Christine Pïres Beaune, députée du Puy-de-Dôme
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Christine Pirès-Beaune, députée du Puy-de-Dôme (PS) et Rémy Rebeyrotte, député de Saône-et-Loire (LREM), planchent depuis plusieurs mois sur la question de l’investissement local. Après le décrochement constaté entre 2014 et 2017, ces parlementaires essaient, dans le cadre d’une «mission flash », de poser les jalons pour une reprise durable de l’investissement local. Et préconisent davantage d’ingénierie, la stabilité institutionnelle et le desserrement des règles de désendettement. Entretien.
Courrierdesmaires.fr : pourquoi cette mission flash sur l’investissement public local ?
Christine Pirès-Beaune : C’est le constat de la baisse significative des investissements publics, - 22% entre 2014 et 2016, du jamais-vu - qui nous a amenés à demander à cette mission. Nous souhaitons, avec nos auditions, identifier les raisons de cette chute mais surtout voir ce qui pourrait être fait pour améliorer les choses. Nous avons déjà auditionné les associations d’élus, la Banque postale, l’observatoire des finances et de la gestion publique locales. Dans les semaines à venir, nous allons nous pencher sur l’utilisation des crédits d’investissement : comment sont-ils utilisés ? Par qui ? Est-ce que ce fonctionnement est aujourd’hui pertinent ?
Quels enseignements tirez-vous à mi-parcours ?
Le premier constat que nous faisons est le fait que l’investissement public local a baissé pour de multiples raisons. La baisse des dotations a participé de ce mouvement - entre 2014 et 2017, il y a eu une baisse de 11,5 milliards d’euros - mais elle n’est pas seule en cause.
Ainsi, si la DETR (dotation d'équipement des territoires ruraux) et la DSIL (dotation de soutien à l'investissement local) ont augmenté sur la période, certains fonds sectoriels ont, eux, baissé dans le même temps, que ce soit par exemple le Fisac, la réserve parlementaire, les aides du CNDS ou encore celles de l’Agence de l’eau. En fait, tous les opérateurs publics, à qui l’État a demandé des efforts, ont baissé le niveau de leurs aides.
Mais les raisons ne seraient pas que purement financières…
Une autre donnée très importante, et qui semble avoir également agi sur l’investissement local, est la modification de la carte institutionnelle, en l’occurrence intercommunale. Créer de nouvelles intercommunalités ou régions engendre une période de « réorganisation » plus ou moins longue au cours de laquelle l’investissement n’est pas une priorité. Et si l’investissement local semble repartir à la hausse aujourd’hui, + 6,3% en 2017, toutes les incertitudes ne sont pas pour autant levées chez les élus : crainte sur la future carte, la place des départements, la question des fusions départements-métropoles…
Justement : quels sont aujourd’hui les freins empêchant, selon vous, une reprise plus franche de l’investissement local ?
Il y a déjà cette instabilité institutionnelle que nous venons de pointer et qui désoriente les élus mais il y a également la question du manque d’ingénierie dans les territoires. Sur ce point, on peut légitimement espérer que la future agence de la cohésion des territoires répondra à ce besoin. Enfin, nos auditions ont montré qu’il serait peut-être opportun de desserrer les contraintes pesant sur les collectivités en termes de désendettement. S’il n’y a pas de problème d’accès à l’argent à proprement parlé – les taux pour les collectivités sont toujours bas - ce sont bien ces points-là (stabilité, ingénierie et contraintes en termes de désendettement) qui freinent encore la reprise de l’investissement local.
Il faut bien comprendre que les collectivités portent 70% de l’investissement public civil en France, c’est considérable. Et l’investissement public local, cela signifie plus de services publics ; ce qui veut dire qu’il faut investir partout pour une question de cohésion des territoires. Par ailleurs, l’investissement public local, c’est aussi de l’activité économique dans les territoires. C’est donc un enjeu majeur, et crucial aujourd’hui.