© R. Ying et T. Morlier-Wikimédia
Si la plupart des maires de grandes villes et autres villes moyennes avaient décidé de passer leur tour aux législatives 2022 et y promouvoir leurs adjoints ou collaborateurs, d’autres édiles légèrement moins médiatiques ont su saisir leur chance pour faire leur entrée à l’Assemblée nationale. De Véronique Besse à Alexandre Vincendet en passant par Dominique Faure, David Taupiac ou Roger Vicot, ils sont 44 selon les derniers décomptes du Courrier des Maires à devoir abandonner leur écharpe d'élu local. Chercheront-ils à défendre des sujets leur tenant à cœur autour de l’aménagement du territoire, de la décentralisation ou des ruralités une fois assis sur les bancs du Palais-Bourbon ? Siègeront-ils à la délégation en charge des collectivités pour tenter de reconstruire des ponts entre le pouvoir national et les élus locaux ? Tout reste à écrire dans cette législature pour le moins incertaine.
[Actualisé au 22 juin] Alors que les élections législatives 2022 ont fait un perdant sûr – le camp présidentiel, pris en tenaille entre la Nupes et le RN –, sans désigner de vainqueurs haut-la-main, les maires candidats ont, eux aussi, connu des sorts diverses. Sans que les 44 élus locaux dont le nom est sorti en tête des urnes aient forcément l'esprit à la fête, eux non plus… Loi sur le non-cumul des mandats oblige, Karl Olive, David Valence ou Nicolas Sansu devront en effet rendre leurs tabliers de maires pour siéger au Palais-Bourbon, sans certitude absolue sur leurs capacités à contrôler correctement l’action du gouvernement ni peser sur la ligne de l’exécutif d’une part, ni même de garantie concernant la durée de ce CDD parlementaire qui pourrait bien être abrogé avant 2027, plus rapidement que prévu.
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La majorité présidentielle, les deux pieds bien cloués sur terre ?
N’ayant pas réussi à obtenir de majorité relative, et encore moins absolue avec seulement 245 sièges, Ensemble! va devoir s’atteler à nouer des compromis satisfaisants à minima avec LR, voire avec une partie de la gauche. Ses 14 maires habitués à des coalitions plus ou moins larges et au travail partenarial, dont un important contingent envoyé par les alliés Horizons et MoDem de LREM, lui seront sans doute utiles, en cela. Le maire (Renaissance) de Saint-Dié-des-Vosges, David Valence, siègera bien dans les rangs de la majorité présidentielle, en dépit de l'explosion du vote frontiste des communes périurbaines et rurales de sa circonscription. Ce sera également le cas du maire DVD de Poissy (Yvelines) et fidèle du chef de l’Etat, l’ex-journaliste Karl Olive, auquel Le Courrier des Maires avait récemment consacré un portrait contant ses ambitions nationales. Ou bien encore de Nicolas Pacquot, ingénieur automobile, premier magistrat d’Etouvans (Doubs) depuis 2014 et ancien vice-président de l’agglomération du pays de Montbéliard. Philippe Fait, le maire (Renaissance) d’Etaples, dans le Nord, fait lui aussi son entrée à l’Assemblée nationale.
A défaut de pouvoir compter sur une majorité solide lui obéissant au doigt et à l’œil, le président de la République disposera de députés à l’ancrage local certain pour affiner sa nouvelle méthode de prise de décision qu’il a annoncée plus collaborative et participative, avec Dominique Faure, Laurent Marcangeli ou Frédéric Valletoux. La première, maire de Saint-Orens-de-Gameville en Haute-Garonne et surtout vice-présidente de Toulouse Métropole, est une des rares membres de la majorité présidentielle en Haute-Garonne parvenue à se défaire de la Nupes. Le second, premier édile (Horizons) d’Ajaccio, retrouvera un siège qu’il a déjà occupé de 2012 à 2017 alors sous les couleurs de LR. Un autre proche d’Edouard Philippe, le maire de Fontainebleau Frédéric Valletoux, fin connaisseur des sujets liés à l’hôpital public, fera le nombre auprès de l’exécutif sur ce qui apparaît comme l’une des priorités de ce début de quinquennat, après avoir lui aussi remporté son duel contre un candidat de la Nupes.
Moins expérimenté car élu pour la première fois en 2020, le maire (Horizons) de Genillé (Indre-et-Loire) Henri Alfandari devrait lui aussi voter au moins en partie l'essentiel des projets de loi déposés par le gouvernement. L’édile (Horizons) de Verrières-en-Anjou, François Gernigon, ne devrait pas davantage faire faux-bond au ministre des collectivités Christophe Béchu, dont il est réputé être un proche.
Idem pour les composantes d’Ensemble! issues du MoDem – avec la victoire de l’arboriculteur-maire du Chenu (Sarthe) Eric Martineau, du maire de Civray Pascal Lecamp et de son homologue d’Hillion (Côtes-d’Armor) Mickaël Cosson – ainsi que du centre-gauche: le maire (Territoire de progrès) de Saint-Ouen (Loir-et-Cher), Christophe Marion, s’est, pour sa part, débarrassé d’une candidate RN après l’élimination au tour précédent du député UDI sortant pour venir gonfler les rangs d’une majorité présidentielle qui en aura bien besoin. Cela ne les exonèrera pas de nouer des alliances, de circonstances ou plus durables, avec le groupe Les Républicains lui-même divisé entre autonomistes et macron-compatibles, s'ils veulent gouverner efficacement.
Les Républicains divisés entre acteurs de compromis et force d’opposition
Dans les rangs de la droite traditionnelle, on retrouve aussi bien l’ancien candidat à la primaire et maire de la Garenne-Colombes, Philippe Juvin – militant de longue date d’un accord de gouvernement avec le chef de l’Etat sur le modèle allemand – que la première magistrate et présidente (DVD, ex-MPF) de la communauté de communes des Herbiers, Véronique Besse, a priori moins sensible aux arguties du gouvernement. Celle qui copréside la commission Santé de l’Association des maires de France retrouvera les bancs du Palais-Bourbon, qu’elle avait quitté en 2017 pour se consacrer à ses mandats locaux. L’exécutif ne devrait pas trouver non plus l’oreille d’Alexandre Vincendet, le maire LR de Rillieux-la-Pape, dans la banlieue est de Lyon, qui remettra également comme d'autres proches de Laurent Wauquiez sa démission pour aller siéger à l’Assemblée nationale.
Lire notre décryptage : "L’ancrage local, premier défi des députés de la prochaine législature"
D’autres élus LR de petites communes élargissent soudainement leurs territoires d’élection, comme Hubert Brigand, maire de Châtillon-sur-Seine depuis 1995, le maire de Rohrbach-les-Bitche (Moselle) et notaire de métier, Vincent Seitlinger, ou encore leur homologue de Feurs (Loire), Jean-Pierre Taite. Autres profils plus éclectiques : Isabelle Périgault, DGS, maire du Plessis-Feu-Aussoux et maire (LR) du Plessis-Feu-Aussoux et présidente de la communauté de communes du val Briard, Isabelle Périgault, s’est tout juste défait du RN. Francis Dubois, le maire DVD de Lapleau (Corrèze), technicien agricole au quotidien, a pour sa part remporté l’ancienne circonscription de François Hollande, détenue par Christophe Jerretie jusqu’à son élimination au premier tour. Tandis que, dans les Alpes-Maritimes, la guerre fratricide opposant Eric Ciotti à Christian Estrosi a été ravivée par la victoire de la maire (LR) de Rimplas – village sinistré après les inondations de l’automne 2020 –, Christelle d’Intorni, qui a largement remporté son duel face à la députée sortante Marine Brenier (Ensemble !, ex-LR).
Au moins huit maires parmi les 131 députés Nupes
La coalition de gauche (Nupes), qui avait envoyé un nombre impressionnant de collaborateurs parlementaires au front, sous l’égide notamment de LFI dont l’ancrage territorial demeure particulièrement faible, dispose néanmoins de quelques interlocuteurs ayant fait leurs armes dans les collectivités. Le maire communiste de Vierzon, Nicolas Sansu (Nupes), retrouve son poste de député du Cher qu’il avait perdu en 2017 grâce à sa victoire contre le Rassemblement national. Ce sera une découverte totale, au contraire, pour l’ouvrier dans l’aéronautique, maire (LFI) d’Aubin et 2ème vice-président de Decazeville communauté, Laurent Alexandre. Idem pour le maire PS de Lomme et président du Forum français pour la sécurité urbaine, Roger Vicot, qui a fait chuter l’ancien secrétaire d’Etat aux retraites, Laurent Pietraszweski.
Autres élus bien implantés venant grossir les rangs de la Nupes lors de la prochaine législature : le maire socialiste du Rheu (Ille-et-Vilaine), Mickaël Bouloux qui a résisté à l’ancien questeur de l’Assemblée nationale, Florian Bachelier, le maire du Prêcheur (Martinique) Marcellin Nadeau, ou encore Christian Baptiste, le maire de Sainte-Anne (Guadeloupe) qui a renvoyé dans les cordes la secrétaire d’Etat à la Mer, Justine Bénin (MoDem). A noter également les victoires surprises de Jean-Claude Raux, maire DVG-EELV de Saffré (Loire-Atlantique) ou, plus au nord, de Jean-Marc Tellier (Nupes), le maire PCF d’Avion (Pas-de-Calais) face au député sortant RN, Bruno Clavet.
D’autres élus de gauche font également leur entrée à l’Assemblée nationale, après avoir pris leurs distances avec la Nupes. C’est le cas de David Taupiac, maire de Saint-Clar et président du pays des Portes de Gascogne, de Bertrand Petit (Saint-Martin-Lez-Tatinghem) et Laurent Panifous (Le Fossat), ainsi que de Benjamin Saint-Huile. Le président (DVG, ex-PS) de l’agglomération de Maubeuge a su trouver les ressources pour dépasser le RN dans la dernière ligne droite.
De la mairie RN du Pontet à l’Assemblée nationale...
Le Rassemblement national, qui a signé une percée fracassante lors de ces législatives après avoir remporté plus de la moitié de ses duels contre Ensemble! comme face à la Nupes, va poursuivre sa structuration : le parti de Marine Le Pen décuple son nombre de députés et d’autant celui de collaborateurs parlementaires, qui auront tout le loisir de se professionnaliser dans les prochaines années pour préparer au mieux les prochaines échéances locales de 2026 et 2028... Parmi les quelques maires étiquetés à l’extrême-droite, le RN en envoie un au Palais-Bourbon en la personne du premier édile du Pontet, Joris Hebrard, qui avait ravi cette petite commune du Vaucluse en 2014 avant d’être conforté dans son fauteuil en mars 2020. A n’en pas douter, il faudra – aussi – compter avec eux à l’avenir…
Hommage aux élus tombés au combat
L’ancrage local, s’il s’avère bien utile pour la conquête électorale ainsi que pour le travail parlementaire tout au long de la mandature, ne fait pas tout ! Loin de là. Plusieurs élus locaux sont à nouveau tombés à l’occasion de la bataille du second tour. C’est le cas du président (Ensemble !) de Montfort communauté (Ille-et-Vilaine), Christophe Martins, face à une candidate Nupes. La jeune vice-présidente des Maires ruraux, la première magistrate (Ensemble !) de Châtel-en-Trièves Fanny Lacroix (dont Le Courrier des maires dressait récemment le portrait), a connu un sort semblable dans l’Isère face à l’ancienne présidente des élus de montagne (ANEM), Marie-Noëlle Battistel (Nupes). Autre configuration et résultat identique : le maire de Saint-Vallier et n°1 de la comm’com DromArdèche, Pierre Jouvet, a lourdement chuté face à une candidate LR.
Au premier tour, deux figures bien connues des maires gravitant dans la sphère des associations d’élus avaient déjà été éliminées : le maire (UDI) de Sceaux Philippe Laurent ou Cécile Gallien, l’édile (LREM) de Vorey (Haute-Loire). Ainsi qu’une foule d’autres non moins bien implantés dans leurs circonscriptions : la maire de Montbard (DVD) Laurence Porte, ses homologues de Château-Thierry (DVG) Sébastien Eugène et de Noyelles-sur-Escaut (UDI) Philippe Loyez, ainsi que le président (LR) de la communauté de communes du Val-de-Sarthe, Emmanuel Franco, s’étaient également inclinés le 12 juin dernier.