Inondations, ville de Cognac, mars 2007
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Comment les Français perçoivent-ils les risques naturels (inondation, séismes, risques climatiques, cyclones, etc.) et technologiques (risques industriels et nucléaires) auxquels ils sont potentiellement exposés ? Une publication du Commissariat général au développement durable synthétise leurs réponses. Elle montre des disparités notables sur la connaissance des dispositifs de prévention et sur la confiance dans les mesures prises par les autorités publiques.
L’objectif de l’enquête réalisée fin 2013 auprès de 4 700 personnes résidant en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer (DOM) était de mesurer le sentiment d’exposition de la population à trois risques majeurs : les inondations, les risques industriels et les risques climatiques.
Interrogés pour savoir s’ils se sentent exposés à un ou plusieurs risques environnementaux là où ils habitent, les Français répondent de manière assez différente selon les risques évoqués et l’endroit où ils vivent.
Le fort sentiment d'exposition des ultramarins
C’est dans les DOM que s’exprime le plus fréquemment un fort sentiment d’exposition. Métropolitains et ultramarins s’accordent à penser que la pollution atmosphérique constitue un risque notable (56%) mais divergent en partie concernant les autres risques. En effet, les aléas naturels (séismes, inondations) sont plus fréquemment évoqués en outre-mer, tandis que les risques technologiques (industriels et nucléaires) sont surtout cités en métropole.
Les risques liés au changement climatique sont quant à eux redoutés par 56% des ultramarins et par 42% des métropolitains. De manière générale, un tiers des Français pensent être exposés à plus de deux risques environnementaux. À la différence des populations plus jeunes, seul un quart des enquêtés âgés de 65 ans et plus déclarent se sentir exposés à trois risques ou plus.
L’influence des expériences passées sur l’appréhension des risques futurs
En interrogeant les enquêtés pour savoir s’ils ont déjà été personnellement confrontés à des catastrophes environnementales par le passé et si les événements vécus ont eu des conséquences plus ou moins graves pour eux, des différences territoriales apparaissent.
Au regard de la façon dont s’ordonnent les réponses, ce sont les tempêtes et les cyclones auxquels les Français ont été le plus confrontés. 41% des métropolitains et plus de deux tiers des ultramarins (67%) déclarent en effet avoir personnellement vécu un épisode de vent violent. Ces catastrophes ont causé des dégâts matériels pour 22% des enquêtés en outre-mer et 17% en métropole. À cela se rajoutent les dommages physiques subis par 5% des ultramarins et 1% des métropolitains.
Dans les DOM, 47% des enquêtés (contre 20% en métropole) disent avoir été confrontés personnellement à un tremblement de terre par le passé. Essentiellement matérielles, les conséquences de ces épisodes sismiques ont touché 7% des ultramarins. Tandis que les pics majeurs de pollution atmosphérique sont plus fréquemment cités par les métropolitains (21%), les situations de contamination accidentelle de l’eau potable sont davantage évoquées à Mayotte, à la Réunion et en Guyane (24%).
Dans la majorité des cas, plus une catastrophe a eu des effets directs sur les enquêtés, plus ceux-ci ont tendance à considérer qu’elle pourrait se reproduire. Cette influence des expériences passées sur le sentiment d’une forte exposition s’observe notamment dans le cas des inondations en métropole et des séismes aux Antilles.
Les plus jeunes expriment davantage d’inquiétude
Face aux conséquences possibles d’une catastrophe, la perception des risques environnants, l’exposition à certaines menaces, l’âge et le revenu influent sur le niveau d’inquiétude. En effet, les enquêtés qui se sentent fortement exposés à des risques environnementaux et ceux qui sont effectivement exposés à un risque sismique ou à un risque de submersion marine ont le plus de chances de se montrer fortement inquiets. De même, les Français dont les revenus sont les plus faibles et ceux âgés de 25 à 34 ans ont davantage tendance à exprimer un haut niveau d’inquiétude.
Au sujet des raisons qui les ont conduites à s’installer dans une commune exposée à un risque environnemental, les personnes conscientes de leur exposition répondent de manière variable selon la nature du risque et le territoire où elles habitent.
En métropole, 20% des enquêtés conscients des risques auxquels ils sont exposés déclarent qu’ils ignoraient l’existence de ces risques au moment où ils se sont installés, contre 8% dans les DOM. La part de ceux qui affirment qu’ils n’avaient pas le choix est de 44% en outre-mer, soit 17 points de plus qu’en métropole. Enfin, une large part des enquêtés métropolitains (42%) et ultramarins (37%) reconnaît qu’elle a jugé ces situations de risque comme minimes au moment de choisir de vivre dans son lieu de résidence actuel.
Une perception contrastée des politiques de prévention des risques
Encouragés à œuvrer par eux-mêmes pour se prémunir des risques auxquels ils sont exposés, les Français se montrent plus ou moins bien disposés face à cette idée.
En métropole, la part des enquêtés jugeant que c’est d’abord aux pouvoirs publics d’agir pour éviter ou limiter les éventuels dégâts est très nettement supérieure à celle des personnes qui pensent au contraire que c’est à chacun de mettre en œuvre des actions pour se protéger face aux risques.
Dans les DOM, les enquêtés adoptent une posture inverse. Les Français ont d’autant moins tendance à considérer que c’est à chacun d’agir pour se protéger des risques que leur niveau de diplôme ou de revenus s’élève. Par ailleurs, si l’implication des pouvoirs publics est fortement attendue concernant les risques technologiques, les citoyens paraissent en revanche plus disposés à agir par eux-mêmes face aux risques naturels.
Des disparités notables s’observent au sujet des dispositifs de prévention des risques. En métropole, 32% des enquêtés déclarent les connaître, contre 44% en outre-mer. Cette faible connaissance des dispositifs existants est à peine moins marquée dans les secteurs exposés aux risques en métropole.
Un inégal accès à la connaissance des dispositifs de prévention
En la matière, la connaissance augmente avec le niveau d’études des enquêtés. Ainsi, 40% des enquêtés les plus diplômés connaissent les dispositifs de prévention des risques, alors que seuls 13% de ceux qui n’ont aucun diplôme sont dans le même cas. Ce constat interpelle évidemment, dans la mesure où il montre l’inégale accessibilité aux savoirs en matière de prévention des risques.
Seuls 15% des Français exposés à un ou plusieurs risques déclarent avoir connaissance des actions préconisées par les pouvoirs publics afin que les citoyens se protègent par eux-mêmes des risques qui les concernent. Les catégories suivantes paraissent être les plus informées des préconisations qui leur sont adressées du fait de leur exposition à un ou plusieurs risques : les personnes ayant déjà subi des dommages physiques suite à une catastrophe, celles qui se sentent le plus exposées à des risques environnementaux, celles qui considèrent que c’est à chacun d’agir pour se protéger des risques.
De manière générale, les enquêtés exposés à des risques sismiques ou cycloniques dans les DOM ont le plus souvent mis en œuvre ces préconisations.
Deux tiers des opinions exprimées soulignent la faible efficacité des lois et réglementations visant à protéger les biens et les personnes face aux risques environnementaux. Toutefois, l’efficacité de la réglementation, en matière de risques cycloniques ou sismiques, est la plus appréciée dans les territoires où la population a le plus vécu de catastrophes naturelles (Réunion, Guadeloupe, Martinique).
Perplexité des Français face aux réglementations sur les risques climatiques
À l’échelle métropolitaine, les catégories qui connaissent le mieux les dispositifs de prévention des risques sont également celles qui évaluent le plus favorablement leur efficacité. En effet, les jeunes et les enquêtés les plus diplômés se montrent davantage enclins à juger efficace la réglementation en matière de risques industriels et d’inondation. En revanche, les Français semblent globalement perplexes à l’égard de l’efficacité des réglementations visant à protéger la société des risques induits par le changement climatique.
Un peu plus d’un tiers des enquêtés ont confiance dans les mesures prises par les pouvoirs publics concernant les risques naturels et technologiques. Concernant les risques auxquels ils sont plus particulièrement exposés (cyclones, séismes), les enquêtés des DOM expriment majoritairement un sentiment de confiance.
En métropole, la répartition des avis se révèle moins favorable. Concernant le risque d’inondation, la défiance (49%) dépasse de peu la confiance (47%). En revanche, un décalage bien plus important s’observe en matière de risques industriels (56% contre 40%).
Les opinions exprimées en métropole et en Guyane confirment par ailleurs que la confiance dans les mesures prises en la matière est plus importante chez les enquêtés résidant dans les communes les plus fortement exposées que chez ceux dont l’exposition à ce risque est moindre.
L’échelle locale reconnue comme source d'information
Les médias s’imposent comme la principale source d’information des Français en matière de risques naturels et technologiques. Cette réponse progresse significativement avec les niveaux de revenus et d’études. Par ailleurs, c’est à l’échelle locale que les pouvoirs publics sont les plus reconnus comme étant une source d’information en matière de risques environnementaux. Alors que les collectivités locales sont citées par 22% des métropolitains, l’Etat est deux fois moins identifié par les enquêtés comme une source d’information sur les risques.
Au-delà de ces quelques résultats, ce document de 86 pages analyse en détail les déterminants principaux des réponses données à chacune des questions de l’enquête. En s’attachant également à comparer les situations territoriales et à interroger les spécificités de chacun des risques étudiés, cette publication offre un large aperçu des façons dont les Français perçoivent les risques environnementaux (partie 1), notamment en fonction de leur propre expérience du risque (partie 2), et de la manière dont ils appréhendent les politiques de prévention des risques (partie 3).