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© Flickr CC by European Cyclists
Le think-tank TDIE salue, dans un rapport d’étape publié à un peu plus de deux semaines du deuxième tour des municipales 2020, la place prépondérante prise par les enjeux de transports et de déplacements dans les campagnes électorales du premier tour. Ces experts cernent d'ores et déjà les « sujets qui montent » en la matière. Mais pointent aussi l'absence de débat autour de plusieurs politiques locales sur lesquelles les candidats n’ont pas osé s’aventurer...
Finies les campagnes municipales ternes, centrées sur les préoccupations d’une infime partie du corps électoral, autour des seuls problèmes de fiscalité, de propreté ou de sécurité ? Oui, veut croire le think-tank TDIE, pour « Transports – Développement – Intermodalité – Environnement », qui n’en attendait pas moins de ce scrutin, eu égard à la double casquette des collectivités, à la fois investisseurs et régulateurs des mobilités.
Dans un rapport d’étape publié mercredi 10 juin, son conseil scientifique salue la « place importante prise par le thème des mobilités dans le débat politique local, les campagnes électorales du premier tour des municipales 2020 et les politiques municipales. » Une évolution légitime et naturelle, tempère aussitôt son président, Philippe Duron : « les préoccupations des usagers se font plus pressantes, cela se traduit par plus de propositions consacrées aux mobilités dans les programmes. En réalité, tout cela correspond aux nombreuses compétences transférées aux collectivités par les lois LOM, NOTRe et Maptam » éclaire l’ancien maire (PS) de Caen et député socialiste.
Des priorités qui évoluent ?
Pour cette première étude à l’échelle municipale, TDIE a interrogé 166 têtes-de-listes vingt-six communes et agglomérations, décortiqué l’ensemble de leur propagande électorale (tracts, sites internets, programmes) distribuée avant le 15 mars, ainsi qu’une bonne partie de la presse locale. Leurs travaux seront prochainement complétés par l’administration d’un nouveau questionnaire, venant d’être adressé aux candidats se présentant au second tour : « la faible participation du 15 mars, le délai anormalement long de l’entre-deux tours ainsi que la crise sanitaire ont pu faire évoluer les priorités des électeurs comme des responsables politiques » justifie Philippe Duron, en référence au recours accru au vélo depuis le déconfinement du 11 mai. « Peut-être observerons-nous également d’autres évolutions post-Covid concernant les mobilités actives dans leur globalité ou de nouvelles mesures pour doper la fréquentation des transports en commun » ajoute le caennais.
Autre point de satisfaction, d’ores et déjà relevé par TDIE : les débats consacrés aux mobilités se sont révélés moins simplistes que certains de ses membres ne le redoutaient. « On ne peut plus dire que le vélo est de gauche, et la voiture de droite. Même si l’accent et les moyens engagés ne sont pas toujours les mêmes selon les étiquettes politiques et la taille des collectivités, les lignes de clivages se sont complexifiées » note Michel Savy, professeur à l’école d’urbanisme de Paris et l’école des Ponts et Chaussées et donc président du conseil scientifique de ce think-tank.
Quasi-consensus sur le vélo et la voiture
« Le vélo ressortait déjà de façon très importante dans les programmes avant le confinement, dans tout type de communes et de tous bords. Ce n’est plus du tout un marqueur politique. Plus de la moitié des candidats proposaient de nouveaux itinéraires cyclables ; il fallait évoquer des stationnements ou des plans vélos plus globaux pour parvenir à se démarquer » complète Caroline Daude, ex-conseillère d’Anne Hidalgo se consacrant aujourd’hui à la recherche pour la Direction de la voirie et des déplacements de la Mairie de Paris.
« Le développement massif du vélo pose en parallèle la question de la place de la voiture en ville, dans la mesure où cela se fera très probablement à son détriment. La question des « Zones à faible émission » fait ainsi l’objet d’un assez large consensus parmi les candidats, à l’exception de quelques-uns seulement. On observe tout de même des propositions plus ambitieuses en la matière dans les listes étiquetées de gauche des grandes villes, les partis de droite d’autres collectivités se contentant d’évoquer une « pacification de l’espace public » plus floue. »
Objectifs partagés, méthodes variables
Aucun candidat n’a sérieusement remis en cause le développement des transports en commun durant sa campagne de premier tour, ou la nécessaire recherche d’une « meilleure qualité de vie dans une ville apaisée. » Tous se sont appropriés ces différents enjeux liés aux mobilités, les ont intégrés dans leurs programmes sans renâcler. Seules les propositions et méthodes pour y parvenir et concrétiser ces promesses variaient à la marge selon TDIE.
Dans le domaine du stationnement, par exemple, certains privilégient la création de parc-relais et l’extension de l’offre, d’autres militent pour une baisse globale des tarifs ou modulée selon la taille des véhicules, etc. Idem sur les transports collectifs : « il y a bien quelques projets de bus à haut niveau de service ou d’extensions de métros, mais on remarque finalement moins de création ou de développement d’infrastructures nouvelles et une priorité accordée à la réorganisation et l’amélioration des réseaux existants comme la thématique émergente des RER métropolitains dans les villes moyennes et grandes. Par contre, 83 listes ont abordé la question de la tarification – une minorité plaidant pour une gratuité totale, d’autres pour des mesures de gratuité partielles » relève la parisienne Caroline Daude.
Plus de clivages au niveau intercommunal ?
« Le sujet des transports est une matière éminemment politique, avec des options idéologiques bien visibles » confirme Michel Savy. « Pour autant, les problèmes de mobilités sont vécus différemment et les solutions pour y remédier ne sont pas identiques partout, voire parfois même contradictoires entre les territoires. A ce stade de la campagne, il est encore trop tôt pour si les cœurs des grandes villes écologistes s’opposeront à leurs voisins, si le sujet des mobilités deviendra un objet de clivage intercommunal dans les mois à venir. Ce qui est clair, c’est que la question des déplacements ne s’arrête pas aux frontières communales et que seules des politiques de mobilités pensées à l’échelle métropolitaine permettront de dépasser ces éventuelles contradictions » se projette le n°1 du conseil scientifique de TDIE.
« Certains candidats ont bien en tête le caractère intercommunal de cette compétence, mais ce n’est pas encore évident : tous les candidats ne l’ont pas encore correctement intégré » éclaire Caroline Daude. Il leur reste un peu plus de deux semaines pour rattraper le coup au second tour… et préparer le troisième tour intercommunal !
La logistique urbaine, grande absente de la campagne 2020
Le matériau réuni par TDIE leur a permis d'identifier plusieurs thèmes émergents, mais aussi « d’autres sujets qui ne semblaient pas suffisamment mûrs pour cette campagne et mériteront d’être saisis par les élus au cours de leur mandat » relève Michel Savy. Parmi eux, figure notamment la logistique urbaine.
« Nous n'avons comptabilisé que 49 propositions pour ce sujet pourtant primordial dans l’organisation de la vie économique, comme la gestion de l’espace et du trafic urbain » regrette Caroline Daude. « C'est bien plus faible que ce que nous présagions sur le plan quantitatif, mais aussi qualitatif : la logistique urbaine a davantage été abordée sous l'angle des nuisances, que des annonces de création de centres logistiques ou de système de livraison en vélo sur le dernier kilomètre »
Des nuisances et des vertus
« Il y a une prise de conscience en cours, incontestablement, accélérée par l'augmentation des livraisons liées au e-commerce. Je m'attends à ce que les discussions à ce sujet prennent davantage de poids dans les années qui viennent » analyse, pour sa part, Michel Savy. « C'est une composante essentielle du monde urbain, vertueuse lorsqu'il s'agit de remplacer les trajets domicile-hypermarchés de quinze autosolistes par un livreur, mais source de congestion routière et de pollution atmosphérique lorsque la livraison se fait à la place d'un achat dans un commerce de quartier accessible à pied. »