Le maire peut-il interdire une manifestation religieuse dans l’espace public ?

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monique - 08/10/2014 08h:52

Un maire peut-il interdire toutes expressions politiques ou religieuses à l'intérieur du périmètre du marché d'approvisionnement (plein air) hebdomadaire??? Sur quels textes juridiques peut-on s'appuyer pour appliquer ces interdictions? merci

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roberto - 29/01/2019 19h:50

J'espère que oui. Les religions doivent disparaître.

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Il n’existe pas de réglementation spécifique aux manifestations religieuses dans l’espace public. Lorsque qu'il use de ses pouvoirs de police, le maire doit tenir compte des libertés de religion, de réunion et de manifester.

Philippe Nugue, avocat spécialiste en droit public, cabinet Adamas, vous répond.

Malgré de nombreux textes, dont la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, et de nombreuses exceptions (Alsace-Moselle, Mayotte, Guyane…), il n’existe pas de réglementation spécifique aux manifestations religieuses dans l’espace public. Un maire use de ses pouvoirs de police désormais codifiés au Code de la sécurité intérieure (CSI). Pour ce faire, il doit prendre en compte les libertés de religion, de réunion et de manifester.

Se réunir - En matière de réunion, la liberté est la règle, la restriction l’exception, alors même que la loi du 30 juin 1881 interdit formellement les réunions sur la voie publique (art. 6).

Manifester - La liberté de manifester est, elle, encadrée par les articles L.211-1 et suivants du CSI. De longue date, la liberté de religion doit être conciliée avec les impératifs liés à l’ordre public. Cela vaut pour les manifestations religieuses sur la voie publique (CE, 19 fév. 1909, abbé Olivier, 27355, publié au Lebon ; 1er mai 1914, abbé Didier, Rec. 515).

Menace pour l'ordre public ? - Mais une interdiction, quelle que soit la liberté en cause, ne peut être prononcée que lorsqu’il est impossible au maire d’assurer le maintien de l’ordre public par d’autres moyens.

Le juge apprécie la proportionnalité de l’interdiction par rapport aux nécessités de l’ordre public et ne va admettre sa légalité que lorsque le maintien de l’ordre public présente des difficultés pratiquement insurmontables, ce qui est rarement retenu.

Le CSI rappelle que les manifestations sur la voie publique peuvent être organisées librement, à la condition d’avoir été préalablement déclarées auprès du maire ou du préfet en cas de police d’Etat, entre 3 et 15 jours avant la date prévue, en mentionnant l’objet, le lieu et l’itinéraire de la manifestation.

L'exception des sorties "conformes aux usages locaux" - Les textes permettent de moduler l’intensité du contrôle en dispensant de déclaration les « sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux ».

Historiquement, cette exception vise au premier chef les processions religieuses, et la jurisprudence admet comme « conforme aux usages locaux », l’organisation d’une procession qui avait été interrompue pendant 77 ans (CE, 11 fév. 1927, Abbé Veyras : Rec. CE 1927, p. 176 ; CE, 3 déc. 1954, Rastouil : Rec. CE 1954, p. 639).

L’article L.211-4 du CSI rappelle que si le maire estime que la manifestation projetée est de nature à troubler l’ordre public, il l’interdit par un arrêté qu’il notifie immédiatement aux signataires de la déclaration et transmet dans les 24 heures au préfet. Si le maire n’a pas prononcé d’interdiction, le préfet peut y pourvoir dans les conditions prévues à l’article L.2215-1 du CGCT.

La loi et la jurisprudence laissent donc au maire la possibilité d’interdire la manifestation s’il estime que son déroulement risque de porter atteinte à l’ordre public, même par exemple si elle risque de provoquer des troubles dans les communes limitrophes (CE, 23 juill. 1947, Guiller : Rec. CE 1947, p. 293).

L’interdiction peut être limitée, ne portant par exemple que sur certaines voies publiques de la commune dans le but de faciliter la circulation (CE, 21 janv. 1966, n° 61692, Legastelois : Rec. CE 1966, p. 45).

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