Le lien singulier entre un maire et sa ville ne date pas d'aujourd'hui. Que serait Lyon sans Edouard Herriot ? C'est précisément le centenaire de son élection, en 2005, qui a donné l'impulsion d'un vaste ouvrage qui, en réunissant 26 auteurs, explore l'affirmation du pouvoir municipal, essentiellement durant le XXe siècle.
Les portraits de Herriot, Lecanuet, Chirac ou encore Diligent, montrent non seulement de fortes personnalités, mais aussi leur inscription dans un processus d'affirmation du pouvoir local. Spécificité française : ce pouvoir est incarné par une personne, non par un collège élu. Comme le souligne l'ouvrage, cette "présidentialisation du pouvoir municipal", caractéristique de notre période, prend sa source un siècle plus tôt. L'ouvrage étudie méthodiquement cette évolution. La première partie, sur l'ancrage politique du maire dans la ville montre que la symbiose repose sur une capacité à faire corps avec une culture, une sensibilité locale. Aussi personnalisé soit-il, le pouvoir du maire n'est pas absolu, ainsi que le montre la deuxième partie du livre. Le national conserve un poids considérable, la technicité croissante de la charge implique de s'appuyer sur des collaborateurs, de se confronter aux associations et d'inventer l'intercommunalité.
La banlieue, terreau de l'interco
La banlieue parisienne, loin d'être ce bastion de résistance à l'intercommunalité en a été l'un des terreaux, montre l'analyse d'Emmanuel Bellanger. En 1909, avec la fondation de l'Union amicale des maires de la Seine (UMS), débute l'institutionnalisation des maires de banlieue. Leur objectif, au-delà des clivages politiques : mieux faire prendre en compte les besoins des populations suburbaines. Entre 1903 et 1939, 12 syndicats intercommunaux sont fondés. Celui du gaz l'est en 1903, celui des pompes funèbres en 1905. En 1907 apparaît une ébauche d'intercommunalité de l'eau. Le premier hôpital intercommunal ouvre à Créteil en 1934 et en 1937 est lancé un syndicat intercommunal pour le personnel communal.
La troisième partie dépeint des profils de maires : visionnaire, bâtisseur, gestionnaire... Leurs actions apportent une contribution décisive aux politiques de santé publique, culturelles, sportives, etc. Les engagements politiques et idéologiques ne sont pas étrangers aux priorités de l'action des différents élus. La préoccupation sociale de Herriot explique son investissement dans les politiques de santé, d'éducation ou du sport.
Les temps de crise mettent à l'épreuve l'action et la personnalité des maires, ainsi que le montre la quatrième partie de l'ouvrage. Révolution de 48, occupation ou crise économique , autant de défis pour maintenir l'ordre et la cohésion.
Héritages et ruptures
Comment les maires créent-ils leur image et célèbrent-ils leurs prédécesseurs ? Ils réfléchissent au sens de leur mission, l'inscrivent dans les pas de leurs grands prédécesseurs, mais créent des ruptures si nécessaires. Les bilans de mandat sont le moment de célébrer le lien entre un maire sa ville. Les hommages et célébrations des grands maires disparus confrontent le souvenir à l'épreuve du temps. Combien de noms de maires figurant sur des plaques de rue évoquent-ils encore quelque chose pour les habitants, demande Jacqueline Lalouette.