Alors que le Premier ministre veut diminuer de moitié le nombre de régions, Jacques Auxiette craint un scénario de redécoupage où « sa » région serait morcelée pour rejoindre, d’un côté, la région Centre, et de l’autre, la Bretagne. Quitte remodeler la carte des régions, le président de l’exécutif ligérien préfère encore une fusion où Bretagne et Pays de la Loire ne feraient qu’un.
[caption id="attachment_15316" align="alignleft" width="380"] Jacques Auxiette, président de la région Pays de la Loire.[/caption]
Donner un gage d’ouverture pour montrer sa bonne volonté… tout en annonçant une condition non négociable : telle est la stratégie suivie par le président des Pays de la Loire pour sauvegarder l’unité de la région dans ses frontières actuelles, à l’heure où le Premier ministre appelle à diviser par deux le nombre de ces régions. « Le Premier ministre a lancé un débat : celui de la réduction du nombre des régions. Nous y prendrons part. Mais, nous posons un préalable : ne pas casser une dynamique qui marche, dont nous sommes acteurs, et dont nous sommes fiers. Nous participerons au débat dans l’unité des Pays de la Loire », prévient Jacques Auxiette dans un communiqué du 14 avril. Et d'annoncer la convocation le 13 mai prochain d’une session extraordinaire du conseil régional dédiée au sujet.
Car s’il est un scénario, souvent évoqué, que réprouve particulièrement l’élu, c’est celui d’une région Pays de la Loire amputée de l’un de ses cinq départements, en l’occurrence la Loire-Atlantique, qui rejoindrait alors la Bretagne. Et ce quand bien même naîtrait une « super-région » parfois appelée « Val-de-Loire » alliant les Pays de la Loire à la région Centre, à l’est.
La tentation du Grand ouest
« Il ne saurait être question d’imposer une carte depuis Paris. Nos régions ne sont pas destinées à une vente à la découpe », assène Jacques Auxiette, pour qui sa région « est un territoire qui marche, un territoire de projets concrets pour les acteurs économiques, sociaux, universitaires... C'est une région dynamique, où les gens sont habitués à travailler ensemble, avec le taux de chômage le plus bas de France », etc. « C’est l’unité des Pays de la Loire qui est aujourd’hui en jeu », clame-t-il solennellement.
Et si Matignon devait mettre à exécution sa « menace » d’un projet de loi de redécoupage en cas d’échec des fusions volontaires des régions entre elles, c’est bien vers l’ouest que lorgne Jacques Auxiette. « Si l’hypothèse d’une fusion avec la Bretagne dans une grande région Ouest présente des avantages en termes de cohérence territoriale, de puissance économique et démographique, d’infrastructures, de coopérations universitaires, ce n’est pas la seule solution existante »… feint d’envisager ce défenseur d’une région Grand ouest dont le futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes, dont il est l’un des plus fervents partisans, serait, par exemple, le « hub » régional.
Coopérer sans fusionner
« Nous ne sommes pas fermés aux changements, nous sommes ouverts à des coopérations encore plus fortes et pourquoi pas, un jour, à une fusion », précise le président de région. Ce faisant, ce dernier suit une stratégie déjà mise en œuvre par l’ARF, qui privilégie la coopération interrégionale aux redécoupages. Un mot d’ordre privilégié par plusieurs « couples régionaux » qui, lorsque le Premier ministre ou le chef de l’Etat prononcent le mot « fusions », semblent entendre « mutualisations », à l’image de la Franche-Comté et de la Bourgogne.
Président de la région Bretagne, Pierre Massiot est sur une ligne similaire : d’abord mettre en avant les efforts de mutualisation en cours : « Dans de nombreux domaines, nous avons su bâtir des projets communs avec les autres collectivités, et nous avons surtout installé des modes de fonctionnement qui ont fait leurs preuves, a-t-il régi le 9 avril au discours de Manuel Valls. Au sein du B16, nous avons fait fi de nos niveaux de collectivités pour trouver des accords au nom de l’intérêt commun, celui de la Bretagne ».
Le département pense d’abord à sa propre survie…
Des coopérations sans fusion donc. Et encore, internes au périmètre breton puisque le B16 n'est constitué que de collectivités (départements et agglomérations) bretonnes. Toutefois, si redécoupage il devait y avoir, la Bretagne privilégierait, elle aussi, une alliance avec la région ligérienne : « Concernant le nombre de régions, là aussi, dès 2004, nous avons exprimé notre position. Nous sommes favorables à une région Bretagne intégrant la Loire-Atlantique ». On notera tout de même que dans la bouche du président de l’exécutif breton, il s’agit plus d’une absorption que d’une fusion d’égal à égal…
Quant au département qui suscite les convoitises, celui-ci est moins préoccupé par son rattachement éventuel à une nouvelle région que par l’autre volet du discours de réforme territoriale de Manuel Valls. Et pour cause puisqu’il s’agit de la suppression pure et simple, à terme, des départements. Le président du conseil général de Loire-Atlantique préfère ainsi porter le fer contre l’Etat, le « grand absent » du débat sur la réforme des institutions. « Faisons les choses dans l’ordre. Oui à un débat sur l’organisation territoriale. Mais il ne servira à rien si l’Etat ne se recentre pas, d’abord, sur ses fonctions régaliennes aujourd’hui déficientes », affirme Philippe Grosvalet dans sa réaction du 9 avril.
Le syndrome Nimby des grands élus locaux
Fusion des deux régions de l’ouest, découpe des Pays de la Loire, rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne… Autant de pistes qui avaient suscité en janvier l’opposition globale et marquée d’un ancien « baron local » du Grand ouest, un élu appelé ensuite à de plus hautes responsabilités au niveau national, et notamment celle de mener à bien une réforme modernisation territoriale. Ce syndrome bien connu du « Simplifiez, mais pas chez moi », variante administrative française du fameux « Nimby »((« Not in my backyard », que l’on peut traduire par « Pas dans mon jardin », où la faculté de préconiser un principe d’intérêt général que l’on ne souhaite pas appliquer à son propre niveau, local)), avait alors atteint l’ancien maire de Nantes et, encore Premier ministre pour deux mois, Jean-Marc Ayrault.
barreau - 15/04/2014 11h:58
Monsieur Auxiette, je suis angevin. Je ne souhaite me retrouver un jour dans une région que vous dénommez pudiquement Ouest et qui aux yeux de tous sera ni plus ni moins qu’une grande région Bretagne. Ma région, c’est la douceur de vivre, les ciels de Loire, des jardins extraordinaires, des châteaux, un art de vivre, des fouées et du vin ; je ne veux pas être acculturé au profit du biniou et de la galette… Les réalités historiques et culturelles sont là et quitte à ce que les Pays-de-la-Loire soient démantelés et combien même vous deviez y perdre votre fauteuil, il vous faudra admettre que si la Loire Atlantique peut avoir sa place en Bretagne, ce n’est aucunement le cas du Maine et Loire. Les coopérations économiques et administratives sont le fruit de choix politiques et n’ont rien de naturel.Il n’est finalement pas mieux que le choix se fasse à Nantes plutôt que Paris : en effet, si à Paris, on peut méconnaître éventuellement les spécificités locales, à Nantes, on ne vise que de ne pas perdre la main mise sur une région taillée à l’époque sur mesure pour les ambitions de cette ville !
Répondre au commentaire | Signaler un abus