Cantine de l'école
© J. Ber
La Constitution interdit toute discrimination dans l’accès des enfants à la cantine scolaire. Un principe repris par différents jugements administratifs, a justifié le 2 décembre la commission de l’éducation du Sénat pour repousser le texte garantissant le droit d’accès à la restauration scolaire. Pourtant, le manque de places dans les cantines pousse certaines communes à en refuser l’accès à plusieurs enfants, même sans volonté aucune de discrimination.
« Inopportun », « inopérant », « superfétatoire » : ce sont les termes utilisés par la commission de la culture et de l’éducation du Sénat pour repousser la proposition de loi visant à garantir le droit d’accès à la restauration scolaire, adoptée par les députés le 12 mars.
Pour justifier leur rejet du texte disposant que « l’inscription à la cantine, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés » sans possibilité « d’ aucune discrimination selon la situation de leur famille », les deux rapporteurs Jean-Claude Carle (LR, Haute-Savoie) et Françoise Laborde (RDSE, Haute Garonne) observent tout simplement que ce droit est de facto inscrit dans la loi, et même dans la loi fondamentale : « Le service public facultatif de la restauration scolaire, lorsqu’il existe, est d’ores et déjà soumis à l’interdiction des discriminations ainsi qu’au principe d’égal accès des usagers, qui découle du principe constitutionnel d’égalité devant la loi ».
Et de relever « que les manquements à ces exigences sont systématiquement sanctionnés par le juge administratif et que les moyens d’une sanction rapide existent, par le biais notamment du référé suspension ou du déféré préfectoral ».
Absence de garantie financière
Pourtant, malgré cet argument juridique, la commission de l’éducation de la Haute chambre semble vouloir se justifier sur le fond du texte : « La création d’un droit général d’accès à la restauration scolaire, qui ne s’appliquerait pas de manière égale sur le territoire, méconnait les réalités de l’organisation de ce service public », déclare-t-elle. Le texte de la proposition de loi du député Roger-Gérard Schwartzenberg précise toutefois que l'inscription à la cantine des écoles primaires est un droit uniquement « lorsque ce service existe » déjà.
Signe que l’adoption du texte pourrait amener des services de cantine à accepter des enfants qui hier n’y avaient pas accès, le coût financier d’une telle mesure a été largement évoqué pour justifier son rejet, la commission évoquant les « contraintes en matière immobilière » et « l’absence de garantie d’une compensation financière réelle et sérieuse».
« De nombreux sénateurs ont souligné qu’il n’était pas envisageable, dans le contexte actuel, d’imposer une charge nouvelle aux communes, dont les budgets sont grevés par la baisse des dotations de l’Etat et les dépenses nouvelles, liées notamment à la mise en œuvre des nouveaux rythmes scolaires », rend compte la commission.
Une circulaire pour prévenir les discriminations
Conséquence : tout en repoussant le texte jugé superfétatoire, la commission admet dans un second temps que l’absence de discriminations dans l’accès à la cantine des enfants n’est à ce jour pas garanti et juge « qu’une circulaire adressée aux préfets serait sans doute plus efficace pour faire appliquer la loi que de réaffirmer des principes qui s’y trouvent déjà ».
Pourquoi cette apparente contradiction ? Les sénateurs estiment que le droit interdit déjà à des communes de refuser l’accès des enfants à la restauration scolaire pour motif que les deux parents ou l’un des deux est sans emploi, et donc théoriquement disponible pour prendre en charge la restauration de l’enfant le midi. Une différenciation entre enfants constituant effectivement une discrimination manifeste pointée du doigt par le député Roger-Gérard Schwartzenberg, et tombant sous le coup de la loi.
L’obligation de moyens fait défaut
Mais, ce faisant, les parlementaires de la Haute chambre évacuent la problématique du non-accès, dans les faits, de certains enfants à la cantine pour des motifs autres. Le manque de places amène ainsi souvent des communes à restreindre l’accès, selon d’autres règles ne visant pas telle ou telle famille, mais en repoussant tout simplement les demandes lorsqu’elles sont supérieures aux places disponibles.
C’est d’ailleurs pour prendre en compte ce deuxième volet du problème de l’accès aux cantines que le texte de Roger-Gérard Schwartzenberg veut imposer une obligation de résultats… pour mieux imposer aux communes une obligation de moyens et « d’agir concrètement pour faire face à une demande croissante », développait-il dans son exposé des motifs.
Appel à l’AMF et au Défenseur des droits
Face à cette problématique, la commission en appelle d’ailleurs à une reprise « des travaux menés entre 2011 et 2013 par l’Association des maires de France, les services de l’Etat et le Défenseur des droits en vue d’établir un règlement-type des cantines scolaires ».
Les sénateurs débattront du texte en séance publique le 9 décembre.