« Les communes “carencées” ne sont pas seules responsables de la crise du logement en France ! »

Nathalie Da Cruz
« Les communes “carencées” ne sont pas seules responsables de la crise du logement en France ! »

Georges Cristiani, maire de Mimet, président de l'Union des maires des Bouches-du-Rhône

© Ville de Mimet

Georges Cristiani, maire de Mimet et président de l'Union des maires des Bouches-du-Rhône, ne décolère pas contre les quotas de logements sociaux imposés par les lois SRU et Duflot. En février dernier, il a créé le « Collectif des communes carencées et déficitaires de France », qui rassemble à ce jour 100 communes. Le collectif tiendra sa première réunion le 1er juin, à l’occasion du Salon des maires.

Courrierdesmaires.fr. Pourquoi avez-vous créé ce collectif ?

Georges Cristiani. J'ai constaté que nombre de mes collègues des Bouches-du-Rhône se trouvaient dans l' impossibilité de construire des logements sociaux pour atteindre les objectifs de la loi Solidarité et renouvellement urbains, révisée par la loi Duflot de 2013((L'article 55 de la loi SRU du 13 décembre 2000, imposant 20 % de logements sociaux, a été renforcé par la loi « Duflot » du 18 janvier 2013 relative au renforcement des obligations de production de logement social. Le taux de logements sociaux à atteindre d'ici à 2025 passe de 20 à 25 % pour les communes de plus de 3 500 habitants – 1 500 en Ile-de-France – rattachées à un EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants. Le taux de 20 % est maintenu dans les villes où le parc existant ne justifie pas d'efforts de production supplémentaire.)).

Dans les Bouches-du-Rhône, nous sommes passés de 14 villes déficitaires en 2003 à 42 aujourd'hui ! Preuve de l'inefficacité des lois SRU et Duflot...

Le collectif compte 100 communes adhérentes – soit près de la moitié des 221 communes « carencées » de France. Elles sont situées aussi bien en région parisienne qu'en Aquitaine, en Savoie, dans le Nord, le Vaucluse, le Languedoc, Rhône-Alpes...

Je précise que je suis maire sans étiquette. Au sein du collectif, il n'y a pas d'idéologie, nous ne sommes pas opposés au logement social, loin s'en faut.

Nous, maires, nous sentons dépossédés du mécanisme des attributions. Et pourtant c'est nous, les communes, qui devons payer les amendes SRU !

Quels obstacles les maires du collectif rencontrent-ils, qui les empêchent de construire des logements sociaux ?

G. C. Dans les Bouches-du-Rhône, nous manquons terriblement de foncier. Ou bien il est très cher. Cassis doit construire 550 logements sociaux, mais le foncier y est très cher ! C'est un problème que rencontrent les maires de toutes les communes touristiques.

De plus, des contentieux pour des raisons d'urbanisme retardent les choses. La topographie et la situation géographique jouent aussi.

Exemple : Mimet, 5 000 habitants, est située à 500 mètres d'altitude, à une vingtaine de kilomètres de Marseille. Il n'y a pas d'emploi, pas d'industrie depuis la fermeture de la mine de Gardanne en 2003...

La commune, qui compte 77 logements sociaux à ce jour, doit en construire 380 d'ici 2025. Mais je ne peux pas. De plus, ces logements seraient-ils occupés ? Je n'ai que 20 demandes de logement social. Il faudrait adapter les objectifs de production aux demandes et aux situations locales, plutôt que d'appliquer aveuglément un calcul mathématique de 20 ou 25%.

En 2014, j'ai voulu construire un programme de 15 logements sociaux. Mais au vu de la topographie et du coût des travaux à réaliser pour créer les routes, enterrer les réseaux d'assainissement dans la roche, le bailleur social pressenti a jeté l'éponge...

Quel est le montant de l'amende que vous devez acquitter ?

G. C. Mimet paie une amende au titre de la loi SRU depuis 2005, qui s'élève cette année à 160 000 euros. Au sein du collectif, un maire communiste se plaint de devoir continuer à payer une amende, suite au bilan triennal, alors qu'il construit actuellement des logements sociaux et est en voie de rattraper son retard...

Un autre problème a été soulevé par le collectif, c'est celui des attributions, qui dissuade certains maires. Il y a quelques années, j'ai fait un programme de 20 logements sociaux. Au total, deux logements ont été attribués à des habitants de Mimet. Le reste l'a été aux contingents de la préfecture, du département, d'Action logement...

Nous, maires, nous sentons dépossédés du mécanisme des attributions. Et pourtant c'est nous, les communes, qui devons payer les amendes SRU ! Certes, cela a fait venir de nouveaux habitants à Mimet. Mais il y a toujours 18 habitants de la ville qui attendent un logement social.

De plus, pour accueillir ces nouveaux habitants, j'ai dû créer de nouvelles classes, des parkings, ouvrir une crèche... Ce qui signifie des investissements importants qui ne profitent pas en priorité aux habitants de la commune.

Si on ne peut plus mutualiser les objectifs de production dans le programme local de l'habitat d'une intercommunalité, c'est un mauvais signal pour nous.

Que pensez-vous du projet de loi Egalité et Citoyenneté qui aménage les lois SRU et Duflot ?

G. C. Ce texte va renforcer les sanctions contre les mairies dites « récalcitrantes » ! Il ne va faire qu'aggraver la situation, en transférant au préfet les attributions des contingents municipaux des communes carencées.

Au-delà de l'amende, les préfets sont censés nous faire marcher à la baguette. Et si on ne peut plus mutualiser les objectifs de production dans le programme local de l'habitat d'une intercommunalité, c'est un mauvais signal pour nous((Article 29 du projet de loi Egalité et Citoyenneté. Ce texte va être débattu au Parlement en juin.)).

Que demande le collectif ?

G. C. Les communes carencées se sentent stigmatisées et taxées de manière punitive et injuste, alors que les dotations de l'Etat ont fortement baissé. Or, elles ne sont pas seules responsables de la crise du logement en France ! C’est un problème national. L'effort doit être supporté par les 36 000 communes de France.

Par ailleurs, nous demandons à ce que les situations et particularités locales soient examinées minutieusement.

Notre collectif((Pour joindre le collectif : mimet.mairie@wanadoo.fr.)) a déjà organisé plusieurs téléréunions. Notre première réunion, suivie d'un point presse, aura lieu le 1er juin au Salon des maires, en salle 150 à 12h45. J'espère que la ministre du Logement, qui n'a pas répondu à nos trois courriers, nous aura reçus d'ici là...

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