Les élus à la jeunesse mobilisés pour inscrire cette compétence dans la loi « Notre »

Denis Solignac

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Les élus à la jeunesse mobilisés pour inscrire cette compétence dans la loi « Notre »

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© Anacej

Alors que le Sénat doit réexaminer le projet de loi Notre à la fin du mois de mai, des élus et acteurs associatifs se mobilisent pour inscrire dans la loi l'accompagnement de la jeunesse vers l'autonomie comme une compétence partagée par les territoires, avec l'Etat. Enjeu : éviter l’abandon et la segmentation des politiques en faveur de la jeunesse et leur assurer un financement pérenne.

A l’heure où le chef de l’Etat tente de remettre ce qui fut son thème principal de campagne au cœur de l’actualité via un débat avec huit jeunes et un discours sur leurs aspirations, le 6 mai au Conseil économique et social, où est passée la jeunesse ?

Ce thème ne figure nulle part dans le texte Notre que le Sénat examinera à partir du 26 mai en deuxième lecture. Et le projet de loi prévoit de plus la suppression de la clause de compétence générale pour les départements et régions...

« Compétence partagée »
Cette réalité très concrète de l’évolution du texte fait ainsi craindre à de nombreux élus locaux, mouvements de jeunesse et d'éducation populaire un abandon progressif et contraint de ce champ d'intervention par les collectivités territoriales. Raison pour laquelle la commission jeunesse de l'ARF et l'Anacej organisaient à ce sujet un séminaire, le 5 mai, au Palais-Bourbon.

Objectif : se mettre en ordre de bataille pour obtenir que la Jeunesse soit inscrite comme l’une des « compétences partagées » dans la loi Notre, au même titre que le tourisme, la culture et le sport. Une première tentative d'amendement en ce sens a échoué auprès de la commission des lois du Sénat en première lecture. Depuis, la commission jeunesse de l'ARF diffuse un appel((L’appel lancé par l'ARF est signé par des élus régionaux, départementaux et communaux et des acteurs de l'éducation populaire et des mouvements de jeunesse, auxquels devraient se joindre des parlementaires dont Aurélie Filipetti, présente ce 5 mai au séminaire coorganisé par l'ARF et l'Anacej.)) en vue du second passage devant le Sénat.

[caption id="attachment_49494" align="aligncenter" width="560"] Elus en séminaire, à l’appel, de l’ARF et de l’Anacej, le 5 mai, au Palais-Bourbon.[/caption]

Mobiliser « nos collectivités, évidemment en lien avec l'Etat »
Ce texte intitulé « Faire de la “priorité à la jeunesse” une réalité » fait directement référence à la promesse du candidat François Hollande, aujourd'hui partiellement mise en œuvre dans le cadre du plan Priorité jeunesse. Pour les signataires de cet appel, l'avenir de la jeunesse ne peut être la seule responsabilité de l'Etat en disparaissant des compétences territoriales.

Agir collectivement pour notre jeunesse est une véritable urgence démocratique, peut-on lire.
En effet, malgré les efforts des uns et des autres, l'accès à l'autonomie et à la citoyenneté est aujourd'hui devenu pour les jeunes un véritable parcours du combattant. Santé, logement, formation, loisirs, transport et emploi sont autant de défis à relever, autant d'occasions pour nos jeunes de trébucher quand il faudrait, au contraire, qu'ils puissent disposer d'une information unifiée et lisible, d'actions coordonnées entre partenaires complémentaires, d'un accompagnement bienveillant et exigeant à la fois », plaident les signataires.
Et d’en tirer la conclusion que « cette situation nouvelle impose la mobilisation des compétences de l'ensemble de nos collectivités, évidemment en lien avec l'Etat.”

Une ou des politiques en faveur de ce public-cible ?
Mais les opposants à cette revendication rétorquent que la Jeunesse n'est pas une compétence en soi mais une politique transversale, mise en œuvre à travers des compétences telles que les transports, la formation et l'éducation, le logement, etc.

« En réalité, analyse Philippe Meirieu, vice-président de la région Rhône-Alpes et président de la commission jeunesse de l'ARF, cette juxtaposition de politiques est dangereuse car elle nie l'unité du jeune et la nécessaire coordination de tout ce qui peut contribuer à l'aider dans son parcours vers l'autonomie et la citoyenneté ».

Pour le président de l'Anacej, Mathieu Cahn, adjoint à la jeunesse de la ville de Strasbourg et vice-président de l'Eurométropole de Strasbourg, il faut sortir de « l'objectif simpliste de la réduction du millefeuille territorial ».

« Plus que la suppression de couches de ce millefeuille, c’est la mise en cohérence des actions de toutes les collectivités que nous devons prôner, insiste-t-il. Je pense que le fameux millefeuille est au contraire une garantie de contre-pouvoir. Que se passerait-il si une seule collectivité ou si l'Etat seul devait avoir la compétence de la jeunesse ? »

La territorialisation de la politique jeunesse, un objectif en péril
Plusieurs élus sont par ailleurs intervenus pour rappeler que les collectivités territoriales, à commencer par les régions qui revendiquent le « chef de filât » de la politique jeunesse, avaient acquis une culture du partenariat dans le domaine des politiques jeunesse.

« Cette logique partenariale, c'est une logique d'influence partagée plutôt que de concurrence entre pouvoirs locaux, insiste Julien Vaillant, conseiller régional délégué à la jeunesse de la région Lorraine. C’est plus compliqué mais tellement plus efficace. Quant à la territorialisation des politiques jeunesse, on était en train d'y parvenir… », ajoute-t-il comme pour souligner que cet élan est menacé par la disparition de la compétence partagée.

De ce point de vue, l'expérience lorraine a valeur d'exemple. Dans le cadre de LOR'Jeunes((LOR’Jeunes, la politique jeunesse de la région Lorraine.)), le conseil régional a réuni au sein de ce que l'élu définit comme une « coopérative d'idées et de moyens » les collectivités du territoire, les services déconcentrés de l'Etat et les acteurs associatifs.

« Au fil de temps, nous avons acquis une culture commune qui a abouti à des dispositifs uniques dédiés à la jeunesse », estime Julien Vaillant. Une telle initiative a permis de réduire l'empilement de mesures disparates, qui rend aujourd'hui illisibles et souvent difficiles d'accès les politiques jeunesse dans la plupart des territoires.

L’enjeu financier derrière la reconnaissance institutionnelle
Faire de la Jeunesse ou plutôt, comme ont insisté l'ensemble des intervenants, de l'« accompagnement des jeunes vers l'autonomie », une compétence des collectivités, c'est aussi une manière de garantir le maintien de moyens.

« Dans les décisions budgétaires qui me sont dictées par les restrictions, je suis obligée de mettre fin malheureusement à certains dispositifs dédiés à la jeunesse, a reconnu Nisrine Zaibi, élue régionale déléguée à la jeunesse en Bourgogne. Dans un contexte d'économie, la variable d'ajustement n'est pas la compétence mais la politique volontariste, en l'occurrence la politique jeunesse ».

D'aucuns ont ajouté que la fusion à venir des régions allait amplifier le risque d'abandon de nombreux dispositifs existant en faveur des jeunes.

Tout cela rend d'autant plus nécessaire la création d'une compétence partagée entre les collectivités dont les actions pourraient être coordonnées à l'échelle des futures super-régions, jugent ces élus. Mais si ces dernières pourraient être les grands « assembliers » des politiques de jeunesse, garantes de leurs mises en œuvre sur le territoire, tous s'accordent sur le rôle essentiel de l'Etat, qui doit continuer à assurer la définition – et, non-accessoirement, le cofinancement – des objectifs à atteindre.

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