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La délégation sénatoriale aux collectivités examine ce 6 juin le rapport des sénateurs Bockel et Darnaud qui ambitionnent de réduire le poids des normes pesant sur le secteur public local en aval de leur production. Épousant le concept de "différenciation territoriale" promu par l'exécutif, la Haute chambre voudrait étendre le champ de dérogation aux normes relevant des décisions des préfets. Et surtout, envisage de confier aux collectivité le droit de déroger à des normes législatives ou réglementaires... sous réserve d'un accord du Palais du Luxembourg.
La lutte contre l'inflation noative est un sujet (ô combien) au long cours, voire un serpent de mer diront certains. Au point que pas un gouvernement ne l'a pas affiché commune priorité d'action depuis 20 ans. Dernier en date, le gouvernement Philippe n'est pas en reste avec la volonté du Premier ministre d'accélérer la réduction du stock de normes applicables aux collectivités. Une orientation réitérée à plusieurs reprises par le locataire de Matignon au point qu'il en faisait encore récemment un des enseignements du grand débat.
Un objectif que partage le Sénat, et plus particulièrement s'agissant des normes s'appliquant aux collectivités locales. Dans leur rapport examiné ce 6 juin par la délégation aux collectivités, les sénateurs Jean-Marie Bockel (UDI, Haut-Rhin), président de la délégation, et Mathieu Darnaud (LR, Ardèche) veulent d'abord amplifier ce que l'actuel gouvernement a timidement engagé avec l'instauration d'un certain nombre de domaines où le préfet est autorisé à déroger. C'était le sens du décret du 29 décembre 2017 expérimentant la conduite dans 2 régions et 20 départements et collectivités, pendant deux ans, jusqu’au 31 décembre 2019, la faculté donnée au préfet compétent de déroger à certaines dispositions réglementaires pour un motif d'intérêt général. Et ce dans sept domaines : subventions, aménagement du territoire et politique de la ville, environnement, logement et urbanisme, emploi et activité économique, patrimoine culturel et sport.
Elargir le champ de la dérogation
Non seulement la Haute assemblée souhaiterait supprimer cette liste limitative, citant les transports, la transition écologique et solidaire, la protection de la sécurité des populations ou encore l’organisation des administrations, comme des champs qui gagneraient à pouvoir faire l'objet de dérogations. Mais elle souhaiterait parallèlement écarter la condition de "circonstances locales" pour déroger. La notion est en effet jugée tout aussi imprécise que restrictive.
Par ailleurs, regrettant que le préfet de département soit "de plus en plus ignoré par les administrations parisiennes, qui ne s’adressent qu’aux préfets de région" (ces derniers ont ainsi la main sur la Dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL), les deux sénateurs suggèrent de donner au représentant de l'Etat dans le département le pouvoir de déroger aux textes relevant du préfet de région, voire même du ministre.
La différenciation vaut aussi pour les normes des collectivités
Mais, à l'heure où le chef de l'Etat lui-même a allègrement fait la promotion de la déconcentration, et en même temps, de la décentralisation, les sénateurs ne veulent pas réserver cette différenciation territoriale d'application des normes aux seules administrations locales d'Etat. La Haute chambre voudrait ainsi autoriser des dérogations à des normes législatives ou réglementaires sollicitées par les collectivités locales et relatives à leurs compétences.
Et pour « éviter des abus locaux qui, une fois installés, seraient difficiles à corriger", le Sénat s'érigerait en garant, puisque la chambre représentative des territoires serait obligatoirement consultée et amenée à donner un avis conforme pour l’octroi de capacités de différenciation à certaines collectivités, en particulier dans le cas de compétences intervenant dans des domaines de nature législative.
Former puis communiquer pour lutter au plus tôt contre le flux normatif
Enfin, qui dit lutte contre l'inflation normative dit lutte en amont contre les flux. Et ce dès la formation de ceux qui écriront demain les prochains règlement, décrets, arrêtés et autres documents normatifs. Raison pour laquelle le Sénat verrait d'un bon œil que l'Ena, l'Inet et les IRA se dotent de modules de formation sur la politique de lutte contre la prolifération des normes, à rebours de « formations à tonalité aujourd’hui principalement juridique" regrette le Palais du Luxembourg. Dans la même veine, des modules de formation sur le dispositif de dérogation seraient instaurés pour les personnels du réseau préfectoral et des services déconcentrés.
Quand aux élus locaux, il seraient associés, en tant que tels mais aussi via le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) et les délégations aux collectivités des deux chambres, à l'évaluation de ce dispositif. Mais aussi davantage informés sur son existence même, en assurant une communication régulière sur l'expérimentation en cours et ses résultats auprès des différentes associations départementales de maires.
Jean-Julien - 10/06/2019 09h:02
Ces propositions pourraient peut-être aller dans le bon sens mais elles présentent un grand écueil : aucun contre-pouvoir du citoyen ???
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