"Le maintien des services publics ne relève pas de la simple rhétorique politicienne"

Hugo Soutra

Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse, accueille le congrès de Villes de France

© D. Gillet

A moins de cinquante jours du premier tour, la campagne présidentielle bat son plein. Le Courrier des maires donne la parole à Jean-François Debat, maire (PS) de Bourg-en-Bresse et vice-président de l'association d'élus "Villes de France", qui était responsable de campagne de François Hollande sur les sujets de décentralisation et de collectivités en 2012.

Qu’attend concrètement « Villes de France » des candidats à l’élection présidentielle ?

Tous ou presque annoncent des économies sur les dépenses publiques. Nous attendons donc un « contrat de mandature », un pacte comme celui proposé par l’AMF ou ne serait-ce qu’une conférence territoriale en début de mandat afin de savoir précisément ce qu’ils prévoient en matière de dotations de l’Etat aux collectivités et de péréquation. Les collectivités ont besoin de davantage de visibilité financière.

Il est important également de mieux associer les élus, en tant qu’employeurs, aux négociations syndicales : nous ne pouvons plus apprendre par la presse que le ou la ministre a négocié, dans notre dos, une revalorisation du point d’indice, à l’instar de ce qui s’est passé récemment avec les ATSEM.

Après un quinquennat pro-métropoles qui aura vu le « fait urbain » pleinement reconnu, faut-il conforter ce mouvement encore fragile ou bien, au contraire, rééquilibrer sans attendre les actions de l’Etat en faveur des villes moyennes et des petites villes ?

La loi MAPTAM, qui acte la naissance des métropoles, fausse le bilan du quinquennat. Il serait caricatural d’affirmer que cette attention portée par l’Etat aux grandes villes s’est faite au détriment des territoires périurbains et ruraux. Les contrats de plan Etat-régions n’ont pas bénéficié qu’aux métropoles, loin de là, et la réforme de l’intercommunalité permet justement de préparer plus sereinement l’avenir des communes notamment rurales.

Cela dit, il est temps désormais de reconnaître, aussi, le rôle stratégique joué par les petites et moyennes villes auprès de leurs habitants ainsi que de ceux des communes alentours. En tant que maillon faisant lien avec les ruralités, les territoires urbains non métropolitains doivent devenir des interlocuteurs à part entière des grandes villes, des régions et de l’Etat, pour élaborer conjointement les politiques publiques de l’enseignement supérieur, de la recherche, de développement économique et de l’innovation ou des transports.

Faites-vous vôtre la proposition des petites villes (APVF) de créer un « 1% métropole » qui serait taxé auprès des grandes villes et affectés aux villes moyennes et aux centre-bourgs ?

Je regrette que l’opposition entre urbain et rural soit si schématique dans le débat politique. Bien entendu, il existe des territoires ruraux pauvres, dans l’Ardèche ou la Creuse par exemple, qui ont urgemment besoin de plus de péréquation.

Mais, inversement, certaines banlieues périurbaines accueillent une population plus riche que la moyenne de leur agglomération et notamment du centre-ville. Elles bénéficient ainsi d’infrastructures, d’équipements, de services publics payés par les impôts locaux des urbains de la seule ville-centre.

Comment expliquez-vous que le discours sur la nécessaire lutte contre les inégalités territoriales soit presque devenu l’apanage des extrêmes ?

Il y a des sujets qui relèvent de la rhétorique politicienne, comme la soi-disant opposition entre urbain et rural, et d’autres de véritables préoccupations de fond : la présence de services publics en tout lieu de la République, à la campagne comme dans les quartiers populaires. L’absence de vision globale et la rationalisation à petites touches, avec par exemple la fermeture d’hôpitaux de proximité pour conforter certains centres hospitaliers fragiles, a pu susciter un sentiment d’abandon qu’ont parfaitement su exploiter l’extrême-gauche comme l’extrême-droite.

C’est dommage, car nombre de solutions de réorganisation ou de substitution – je pense notamment aux Maisons de service au public – semblent compréhensibles par un large pan de la population. De telles évolutions, si elles ne sont pas faites subrepticement mais discutées, sont largement acceptables compte tenu des évolutions démographiques, des modes de vie, de consommation et alors que de plus en plus de citoyens se plaignent du niveau d’imposition.

Peut-être, mais le creusement des fractures numérique et sanitaire n’est pas qu’un ressenti qui s’expliquerait par une mauvaise pédagogie. Il est bien réel…

L’accès aux soins de proximité se fait de plus en plus compliqué du fait de l’absence grandissante de médecins généralistes. En ville comme en campagne. Ni la droite ni la gauche au pouvoir depuis quinze ans ne l’ont vu venir : ils portent une responsabilité évidente. C'est vrai. Mais l’urgent n’est pas tant de faire leur procès pour la multiplication des déserts médicaux, mais de comment y remédier et ainsi poser la question de la suppression du numerus clausus.

Concernant le Très Haut Débit, les opérateurs privés équipent les zones rentables et la puissance publique, par solidarité, s’occupe des autres territoires. Je regrette que le gouvernement n’ait pas remis en cause ce partage des tâches pour le moins inégal. Le numérique pose la question de l’égalité des territoires : celui qui habite au fin fond de l’Ariège en a autant besoin qu’un Lyonnais, pas seulement pour ses loisirs mais pour le travail. Par contre, je ne pense pas nécessaire de « fibrer » jusqu’au dernier kilomètre, des points-relais pourraient utilement être mis en place.

Recevez vos newsletters gratuitement

FORMATIONS