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© Conseil constitutionnel
Saisi par une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) émise par le Parti animaliste après le scrutin européen du 26 mai, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la loi fondamentale le mode de scrutin réservant l'accès au Parlement Européen aux listes recueillant a minima 5 % des suffrages exprimés.
Le parti animaliste, « surprise » du dernier scrutin européen avec près de 490 000 voix récoltées en France soit 2,16 % des suffrages exprimés, a-t-il été spolié en ne remportant aucun siège à Bruxelles malgré son demi-million d’électeurs ? C’est en somme ce que soutenait le nouveau venu de la scène politique française en déposant une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat, qui l’avait lui-même transmise au Conseil constitutionnel le 1er août dernier.
Objectif : briser un... seuil de verre
Objet du recours du parti animaliste : l’article 3 de la loi du 7 juillet 1977, dans sa rédaction issue de la loi du 25 juin 2018 relative à l'élection des représentants au Parlement européen, qui veut que « les sièges sont répartis entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne. » Un effet de seuil conditionnant la représentation française à Bruxelles que contestait le parti politique. D’abord, car « l'objectif de dégager une majorité stable et cohérente ne serait pas pertinent, dès lors que le nombre de députés européens élus en France ne permettrait pas, à lui seul, la formation d'une majorité au sein du Parlement européen ».
Mais aussi car ce seuil « aurait des conséquences disproportionnées, en ce qu'il empêcherait l'accès au Parlement européen de mouvements politiques importants et priverait un grand nombre d'électeurs de toute représentation au niveau européen ». Soit une méconnaissance des principes d'égalité devant le suffrage (le suffrage « est toujours universel, égal et secret » dispose l’article 3 de la Constitution) et de pluralisme des courants d'idées et d'opinions, selon le parti défenseur des conditions de vie animale. Car la loi fondamentale garantit également « les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation » (art. 4).
Raison donnée au parlementarisme rationalisé
Des griefs que repousse aujourd’hui le Conseil constitutionnel. D’abord parce que le « double objectif » du législateur, à travers ce seuil, était de « favoriser la représentation au Parlement européen des principaux courants d'idées et d'opinions exprimés en France et ainsi renforcer leur influence en son sein » et de « contribuer à l'émergence et à la consolidation de groupes politiques européens de dimension significative. Ce faisant, il a cherché à éviter une fragmentation de la représentation qui nuirait au bon fonctionnement du Parlement européen », estiment la Rue de Montpensier. Exécutif et Parlement étaient donc dans leur bon droit « à arrêter des modalités d'élection tendant à favoriser la constitution de majorités permettant au Parlement européen d'exercer ses pouvoirs législatifs, budgétaires et de contrôle ».
Pour autant, le législateur ne pouvait-il viser ces mêmes objectifs par d’autres moyens que l’instauration d’un seuil ? « L'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne lui appartient donc pas de rechercher si l'objectif que s'est assigné le législateur aurait pu être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif poursuivi », évacuent les Sages en déclarant conformé l’article incriminé.
Six listes sans siège malgré 1 % à 3,5 % des suffrages recueillis
Conséquence : toujours zéro siège à Bruxelles pour le parti animaliste, tout comme pour les cinq autres formations ou listes, d'« Ensemble pour le Frexit » à « Debout la France » en passant par « Urgence écologie », « les Européens » et « Générations.s », qui avaient obtenu entre 265 000 et 795 000 voix. Soit « seulement » entre 1,17 et 3,65 % des suffrages exprimés.