Péage
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L'avenir nous réserve-t-il une tarification à l’usage des mobilités ? La question était posée le 12 décembre lors d'un colloque au Sénat. Parmi les intervenants, Jean Coldefy, directeur du programme Mobilité 3.0 à l’association ATEC-ITS France - qui regroupe 330 collectivités, services de l’Etat, laboratoires de recherche et entreprises - a plaidé en faveur de la mise en place de péages urbains, comme une mesure efficace et juste socialement. Un sujet très sensible à l’heure où les Gilets jaunes font entendre leurs voix pour réclamer le droit de « gagner leur vie en travaillant ».
« Le sujet, c’est la voiture en périphérie des grandes aires urbaines - pas à la campagne où elle est une solution - et la question est : comment permettre aux habitants des périphéries d’aller travailler sans leur voiture pour réduire la congestion et donc la pollution qui tue dans les villes ? ». D’emblée, Jean Coldefy, expert sur les questions de mobilités, a posé le débat lors du colloque sénatorial sur les mobilités organisé par la délégation à la prospective.
Et pour cet ancien responsable adjoint du service mobilité urbaine à la Métropole de Lyon plusieurs constats s’imposent. Le premier est que les Français ne payent pas les transports en commun à leur coût réel. « En 1975, les usagers finançaient 70% des coûts des transports, aujourd’hui, on est tombé à 25%, détaille Jean Coldefy, les Français ont l’impression que les transports sont chers, mais c’est faux ! » Une chute de la participation des usagers que l’expert impute principalement à la « forfaitisation mensuelle » des titres : « ce dispositif de facilitation a ruiné l’économie des transports en commun ».
L’usage de la voiture va augmenter
Et le corollaire a été le transfert des charges vers les entreprises avec la participation employeur. « Ce système est infantilisant car les usagers ne payent pas le service au coût réel. Quant aux entreprises, elles voient cette participation comme une taxe supplémentaire dont elles s’acquittent, sans se soucier réellement de savoir comment leurs salariés viennent au travail », pointe Jean Coldefy. Un système à bout de souffle… d’autant plus que l’usage de la voiture devrait encore augmenter ces prochaines années.
« Le coût du litre d’essence ramené à l’heure de SMIC a été divisé par 5 en 50 ans, idem pour le coût d’achat de la voiture. Avec l’arrivée massive des petites voitures hybrides rechargeables d’ici 2 ans, le coût de l’usage de la voiture va être divisé par deux pour se rapprocher très fortement de celui des transports en commun, participation employeur comprise. Alors, c’est simple : l’usage de la voiture va augmenter » poursuit l’expert qui pose donc cette question : « que fait-on maintenant pour relier les périphéries aux aires urbaines et inciter les gens à lâcher leurs voiture ? »
Mode d’emploi d’un péage urbain « équitable »
Par peur de la réaction des Gilets jaunes, la possibilité offerte aux grandes villes de créer des péages urbains a été retirée in extremis de la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) ces dernières semaines, ce qui fait enrager Jean Coldefy, qui y voit au contraire une mesure efficace et juste socialement, notamment si les choses sont faites dans l’ordre.
[caption id="attachment_79131" align="alignright" width="300"] Jean Coldefy, directeur du programme mobilités 3.0 à l'association ATEC-ITS France[/caption]
En termes de communication, l’expert insiste sur la nécessité de parler des « péages » en termes de « projet pour un territoire » : « Je vous permets d’aller travailler plus facilement et moins cher, le péage urbain est un moyen pour, nous collectivité, de financer les infrastructures nécessaires. Rien ne vous obligera à utiliser la nouvelle offre mais si vous ne le faites pas, vous paierez un peu chaque jour ». Pour l’expert, le montant idoine se situe autour de 1 euro par passage, limité à 12 euros par jour. Le péage ne devant fonctionner que les jours ouvrés, en excluant donc les week-ends et les vacances scolaires. Par ailleurs, ce dernier propose également d’exonérer les plus faibles revenus pour opérer un transfert du coût vers les classes les plus « fortunées ».
Quant aux moyens, Jean Coldefy, les définit sur 4 axes :
- Mise en place de ligne de cars express « en masse » (toutes les 3 min) et d’une offre de TER renforcée ;
- Création de parc-relai « en masse » en périphérie, de voies réservées sur les voies d’accès à la ville-centre, mais aussi de pistes cyclables avec une gestion du trafic ;
- Proposer un accès simplifié (via le numérique) à l’ensemble des offres pour que « le même badge ouvre la barrière du parc-relai, permette de monter dans le bus et permette de finir le trajet en tram ou en vélo » ;
- Mettre en place un financement soutenable et équitable avec une tarification fléchée et incitative.
Plaidoyer pour un fléchage clair des recettes
Selon l’ancien cadre de la métropole de Lyon, c’est la simultanéité du déploiement de la nouvelle offre qui assurera l’acceptation, par les usagers, du péage urbain. Mais aussi le « fléchage » clair des recettes apportées par le péage en faveur des services des offres alternatives à la voiture.
Et de citer en exemple les villes de Milan, Goteborg, Oslo qui ont vu leur trafic baisser de « 30% d’un coup ». « Il y a plusieurs manières de faire du péage urbain, et si celle de Londres est effectivement très élitiste, d’autres solutions plus justes fonctionnent très bien aujourd’hui… Et ces villes ne sont jamais revenues en arrière. »