Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique
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Ronan Dantec, porte-parole du réseau Cités et gouvernements locaux unis (CGLU), décrypte pour Le Courrier des maires les points clefs de l'accord signé à Paris, samedi 12 décembre 2015, pour les gouvernements locaux. Avec cet accord, qui représente un tournant dans la lutte contre le changement climatique, la reconnaissance du rôle des collectivités territoriales, fortement mobilisées durant toutes les négociations, et la mise en place de lieux d'échanges entre acteurs étatiques et non étatiques devraient faciliter la mise en place de solutions.
Courrierdesmaires.fr. Qu'est ce l'accord de Paris va changer pour les autorités locales ?
Ronan Dantec((Ronan Dantec est aussi conseiller municipal EELV de Nantes, sénateur de Loire-Atlantique et il a coprésidé le sommet mondial climat et territoires qui s'est tenu à Lyon en juillet 2015.)). La première chose à souligner est que cet accord entre Etats donne un signal fort à tout le monde. Si les « parties » n'avaient pas réussi à se mettre d'accord pour dire « il faut agir collectivement pour limiter le réchauffement à 1,5 °C », nous n'aurions pas pu faire le boulot seul.
Deuxièmement, il faut souligner que la mobilisation des acteurs non étatiques durant toute la COP a été sans précédent et que les Etats ont largement mis en valeur cette mobilisation. L’agenda des solutions((Mis en place à Lima en 2014 lors de la COP 20, l'agenda des solutions (ou plan d'action Lima-Paris pour les négociateurs onusiens) vise à mobiliser les acteurs non étatiques notamment entreprises et collectivités. La plateforme Nazca, qui réunit aujourd’hui plus de 10 000 engagements dont plus de 2 000 issus de villes ou de régions) va devenir la base de données de suivi de ces actions.)), a par exemple été largement relayé au Bourget, notamment lors de « l'Action day » du 5 décembre.
Qu'a permis cette mobilisation sans précédent des territoires ?
R. D. Pour motiver les Etats, nous avions réussi au sommet de Lyon((La déclaration du 2 juillet 2015 à Lyon.)) à faire passer notre message « Trouvez l’accord, nous ferons le travail ». Et nous l'avons redit fortement à la mairie de Paris le 4 décembre au sommet des élus pour le climat.
Cela a permis de créer une dynamique qui nous permet aujourd'hui de dire : « Vous avez trouvé l'accord, nous devons maintenant faire le boulot ».
Cela se traduit-il par des choses concrètes ?
R. D. Tout à fait. En plus de phrases positives sur le rôle des villes, des choses très opérationnelles ont été actées avec la création de plusieurs lieux d'échanges entre Etats et acteurs non étatiques.
Deux « champions » vont ainsi être nommés pour faciliter la coopération et le lancement d’initiatives. En parallèle de chaque COP, il est aussi prévu d’organiser une réunion de « haut niveau » qui s’appuiera sur l’agenda des solutions. Il est également prévu un autre lieu d'échange plus technique entre les acteurs non étatiques et leurs experts et les Etats.
Il s'agit maintenant à partir de ces outils de bâtir quelque chose de cohérent. C'est aussi important d'avoir un calendrier pour se fixer des échéances.
Les 5 et 6 mai à Washington, les journées « Climate action 2016 » vont réunir des représentants des gouvernements, du monde des affaires, des collectivités locales, de la société civile et des universités.
Quel est justement ce calendrier ?
R. D. Deux rencontres internationales de « haut niveau » sont déjà prévues en 2016. La première aura lieu les 5 et 6 mai à Washington. Ces journées « Climate action 2016 » vont réunir des représentants des gouvernements, du monde des affaires, des collectivités locales, de la société civile et des universités.
Une deuxième rencontre mondiale « de haut niveau » des acteurs non étatiques aura lieu à Nantes du 26 au 28 septembre. On rentre dans un cycle de l'action.
Et la question du financement ?
R. D. Au niveau français il faut par exemple profiter des assises de l'énergie fin janvier à Dunkerque pour échanger nos bonnes pratiques et pour faire du lobbying concernant les questions financières. Il faut fouiller ensemble dans la boîte à outils que constitue la loi de transition énergétique. Réfléchir par exemple à une dotation climat.
Cependant, aujourd'hui, aucune collectivité ne peut échapper à sa responsabilité en matière de climat. Cela fait désormais partie de sa fonction de base. Elles doivent donc dimensionner leurs services pour cela, notamment pour pouvoir réfléchir aux outils financiers et techniques à développer.
L'appel de la présidence de la COP 21 aux acteurs non étatiques
Mercredi 16 décembre 2015, la présidence de la COP 21 a lancé aux acteurs non étatiques « l’Appel de Paris »((Lire « L’Appel de Paris ».)) dans laquelle elle invite entreprises et collectivités à se rassembler autour d'une déclaration collective. Cette déclaration a déjà été signée par plus 1 000 organisations dont plus de 100 villes et régions allant de Portland à Rio-de-Janeiro en passant par Johannesburg, Barcelone, l'état du Minnesota ou les gouvernements du Québec et de l'Écosse.
« Le leadership des acteurs non étatiques est essentiel. Le monde a besoin que vous vous leviez et que vous releviez les défis du changement climatique. Je vous encourage à prendre des mesures audacieuses et à prendre des engagements ambitieux, individuellement et collectivement. Enregistrez-les sur Nazca et signez l’engagement de Paris, pour vous assurer que les engagements des gouvernements seront respectés ou dépassés », a expliqué Laurent Fabius lors du lancement de l'appel.
Cet Appel de Paris s'ajoute aux nombreux engagements déjà pris par les collectivités regroupées en différents réseaux. Dans une tribune commune publiée le 17 décembre dans le Figaro, Anne Hidalgo, maire de Paris et Michaël Bloomberg, envoyé spécial des Nations Unies pour les villes et le changement climatique, ont confirmé que suite à l'accord de Paris les villes « où se concentrent les risques climatiques » vont accentuer leurs actions.
« Plus de 400 villes qui représentent plus de 376 millions de personnes, soit 10% de la population mondiale ont rejoint le Compact of Mayors qui leur demande de fixer des objectifs climatiques audacieux, d’adopter un système commun de mesures des émissions et de faire publiquement état de leurs avancées » rappelle la tribune.