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© ADF
Réunie en congrès à Poitiers depuis le 5 octobre, l’Assemblée des départements de France (ADF) a ouvert ses débats par une critique appuyée de la loi Notre, qu’elle souhaite « rectifier ». Si les critiques les plus virulentes proviennent des présidents de droite, le groupe de gauche de l’association d’élus concède lui aussi que « des interrogations persistent ».
Traditionnellement dévolue à l’expression des groupes politiques, la matinée d’ouverture officielle du congrès des départements de France (ADF) de Poitiers le 6 octobre n’a pas dérogé à la règle. Alors que l'opposition était marquée entre présidents du groupe DCI et du groupe de gauche sur le financement des allocations de solidarité, la contestation de loi Notre, ou a minima de sa mise en œuvre, était largement partagée.
« La loi Notre n’est effectivement pas notre loi, en tout cas pas la loi des départements. La loi Notre nuit gravement à la santé de nos territoires. Beaucoup espèrent ici sa suppression. Nous ne savons pas par exemple comment ou quand les transports scolaires seront organisés dans quelques mois, a déclaré, ouvrant les hostilités, Bruno Belin, président du Conseil départemental de la Vienne.
« La loi Notre est une loi boulet », a-t-il encore lancé. L'ex-pharmacien n'a d'ailleurs pas hésité à faire figurer l'avertissement sur un faux paquet de cigarettes taille XXL à ses côtés sur l'estrade...
Pour le président du département hôte du congrès 2016 au Futuroscope de Poitiers, la question est posée… et la réponse toute trouvée : « Faut-il militer pour le retour de la clause de compétence générale ? J’en suis convaincu. Ni tutelle, ni dépendance. Les collectivités s’administrent librement, les départements s’administrent librement. »
La gauche admet "un exercice contraignant"
Pour la défense, le président du groupe de gauche André Viola a certes plaidé en faveur de l’esprit de la réforme territoriale : « Cette loi était nécessaire car une clarification était attendue. C’était un exercice contraignant, qui n’est pas terminé. Mais à terme, il sera pertinent », a assuré le président de l’Aude.
Mais le patron du groupe de gauche à l’ADF a toutefois concédé être « lucide : des interrogations persistent. Notamment pour les transports. Il y a autant de doutes sur la manière de faire que de départements ; la date, l’avenir des régies départementales, l’avenir des salariés. Bruno Sido a porté une proposition de loi indispensable sur le sujet », a-t-il applaudi en référence au texte du sénateur et président du conseil départemental de la Marne. Et ce même si plusieurs régions assurent viser une date unique de reprise effective des transports scolaires et interurbains.
« Je pense aussi à la compétence éco. Nos départements resteront des acteurs incontournables de la vie économique même s’ils vont perdre la capacité des aides directes », a par ailleurs pronostiqué l’élu aubois, dans un souhait qui est là partagé par la grande majorité des présidents de départements.
Les finances exsangues pèsent aussi sur les compétences
Autre attaque en règle contre la loi Notre : celle du président du Cantal, Vincent Descoeur. « La loi Notre est une grande hypocrisie si on ne règle pas la question du financement des départements », a-t-il souligné, liant le sujet à l’autre grande question, financière, qui agite l’association d’élus. « Avec moins de 10 millions de DMTO, pas besoin de me confier la compétence cohésion territoriale », a-t-il pesté.
C’est ainsi, dans un rôle qu’il affectionne, celui de bâtisseur de compromis, qu’est intervenu en conclusion de la matinée le président du Sénat, soucieux de « redonner des perspectives à la collectivité départementale », elle qui est confrontée à des « problèmes de positionnement institutionnels ». Gérard Larcher en est convaincu : le département a « un rôle à jouer en métropole comme dans les DOM qui ont choisi de le conserver ». Cette mission, c’est celle de « la proximité ».
Le Sénat veut "rectifier" la loi d'ici janvier
Au-delà de l’antienne qui veut qu’« aucune collectivité ne doit exercer de tutelle sur une autre collectivité », le président de la haute chambre a réitéré son souhait de « reprendre un certain nombre de points » de la loi Notre. Une mission qui fait le fruit d’un travail collégial des sénateurs René Vandierendonk, Mathieu Darnaud et Philippe Bas.
Le président de la commission des lois et du département de la Manche évoquait récemment dans une interview au Courrier des maires son souhait de « rendre viable ce qui n’a pas été prévu par le législateur », dans la loi Notre, sur tout ce qui concerne les relations entre niveaux de collectivités.
S’adressant directement aux élus départementaux, Gérard Larcher « propose de parfaire ce qui est à parfaire ». Et d’annoncer « un certain nombre de propositions très concrètes faisant l’objet de mesures correctrices » d'ici à janvier, comme en témoigne la récente proposition de loi visant à un « exercice territorialisé de compétences au sein des EPCI à fiscalité propre de 50 communes au moins ».
Big-bang, statu quo ou assouplissements législatifs?
Reste qu’à un peu plus de six mois de l’élection présidentielle, Gérard Larcher a également prévenu : « Chaque alternance ne peut être le déclencheur d’un big-bang territorial. On ne peut s’offrir un psychodrame à chaque fois. »
Où alors placer le curseur entre une suppression de la loi Notre souhaitée par le président de la Vienne et la volonté partagée par une majorité d’élus de ne pas subir une énième réforme territoriale ?
« Nous ne voulons pas de grand soir. Pas de nouvelle carte régionale, pas de nouvelles limites départementales, pas de changement de scrutin… Mais un texte qui apporte de la souplesse, de la délégation et des expérimentations », exhorte le président de l’ADF, Dominique Bussereau.
Et le patron de l’exécutif de Charente-Maritime de citer l’exemple des fusions entre départements qu’’ambitionnent d’une part Yvelines et Hauts-de-Seine et d’autre part les deux Savoie : Pourquoi passer par le Parlement ?
Idem pour les délégations de compétences, très encadrées dans la loi Notre », regrette-t-il. Dominique Bussereau va jusqu’à regretter que les… régions n’aient pas obtenu d’avantage de responsabilité sur l’emploi.
Pas de « révolution » donc mais un socle de propositions que l’association doit mettre au vote en interne ce 6 octobre.
Au-delà des métropoles qui se démultiplient...
Enfin, alors que va s’ouvrir au Sénat la discussion du projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain, Gérard Larcher l’a assuré : « Nous jouerons pleinement notre rôle de contrôle de la loi Notre et de la loi métropoles. Et ferons des propositions avec vous dans les quatre mois. »
« J’entends les membres de la commission des lois s'interroger sur la multiplication à l’infini des métropoles. Si chaque ville de 3 000 habitant devient métropole ; alors ce sera comme les pôles de compétitivité, nous aurons dispersé [les moyens] », a-t-il prévenu alors que le projet de loi est fait sur mesure pour faire d’Orléans, Saint-Etienne, Toulon et Dijon des métropoles dès 2017.
Peu avant, le président du conseil départemental des Ardennes et du groupe de la droite et du centre (DCI) de l’ADF, Benoit Huré, avait lui aussi évoqué « la France dont l’avenir ne se joue pas dans les seules métropoles comme on voudrait nous le faire croire ».
Cela tombe bien, le prochain congrès 2017 de l’ADF pourrait bien se tenir… à Marseille. Nul doute qu’il sera encore question, au cœur d’Aix-Marseille Provence Métropole, de la loi Notre, de la loi Maptam et de celle en devenir sur l'aménagement métropolitain.