Le Sénat se porte au chevet de La Poste

Hugo Soutra
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JEAN-MARIE - 01/04/2021 17h:27

Il était tant qu'ils se réveillent. Ils seraient bien inspiré dans faire de même pour les marchés du gaz, de l'électricité, de l'eau, des communications et des transports (ferroviaires, routier et fluviaux). je reste toutefois perplexe afin que se ne soit pas l'accompagnement de compassion du moribond en vue de ne pas louper l'héritage.

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Le Sénat se porte au chevet de La Poste

laposte

© Flickr/takato-marui

Confrontée à la baisse continue de la distribution de courriers, La Poste vient de trouver un allié de poids pour se réinventer à court et moyen-terme, en la personne de la Commission des Affaires éco-nomiques du Sénat. Dans leur rapport se voulant « autant opérationnel que prospectif », les séna-teurs Chaize, Louault et Cardon appellent le gouvernement à garantir un financement pérenne des missions de service public opérées par l’entreprise. Et planchent sur différentes pistes, de la régulation du service rendu aux activités porteuses de demain susceptibles de répondre aux besoins de la société, qui permettraient à La Poste de retrouver l’équilibre et maintenir des standards de qualité.

La Poste va mal, mais La Poste n’est pas condamnée. Certes, le groupe au logo jaune vient d’annoncer un déficit du service universel postal d’1,3 milliard d’euros pour l’année 2020, après une année 2019 déjà délicate. Et doit faire face à des perspectives dégradées sur ses missions non-ouvertes à la concurrence, après la division par deux du nombre de plis distribués en dix ans par exemple…

Issus de trois groupes politiques différents, Patrick Chaize (LR), Patrice Louault (UC) et Rémi Cardon (PS) se sont accordés au sein de la commission des affaires économiques sur vingt-huit idées permettant selon eux de sauvegarder La Poste dans l’immédiat et préparer au mieux son avenir. Elles devraient servir de base à la rédaction d’une proposition de loi commune, ont-ils annoncé lors d’une conférence organisée mercredi 31 mars.

Compensation intégrale des missions de service public

Service universel postal, transport et distribution de journaux, accessibilité bancaire, et contribution à l’aménagement du territoire… L’Etat compense aujourd’hui trois des quatre missions de services publics assurées par l’oiseau postal. « Sous-compense en réalité, reprend Patrick Chaize : une vision pour le moins baroque prédomine en effet, jusqu’ici. En dépit des règles du six jours sur sept sur l’ensemble du territoire national à des tarifs préférentiels, l’argent gagné sur la distribution du courrier et des colis permettait à La Poste d’équilibrer grosso modo les trois autres activités déficitaires. Et exonérait l’Etat en quelque sorte d’avoir à mettre son nez dans les affaires de La Poste » décrit le sénateur (LR) de l’Ain, par ailleurs président de l’Observatoire national de la présence postale.

Sauf que ce modus operandi est voué à disparaître depuis que le service universel postal n’est plus excédentaire et ne permettait plus à Philippe Wahl et la Caisse des Dépôts – l’actionnaire principal de La Poste – d’éponger leurs pertes. Le sénateur de l’Ain milite donc pour une compensation intégrale du coût du service universel postal, et des missions de services publics opérées par La Poste pour le compte de l’Etat en général.

Eviter une diminution de la qualité de service

« A partir du moment où le politique impose des contraintes en termes de service minimum ou de présence territoriale minimale, La Poste qui est soumise à un nouveau paradigme financier est tout à fait légitime à réclamer des compensations. Sans quoi, ils pourraient faire le choix sinon d’optimiser leur outil industriel, autrement dit réduire la qualité du service rendu aux usagers. C’est une piste qui nous paraît inconcevable. A nous de trouver des solutions de compensation pour équilibrer le budget de La Poste, à travers une défiscalisation ainsi qu’un complément budgétaire octroyé dans le projet de loi de finances 2021 » annonce Patrick Chaize.

Qui dit augmentation du déficit de La Poste et hausse de la compensation publique dit aussi renforcement des contrôles et mesures régulières du niveau de satisfaction des usagers, précise néanmoins la Commission des affaires économiques. « Un tiers de confiance doit évaluer chaque mission de façon indépendante et individualisée, vérifier la qualité du service rendu mais aussi son prix de revient par rapport aux coûts théoriques » liste le sénateur centriste d’Indre-et-Loire, Pierre Louault. Pour faire advenir ce mode de régulation « plus normalisé » qu’il appelle de ses vœux, lui et ses homologues envisagent de faire appel à l’ARCEP et, pour cela, sécuriser son cadre d’intervention. Cette autorité indépendante pourrait se voir confier l’évaluation et le contrôle du service dans une prochaine proposition de loi…

L'ARCEP à la rescousse pour faire valoir les exigences du politique

« La Poste ne peut plus continuer à être juge et partie. Le politique ne peut plus l’évaluer en se reposant uniquement sur les données et chiffres que le groupe veut bien lui donner. Et ce d’autant plus qu’un sentiment de dégradation du service de La Poste s’est exprimé à l’occasion de la crise sanitaire. Dès lors que la puissance publique assume à nouveau son rôle et compense intégralement le coût du service universel postal, il va falloir se montrer aussi plus exigeant. Et cela vaut dans la distribution de la presse – un quotidien n’en est plus un lorsqu’on le reçoit deux jours plus tard – que la fréquence de distribution du courrier, la présence territoriale ainsi que la continuité du service bancaire à travers sa filiale de la Banque postale dans les quartiers prioritaires défavorisés comme les territoires ruraux » poursuit M. Louault.

Leur co-rapporteur Rémi Cardon, sénateur (PS) de la Somme, a pour sa part identifié de nouvelles missions publiques que pourrait utilement embrasser La Poste pour compenser l’effondrement structurel de l’envoi et de la distribution de courrier. « Pourquoi les facteurs ne détecteraient-ils pas la précarité numérique et les orienteraient vers les bons interlocuteurs, voire réaliseraient des actions d’inclusion numérique à domicile ? La réponse publique reste limitée à des tiers-lieux, alors que parmi les 13 millions de personnes ne maîtrisant pas les outils numériques aujourd’hui en France, un certain nombre n’est pas en mesure de se déplacer dans une maison France Services… »

La Poste, auxiliaire des démarches administratives

Autre perspective offerte à La Poste : la détection de la « galère administrative. » Alors que 60% des Français se disent incapables de réaliser leurs démarches administratives, l’élu de la Somme imagine également les facteurs informer et venir au secours des usagers. « La transition numérique des services publics, leur dématérialisation qui s’accélère et se poursuivra à marche forcée jusque mai 2022, c’est un axe auquel La Poste devrait réfléchir sérieusement. Enfin, les facteurs pourraient aider à détecter la perte d’autonomie des personnes âgées ou fragiles. Sans les transformer en infirmier ni en médecin, ils pourraient poser régulièrement des questions très simples et en rapporter au corps médical lorsque la situation le nécessite. »

« Ce que nous ne voulons pas, c’est que La Poste réduise son nombre de tournées dans les zones rurales ou les quartiers populaires, et isole un peu les habitants de ces territoires exprimant déjà un sentiment d’abandon. Il faut préserver la nature du lien social unissant les facteurs à la population française. A fortiori dans ces territoires où ils représentent bien souvent le dernier lien avec l’administration » synthétise Patrick Chaize, qui renvoie désormais la balle à l’exécutif : « le gouvernement est libre de ses choix et peut très bien laisser mourir La Poste. Mais ce serait suicidaire, alors que nous lui offrons la possibilité via une meilleure régulation d’accompagner La Poste sur l’amélioration de la qualité de service et la productivité. »

Signe du caractère transpartisan de ce rapport, son homologue PS appuie : « Compenser financièrement les missions de service public exercées par La Poste, ce n’est pas signer un chèque en blanc à Philippe Wahl. A ce geste, nous demandons de donner à l’ARCEP les moyens suffisants pour mieux contrôler La Poste et les incitons à se saisir de nouvelles missions d’avenir. »

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