Les collectivités et la laïcité - La difficile interprétation de la loi de 1905

Bernard Poujade

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Deux arrêts de la CAA de Lyon, le 17 septembre 2010, adoptent une lecture très constructive de la loi du 9 décembre 1905 à propos des subventions aux congrégations.

Les circonstances des litiges

Un certain nombre de congrégations ont sollicité des régions et de l’Agence de l’environnement et la maîtrise de l’énergie (Ademe) des subventions pour la mise en place de dispositifs de chauffage écologiques. Certaines régions et l’Ademe ont refusé systématiquement d’allouer lesdites subventions au motif que les collectivités publiques ne sauraient subventionner des associations cultuelles.

Les tribunaux administratifs ont adopté des positions divergentes et en l’espèce le tribunal administratif de Dijon, par un jugement n° 0602768 en date du 9 décembre 2008, a rejeté la demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie sur une demande de subvention à fin de réalisation d’une étude de faisabilité en vue de l’installation d’une chaufferie-bois.

Le tribunal administratif de Lyon, dans un jugement n°0700136 en date du 26 mars 2009, a annulé la décision par laquelle l’Ademe a refusé d’allouer à une congrégation une subvention, en vue de la mise en place d’une chaudière automatique à bois déchiqueté.

Les thèses en présence

L’Ademe soutient qu’en vertu de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905, toute subvention publique est interdite aux associations ayant une activité cultuelle, ce qui est le cas des congrégations dont l’objet est purement cultuel, et qu’elles ne peuvent bénéficier des subventions sur le fondement des dispositions de l’article 13 de la loi de 1905 qui ne concerne que les édifices cultuels appartenant aux collectivités publiques.

Les congrégations soutiennent qu’elles relèvent de la loi de 1901 et non pas de la loi du 9 décembre 1905, que les dispositions de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 n’interdisent pas l’octroi des subventions sollicitées d’autant qu’elles permettent la réalisation d’actions d’intérêt général ; il faut tenir compte de l’objet des subventions et non des bénéficiaires.

Refuser ces aides consacrerait une discrimination illégale, inconstitutionnelle et inconventionnelle, fondée sur les convictions religieuses du bénéficiaire de l’aide.

La position de la cour administrative d’appel

Elle rappelle l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 :« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » et qu’aux termes de l’article 19 de la même loi : « Ces associations devront avoir exclusivement pour objet l’exercice d’un culte (...). Elles ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions, les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques»; de plus, le législateur a autorisé l’Ademe à accorder des aides ou subventions à toutes personnes physiques ou morales, y compris celles ayant des activités cultuelles, sans qu’y fassent obstacle les dispositions des articles 2 et 19 de la loi susvisée du 9 décembre 1905 prohibant le versement de subventions par des personnes publiques à des associations cultuelles.

Les subventions sollicitées ayant pour objet, l’une de financer la réalisation d’une chaudière automatique à bois déchiqueté destinée à chauffer ses bâtiments, l’autre de financer la réalisation d’une étude de faisabilité d’un projet d’installation d’une chaufferie-bois destinée à chauffer les bâtiments de l’abbaye, opérations visant à développer l’utilisation d’une source d’énergie renouvelable qui concourent à la satisfaction des objectifs assignés à l’agence par les dispositions susmentionnées, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie n’est donc pas fondée à refuser d’allouer ce type de subventions aux congrégations.

Commentaire

Faut-il abandonner le critère organique (personne qui reçoit) au profit du critère matériel (l’objet de la subvention) ? Trois arguments justifient le choix du critère organique : d’une part, en raison des difficultés de contrôle tant au plan interne (comptabilité de la personne morale) que sur le plan externe (possibilité juridique et pratique du contrôle par l’administration) ; d’autre part, parce qu’une subvention accordée à un projet détachable du culte permettrait néanmoins à un organisme cultuel de dégager des ressources pour le culte, et la puissance publique se trouverait ainsi en situation de financer un culte de manière indirecte ; enfin, parce que l’article 2 de la loi de 1905 a une portée générale quelle que soit la structure de la personne morale (cf. BJCL 6/09 p. 376).

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