaires, médiateurs numériques » – dont Nouvelles ruralités note d’elle-même qu’il s’agirait dans les faits d’un soutien aux schémas… départementaux des services publics et au public co-élaborés entre Etat et conseils départementaux.
Numérique et transports revendiqués par les départements
Autre dossier : le numérique, un « dossier fondamental » pour lequel l’association réclame aux régions de contribuer à la mise en œuvre du plan national très haut débit dans tous les foyers d’ici 2022. Or, ce sont là aussi les départements qui ont pris à bras-le-corps le dossier et qui semblent à même « de suivre et rendre publique l’évolution des débits et seuils de saturation ainsi que des zones blanches identifiés », comme le demande l’association.
Enfin, la légitime demande de développement de la mobilité en zone rurale passant par « les transports à la demande, les taxis solidaires ou le covoiturage de proximité » sont un chapitre des transports que devraient continuer à assumer les départements, comme le rappelait récemment le président de leur association, Dominique Bussereau.
Même s’agissant des transports scolaires que Nouvelles ruralités demande aux régions de « déléguer aux structures de proximité » : ils devraient aller aux départements, de l’aveu même des régions. Bien qu’elles en aient hérité dans la loi Notre, elles sont nombreuses à vouloir re-déléguer aux départements.
L’adresse aux régions, un impératif d’abord financier
L’association Nouvelles ruralités se défend pourtant de se tromper de cible, arguant qu’elle demande des réponses « à des besoins exprimés par les territoires », rétorque Patrice Joly. Autre élément d’explication : c’est souvent une demande de financement aux régions qui est sollicitée par l’association aux régions sur ces domaines d’action.
« Les régions sont autorités de gestion des fonds européens. Sans les fonds européens, dans les six ans qui viennent, il sera bien difficile de financer les projets des territoires », souligne Gérard Peltre, élu rural et président de l’association internationale ruralité, environnement, développement. « Si les régions ne portent pas ces projets et se déchargent sur les départements, on va vers de vrais problèmes », poursuit cet autre vice-président de l’association.
Vers un couple région-département au service du rural ?
Enfin, les responsables de Nouvelles ruralités ajoutent que certaines de ces compétences ont été endossées par les départements faute de combattants.
« C’est l’Etat qui a la compétence numérique ! Mais un certain nombre de collectivités territoriales ont été obligées de se rendre compte que l’Etat n’assurait pas l’égalité numérique. Et si un certain nombre de départements ont investi le numérique, c’était par défaut », observe l’économiste et géographe Gérard-François Dumont.
Ce qui ne doit pas empêcher demain les régions de « se mobiliser sur ces sujets. Sinon, des territoires périphériques seront oubliés. Il faut une gouvernance régionale décentralisée », plaide ce membre de l’association.
Les régions pourront ainsi sur ce chapitre s’appuyer sur leur compétence « aménagement numérique » transmise par la loi Mapam. Et s’inspirer par exemple du modèle alsacien cité par Gérard Peltre : « Une région qui prenait en charge l’organisation de toutes les autoroutes du très haut débit, et les départements, la mise en œuvre territoriale des mesures ».
Un exemple dont il tire un modèle de développement local à essaimer : « On n’est plus dans un monde cloisonné, bien au contraire », avance celui qui milite pour des « approches collaboratives » au service des territoires ruraux.
Jean - 29/10/2015 11h:35
« le premier adversaire de la ruralité, c’est l’immobilisme », je partage cette pensée.« trouver des modèles d’expérimentation pour construire la société de demain », voilà un bel objectif que se sont fixé les exécutifs. La ruralité ne peut devenir le parent pauvre des reformes en cours. avec une aspiration de chaque citoyen à un monde plus proche de la nature, la ruralité, si elle s'organise et répond aux besoins des générations actuelles et futures, va rester vivante et attractive. La vie dans le monde rural sera encore plus belle et pratique à la fois.
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