"Les communes et les autres collectivités ont besoin de stabilité institutionnelle"

La rédaction

Jean-Michel Baylet

© F. Calcavechia

Ministre de l'Aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, Jean-Michel Baylet fait le point, pour Le Courrier des maires, sur les dossiers majeurs de l’action publique locale, à l’approche du Congrès des maires. Aujourd’hui, seconde partie de cet entretien, consacrée au Pacte Etat-métropoles, à la baisse des dotations, à la complexe réforme de la dotation globale de fonctionnement, et aux non moins ardues négociations avec les départements sur le financement du RSA.

La préparation du Pacte Etat-métropoles

Le Courrier des maires : Parallèlement au prochain Comité interministériel aux ruralités, vous annoncez la négociation d’un pacte Etat-métropoles : en quoi consistera celui-ci ?

Jean-Michel Baylet : De la même manière que l’Etat a signé un pacte avec les régions, le Premier ministre veut faire de même avec les métropoles. Il s’agit non seulement de promouvoir, dans ces territoires métropolitains, les usages innovants des réseaux, d’accroître la lutte pour la qualité de l’air, de travailler sur l’architecture et l’urbanisme. Mais aussi de favoriser les coopérations entre les zones denses et celles qui le sont moins.

Demanderez-vous aux métropoles de porter des projets allant au-delà de leur strict périmètre ?

J.-M. Baylet :Il faut mettre en osmose les territoires urbains et périurbains, qui ont été un peu oubliés ces dix dernières années. Alors oui, nous demanderons aux métropoles d’avoir une action au-delà de leur propre périmètre, pour agir dans la totalité de leur sphère d’influence.

Nous demanderons aux métropoles d’avoir une action sur la totalité de leur sphère d’influence."

Dotation globale de fonctionnement : la réforme

La réforme de la dotation globale de fonctionnement fait l’objet de multiples groupes de travail : comment sortir de cet épineux dossier ?

J.-M. Baylet : C’est un dossier effectivement lourd, qui pèse 19,2 milliards d’euros pour le seul bloc communal en 2016. Mais la DGF était devenue trop inéquitable et illisible pour qu’on ne s’en saisisse pas. Elle a même tendance à accroître les inégalités, plutôt qu’à les réduire. Nous voulions davantage de visibilité, d’où cette réforme actée dans le budget pour 2016.

Reste que la mise en musique, c’est autre chose, avec des interlocuteurs aux positions différentes. J’ai d’abord souhaité rencontrer chacun des acteurs en bilatéral, puis l’ensemble des associations en multilatéral, y compris le président du Comité des finances locales, pour être certains des positions des uns et des autres. Puis, les parlementaires se sont saisis de la réforme, avec deux groupes de travail, l’un au Sénat et, l’autre, à l’Assemblée, qui ont ensuite fusionné. Je commence tout juste à voir ce qui est possible au milieu de positions très diverses. Au moins, il existe une volonté d’aboutir.

Dans quel délai maximal cette révision de la réforme peut-elle intervenir, selon vous ?

J.-M. Baylet : J’aimerais que nous ayons une vision beaucoup plus claire de ce que nous ferons d’ici aux vacances parlementaires. Sinon, il sera difficile de faire quoi que ce soit à la rentrée de septembre, d’autant que la période préélectorale sera peu propice à faire émerger un consensus. Je sais, par ailleurs, que les associations d’élus imaginent statuer sur la seule péréquation pour 2017 et sur le reste pour 2018. Mais ce n’est pas du tout ce qui a été prévu à l’origine.

Les associations d’élus imaginent statuer sur la seule péréquation pour 2017 et sur le reste pour 2018. Mais ce n’est pas du tout ce qui a été prévu à l’origine."

Confirmez-vous que cette réforme se fera par ailleurs dans le cadre de la troisième et dernière tranche de la baisse de 3,67 milliards de dotations ?

J.-M. Baylet : Bien entendu, la contribution des collectivités à l’effort de redressement de nos finances est juste et souhaitable. La dernière marche est toujours  la plus difficile à surmonter, car c'est est la plus haute.

C’est au président de la République, invité au Congrès des maires et qui s’y rendra le 2 juin, qu’il reviendra d’apporter des réponses adéquates aux demandes des élus en la matière.

RSA : les négociations avec les départements

Où en êtes-vous de la complexe négociation avec les départements sur le revenu de solidarité active (RSA) ?

J.-M. Baylet : En 2004, le gouvernement Raffarin a décidé de décentraliser le RMI, ce que d’ailleurs les départements ne demandaient pas. Et il a pris, logiquement, comme référence pour le financement l’année précédente, soit 2003. Rapidement, la prestation du RSA a lourdement pesé sur les finances des conseils départementaux.

A mon arrivée au gouvernement [le 11 février 2016, NDLR], leurs présidents réclamaient une recentralisation du financement, sans toucher à leurs recettes dynamiques, que sont les DMTO et la CVAE. Ce que le Premier ministre a accepté, mais avec une contrepartie : que les départements s’engagent davantage dans la réinsertion. Et, bien sûr, avec, comme année de référence, au titre de 2017, l’année précédente, 2016, comme cela avait été fait du temps de la "loi Raffarin".

Très vite, les négociations ont été rompues, Alain Lambert considérant que son mandat était impératif sur le choix de 2014 comme année de référence((Début mars, une délégation de l'Assemblée des départements de France (ADF), conduite par Alain Lambert (UDI, Orne) a été mandatée pour engager des discussions avec le ministre des Collectivités territoriales, Jean-Michel Baylet, et le secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert sur la prise en charge par l'Etat du financement du RSA. Cette délégation "aura pour mandat de veiller à ce que la prise en charge du financement du RSA par l'Etat ait 2014 pour année de référence, et que la contribution collective demandée aux départements tienne compte des situations spécifiques de chacun d'entre eux", écrivait alors l'ADF dans un communiqué.))

Les négociations sont-elles donc bloquées ?

J.-M. Baylet : La rupture ne faisait alors pas l’unanimité au sein de l’ADF. Les présidents des départements de gauche voulaient poursuivre la négociation, comme une partie des présidents de droite. D’où la nomination à l’association d’un nouveau chef de file, le sénateur Albéric de Montgolfier, et ma proposition de discuter de l’année de référence en conclusion de la négociation, afin de pouvoir avancer sur le reste en préalable. J’ai installé un groupe de travail technique avec le directeur de l’ADF et les directeurs de cabinets des ministres concernés. Et voilà que 34 départements de droite disent soudain ne plus vouloir entendre parler d’une quelconque recentralisation…

J’ai installé un groupe de travail technique avec le directeur de l’ADF [...] Et voilà que 34 départements de droite disent soudain ne plus vouloir entendre parler d’une quelconque recentralisation…"

Comment expliquer ces dissensions au sein des départements entre pro et anti-renationalisation ?

J.-M. Baylet : Dans ce dossier, on peut observer le positionnement essentiellement politique de certains départements qui, dans une année préélectorale, préfèrent chercher l’affrontement plutôt que la négociation…

A cela, s’ajoute le rapport de Christophe Sirugue sur les minima sociaux. Le Premier ministre a indiqué vouloir fusionner les minima sociaux et ouvrir le RSA aux jeunes. Je vais donc demander au président de l'ADF comment il voit les choses et s’il peut dégager une majorité sur ces sujets.

Pourquoi et comment l’Etat veut-il insister sur la mission d’insertion des départements ?

J.-M. Baylet : L’insertion devra être une réalité beaucoup plus affirmée, et constituer une partie intégrante de la responsabilité des départements sur le versement de ce RSA. A l’origine, le RMI instauré par Michel Rocard imposait 20 % du budget dédié à l’insertion. Puis, cela est tombé à 17 %. Aujourd’hui, cette part est de moins de 9 %.

En cas de renationalisation du financement, il faudra un ticket modérateur à la charge des départements pour que nous soyons bien sûrs qu’ils soient vigilants sur l’attribution des aides qui se fera avec l’argent de l’Etat ! En cela, les propositions de Christophe Sirugue de différencier RSA socle et RSA complémentaire, entre les personnes handicapées et les personnes âgées dépendantes qui n’ont pas vocation à revenir sur le marché du travail et les autres bénéficiaires de minima sociaux, sont intéressantes.

L’insertion devra être une réalité beaucoup plus affirmée et constituer une partie intégrante de la responsabilité des départements sur le versement de ce RSA.

Sur la décentralisation

Vingt-six ans après votre premier portefeuille ministériel dédié aux collectivités locales, l’idée d’approfondir la décentralisation ne semble plus avoir très bonne presse, tant auprès de la population que des élus. Qu'en pensez-vous ?

J.-M. Baylet : Il faut pourtant voir tout ce que la décentralisation a permis depuis plus de 30 ans : comment imaginer aujourd’hui que l’on revienne sur le rapprochement des politiques publiques, des services de proximité, des populations ?

Les élus, dans les moments de transition, ont l’habitude de renâcler devant les réformes, mais on ne reviendra pas en arrière ! En revanche, je suis le premier à dire qu’au point où nous en sommes, les communes et les autres collectivités ont besoin de stabilité institutionnelle. Il faut poser les choses et travailler à une application bien huilée des réformes. D’ici à la fin du mandat présidentiel, je ne proposerai donc pas de nouveau texte en la matière.

>> Retrouvez la première partie de cette interview avec Jean-Michel Baylet, consacrée  aux nouvelles mesures sur le service public en milieu rural et sur la carte intercommunale

Recevez vos newsletters gratuitement

FORMATIONS