Les espaces verts ont de la valeur... encore faut-il la calculer

Martine Kis
Les espaces verts ont de la valeur... encore faut-il la calculer

Potager, au cœur de la ville de Nancy

© Ville de Nancy

Tout le monde souhaite disposer d’espaces verts. Ils sont pourtant souvent oubliés, ou réduits, lors des décisions d’investissement. Or, ils ont une valeur économique, au même titre que l’immobilier ou les équipements. Encore fallait-il la calculer. C’est ce qu’entreprend l’Union nationale des entreprises du paysage (Unep), avec le cabinet conseil Asterès.

Les espaces verts, tout le monde les aime. Pourquoi faudrait-il, de surcroît leur donner une valeur économique ? En gros, pour les protéger et en avoir plus.

Dans un monde où la décision est souvent avant tout économique, ce qui n’est pas valorisé est oublié ou n’existe pas. C’est pourquoi l’Union nationale des entreprises du paysages (Unep) s’est lancée, avec l’économiste Nicolas Bouzou et son cabinet conseil Asterès, dans l’élaboration d’un discours sur la valeur économique des espaces verts.

« 9 Français sur 10 plébiscitent les espaces verts, affirme l’économiste. Cet investissement devrait être prioritaire ». Avec 1% en moyenne des budgets des collectivités, il est loin de l’être. Et d’autant plus en période d’austérité budgétaire dans les collectivités publiques : « Le secteur des espaces verts est spontanément perdant car il n’est pas monétisé », explique-t-il.

Trois domaines de valorisation

D’où une tentative de valorisation dans plusieurs domaines : santé, développement durable et économie. Alors que ce genre d’études existe dans les pays nordiques et anglo-saxons, rien de ce genre en France, où il faut tout prendre à zéro. « Il y en a pour 10 ans de travail », prévient Nicolas Bouzou.

Equité sociale et santé

En ce qui concerne la santé (voir l'infographie de l’Unep, ci-dessous), les espaces verts sont un encouragement à l’activité physique, améliorent la qualité de l’air, réduisent le stress et facilitent le « vivre ensemble ». Les habitants se vivent comme étant en meilleure santé lorsque leur logement est proche d’espaces verts.

Un effet d’autant plus marqué lorsque les personnes concernées sont âgées, des femmes au foyer ou de catégorie sociale modeste. Conséquence soulignée par l’étude : les espaces verts municipaux contribueraient à promouvoir une équité sociale en matière de santé.

Economies pour la Sécurité sociale

Les diagnostics de santé corroborent ce ressenti : moindre prévalence des maladies cardiovasculaires, des troubles musculo-squelettiques, des problèmes respiratoires etc. A condition d’être à moins d’un kilomètre de l’espace vert.

En s’appuyant sur les données de la Sécurité sociale Nicolas Bouzou a pu évaluer l’économie réalisée par celle-ci si la densité d’espaces verts augmentait en moyenne de 10% dans un rayon de 1 km. Elle serait de 56 millions d’euros pour l’asthme et de 38 millions pour l’hypertension.

« 10% n’est pas une augmentation importante, remarque l’économiste. Et il faut ajouter les effets indirects : moins d’arrêts, plus de productivité ». Cet effet est naturellement plus important dans des espaces denses et pollués.

Autre effet bénéfique : les espaces verts favorisent la détente, apaisent les tensions, réduisent le stress. Ils facilitent aussi les rencontres, le sentiment d’appartenance. Autant d’éléments difficilement valorisables monétairement, mais dont les bénéfices sont évidents pour la collectivité.

Meilleure gestion des eaux

Les conclusions de Nicolas Bouzou concernant le développement durable sont moins inattendues.

Les espaces verts participent à la réduction de l’îlot de chaleur urbain, cause de surconsommation d’énergie et d’émission de polluants avec des effets néfastes sur la santé.

Les végétaux purifient l’air, quand aux espaces verts ils favorisent l’écoulement naturel de l’eau. « Cela intéresse les élus locaux, souligne Nicolas Bouzou. L’évacuation et le filtrage des eaux pluviales permet de réduire le risque d’inondation, ce qui se traduit par un gain en gestion de la dépense courante et une économie pour l’investissement public ».

Attractivité économique

Enfin, dernier étage de la démonstration, les espaces verts sont sources de richesse économique.

Catherine Muller le souligne, le secteur des entreprises du paysage pèse d’un poids non négligeable :

  • 28 600 entreprises (dont 63% unipersonnelles),
  • plus de 90 000 emplois privés directs,
  • 5,35 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Ce secteur est particulièrement intensif en emplois puisque 100 000 euros de chiffre d’affaires correspondent à 1,4 emploi salarié ou non, contre 0,4 emploi dans le reste de l’économie.

A l’heure où les villes soignent leur attractivité, il apparaît que la présence d’espaces verts contribue à attirer entreprises, touristes et habitants, en particulier ceux des « classes créatives ».

La valeur de l’immobilier augmente à proximité d’un parc, par exemple de 1,3% à Angers, de 17% à Brest dans un rayon de 100 mètres. Ceci ne risque-t-il pas d’aggraver la ségrégation sociale ? Nicolas Bouzou en convient. C’est pourquoi il préconise d’investir prioritairement là où existent les coupures sociales, dans les espaces entre ville et banlieue.

Espaces verts et stratégie économique

Pourquoi un tel travail ? Catherine Muller ne s’en cache pas : il s’agit de donner à ce secteur professionnel des arguments basés sur des chiffres et des valeurs économiques.

Tant que les espaces verts ne semblent qu’une charge en investissement et en fonctionnement, un plus sympathique et joli mais sans valeur tangible par rapport aux investissements en immobilier, en infrastructures, en transport… ils passeront toujours au second plan et seront vulnérables. Une valorisation économique aide les élus locaux et les investisseurs à intégrer la valeur des espaces verts dans leurs stratégies.

Création d'une association d'élus

Une association nationale des élus en charge des espaces verts est d’ailleurs en cours de formation, ce qui réjouit Catherine Muller qui propose de soutenir cette création dans l’espoir de disposer d’interlocuteurs mieux formés et sensibilisés.

Elle propose également la mise en place de compensations écologiques lors de la préemption de terrains nus. Enfin, elle souhaite un alignement du taux de TVA sur les travaux paysagers (20%) sur celui de la vente de produits horticoles (5%).

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