Gravité. Tel fut, selon le mot même de Jacques Pélissard, réélu pour trois ans à la présidence de l'Association des maires de France (AMF), la tonalité des débats du 94e Congrès des maires de France.
L'avenir des finances locales a été au coeur des discussions, du 22 au 24 novembre 2011, porte de Versailles.
1 - L'accès au financement bancaire des collectivités locales
"La contraction de l'offre bancaire notamment aux grandes collectivités ne tient pas à la qualité de leur signature, mais à l'impact des règles prudentielles imposées aux établissements financiers. Elle peut amener les élus à étaler, voire à supprimer, certains investissements", a souligné Philippe Laurent, président de la Commission des finances de l'AMF et maire de Sceaux (92).
En réponse à l'inquiétude des élus, le Premier ministre a indiqué, le 22 novembre, que le gouvernement était prêt, si nécessaire, à porter "de 3 à 5 milliards d'euros" l'enveloppe de prêts aux collectivités gérée par la Caisse des dépôts pour permettre de financer en 2012 les projets d'investissement des collectivités.
François Fillon a également indiqué que le "pôle public" constitué par la Caisse des dépôts et la Banque postale pour prendre le relais de Dexia "sera opérationnel dès le début de 2012. Il proposera des offres qui seront complémentaires de celles des banques commerciales et qui seront un gage de simplicité, de sûreté et de transparence dans l'accès au financement".
Le gouvernement est resté prudent sur le projet de création d'une agence de financement des investissements locaux, porté par l'AMF, l'AMGVF et l'ACUF.
"Ce projet n'a pas pour vocation d'augmenter la dette mais simplement de sécuriser les financements des investissements publics locaux et d'en optimiser le coût", a rappelé Jacques Pélissard, président de l'AMF à l'attention du Premier ministre.
"J'ai demandé aux ministres de préparer un rapport au Parlement mi-février" sur cette question, a sobrement indiqué François Fillon, tout en reconnaissant que l'agence "serait un complément de financement indispensable au financement des collectivités qui va dans le sens de la mutualisation que vous appelez de vos vœux".
Plus affirmatif, François Baroin, ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie, a indiqué aux élus que "l'Etat enregistre le projet d'agence de financement des collectivités soutenu par les associations d'élus. Il ne s'y opposera pas. Nous avons besoin de plusieurs acteurs pour faire jouer la concurrence. Nous aurons le pôle public, les banques commerciales et l'agence". Les élus, eux, souhaitaient qu'un amendement du gouvernement au projet de loi de finances pour 2012 acte la création de l'agence.
2 - La suppression de la TP ne passe pas
Le 94e Congrès a permis un autre constat: deux ans après la réforme, les élus locaux restent sceptiques sur le bien-fondé et l'impact de la suppression de la taxe professionnelle, remplacée par la contribution économique territoriale (CET).
"Il n'y a plus d'impôt économique local, tandis que l'impact de cette réforme sur le développement économique local n'est pas avéré", a résumé Philippe Laurent, président de la commission des finances de l'AMF, le 23 novembre.
"Les communes et leurs groupements ont perdu environ 10 milliards d'euros de recettes fiscales et j'ai le sentiment que les mécanismes de compensation de la réforme ne permettent pas de récupérer l'intégralité de ce produit", a souligné Marie-France Beaufils, maire (PS) de Saint-Pierre-des-Corps (37).
L'Etat compense pourtant la réforme aux collectivités qui verraient leurs recettes fiscales diminuer. Et cela lui coûte cher comme l'a souligné le Premier ministre, mardi 22 novembre 2011, dans son discours devant les maires : "L'Etat revoit à la hausse de près de 1 milliard d'euros le montant de la dotation de compensation versée en 2011.
En loi de finances pour 2011, elle était prévue à hauteur de 2,5 milliards d'euros. Elle sera finalement de près de 3 milliards d'euros", a indiqué François Fillon.
Intervenant le 23 novembre devant les élus, François Baroin a réaffirmé la pertinence de la suppression de la TP "qui met fin au cercle vicieux d'un impôt qui taxait les investissements des entreprises et menaçait la préservation de l'emploi". Sans convaincre les élus qui, en pleine préparation budgétaire, ne parviennent pas à anticiper le montant de CET que leur collectivité percevra.
L'ampleur et la complexité de la réforme de la TP "nécessitent que l'administration jour pleinement son rôle de partenaire" des collectivités, a ainsi demandé Jacques Pélissard au Premier ministre, le 22 novembre. "Une réflexion doit absolument être engagée en commun, suffisamment en amont de la campagne d'imposition 2012, pour que cette réforme soit davantage compréhensible", a suggéré le député-maire de Lons-le-Saunier. Le Premier ministre s'y est engagé.
3 - Déficits : l'Etat et les collectivités dans le même bateau
Déficits publics oblige, le gouvernement avait enfin un leitmotiv pendant toute la durée du congrès : associer les collectivités à la réduction des déficits.
"L'argent manque et il manque beaucoup. Or, les déficits sont collectifs et doivent être partagés par les gouvernements successifs, mais aussi par l'Etat et les collectivités. Ne soyons pas schizophrènes entre un Etat qui serait seul responsable des déficits et des collectivités vertueuses. Nous devons faire face à trente ans de politiques publiques financées à crédit", a ainsi estimé le ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie, mercredi 23 novembre 2011.
Quelques heures plus tard, le chef de l'Etat délivrait un message identique devant les élus reçus à l'Elysée. Le Premier ministre a de son côté jugé "indispensable que les collectivités locales qui représentent un peu plus de 20% de la dépense publique participent", à la réduction de l'endettement public, en faisant allusion au gel des dotations de l'Etat et à l'effort supplémentaire de 200 millions d'euros prévu dans le projet de loi de finances pour 2012. "L'effort doit être collectif. C'est une question de souveraineté nationale. Moins la France sera dépendante des marchés financiers, mieux ce sera", a résumé François Baroin.
Soucieux d'éteindre la polémique sur des collectivités locales jugées trop dépensières, le président de l'AMF a déclaré, le 24 novembre 2011, devant le ministre de l'Intérieur, que "souvent mises injustement en accusation pour leurs dépenses, les collectivités doivent être, au contraire, considérées comme un atout pour faire face à la crise. Les élus, parfaitement conscients des difficultés liées à la situation financière nationale et européenne, estiment que le redressement des finances publiques ne peut passer que par une action commune et solidaire pour contribuer à l'effort national, et non par des injonctions de l'Etat aux collectivités de dépenser moins".
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L'article de X. Brivet et J. Paquier > Les élus des petites communes souhaitent maintenir leurs investissements: le Baromètre financier Caisse d'épargne-AMF présenté au Congrès le 22 novembre montre que 51% des maires souhaitent développer leurs investissements, malgré la "crise" économique. La voirie, l'urbanisme et le logement figurent parmi les investissements prioritaires des élus interrogés.