Dans les couloirs de Bruxelles, l’efficacité du lobbying du Land de Saxe-Anhalt, en ex-Allemagne de l’Est, se raconte avec admiration. Au point que son exemple est enseigné dans les écoles.
Lorsqu’en 2000 le débat sur la future politique de cohésion pour la période 2007-2013 est lancé, le bureau de liaison du Land se livre à un rapide calcul. Avec l’arrivée des nouveaux Etats membres et les règles de répartition des fonds structurels, la Saxe-Anhalt et 18 autres régions (21 millions d’habitants concernés) sortent de l’Objectif 1. Alors que leur niveau économique n’a pas rejoint celui des régions les plus riches. L’«effet statistique» de la nouvelle politique régionale est découvert.
Débute alors une intense mobilisation qui implique un nombre croissant d’acteurs. En 2000, les experts de la Commission reçoivent la visite du bureau de liaison et de représentants du Land. La Commission invite son premier ministre à débattre lors du forum sur la cohésion de mai 2001. Le commissaire Barnier est-il en visite dans le Land ? il est briefé sur le problème. Mais la Saxe-Anhalt sait que, seule, elle n’obtiendra rien. Il lui faut élargir ses soutiens.
Les 18 régions contactées
En février 2002, elle réunit les autorités régionales (Länder, districts, villes) dans le cadre de la conférence des ministres présidents de l’est de l’Allemagne. Opération renouvelée en décembre 2002, cette fois avec l’ouest du pays.
Entre-temps, les 18 régions européennes concernées ont été contactées.
En avril 2003, elles élaborent un document pour un conseil informel. Qui décide de rechercher une «solution équitable». Le commissaire Barnier évoque un Objectif 1 bis pour les régions à effet statistique. Le Land n’en poursuit pas moins sa mobilisation. Il mène des actions de lobbying auprès du Comité des régions. Avec d’autant plus de succès que le rapporteur de la commission concernée est Michael Schneider, secrétaire d’Etat de… Saxe-Anhalt. Le Land compte deux députés européens dans la commission politique régionale du Parlement européen. Qui emboîte sur la même position.
Fin 2003, lorsque l’on entre dans la phase de décision, toutes les institutions se sont prononcées en faveur de la prise en compte de l’effet statistique. Reste le Conseil. En 2005, le Chancelier allemand, Gerhardt Schröder, emporte la décision de ses collègues : les 18 régions concernées, dont les 4 départements français d’outre-mer, bénéficient d’une aide transitoire jusqu’en 2013.
L’appui sur un réseau
Une action de lobbying, pour réussir doit répondre à plusieurs exigences :
- débuter le plus en amont possible de la décision lorsque rien n’est figé,
- répondre à une volonté politique clairement exprimée
- et s’appuyer sur une structure, utiliser, ou créer, un réseau.
Impossible de s’intéresser à tous les aspects de la politique européenne. «L’élu doit identifier le sujet le plus important pour l’avenir de sa collectivité. Par exemple, la question des déchets, de l’énergie ou des migrations», explique Françoise Chotard, directrice de la représentation d’Ile-de-France à Bruxelles.
Besoin d’information
Participation aux consultations, aux forums et colloques, rencontres avec les experts de la commission, avec les députés européens… les portes d’entrée sont multiples. Les contacts peuvent être individuels ou passer par le canal des associations ou des représentations régionales. Les chances d’être entendu sont grandes : «Les fonctionnaires de la Commission, à la base des directives, ont besoin d’information. Et ils se méfient plus des intérêts privés et des ONG idéalistes que des collectivités», confirme Patrizio Fiorilli, du CCRE. Critères environnementaux dans les marchés publics, coût du traitement des déchets électroniques, questions urbaines… autant de sujets importants sur lesquels le lobby des collectivités a fait évoluer la Commission. Les députés européens, grands pourvoyeurs d’amendements, doivent aussi être sensibilisés.
Les villes se feront d’autant mieux entendre qu’elles se chercheront des partenaires hors des frontières nationales.
Avec Bruxelles-Capitale et Berlin, l’Ile-de-France a adopté un mémorandum des régions/villes capitales qui a contribué à la prise en compte de la dimension urbaine par la politique régionale 2007-2013. Pour assurer le statut des SEM, Pierre Pribetich, adjoint à Dijon, député européen et président d’une SEM, s’allie avec ses homologues belges, danois et espagnols.
Une fois une directive adoptée, reste à la transposer. Une phase que les collectivités oublient. Pourtant, le législateur en profite souvent pour introduire des contraintes nullement exigées par l’Union. Le lobby à l’Assemblée nationale et au Sénat se révèle alors bien utile.
Lobbying : auprès de qui intervenir ?
1. Discussions informelles
Le lobbying doit intervenir le plus tôt possible dans le processus d’élaboration d’un texte.
- Comités consultatifs de la Commission
- Consultations informelles
- Audition publique
- Colloques, forums, séminaires…
- Membres du Comité des régions
- Organismes de normalisation
2. Préparation du texte par la Commission
- - Réponse au Livre vert, réactions au Livre blanc
- - Comités d’experts auprès de la Commission
- - Avis du Comité des régions
3. Adoption par le Conseil et le Parlement
- Commissions parlementaires du Parlement européen
- Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne
4. Exécution et transposition
- Assemblée nationale et Sénat
Les institutions européennes
PARLEMENT EUROPEEN. Il adopte les lois européennes, en codécision avec le Conseil de l’Union européenne. Il peut proposer des amendements, ce dont il ne se prive pas.
CONSEIL DE L'UNION. Composé des ministres des gouvernements des Etats membres, il adopte avec le Parlement la législation européenne. Quatre fois par an, les chefs d’Etat et de gouvernement se réunissent au sein du Conseil européen.
COMMISSION EUROPEENNE . Indépendante des gouvernements, elle est « la gardienne des traités ». Elle a le pouvoir d’initiative des lois qu’elle élabore et soumet au Conseil et au Parlement. Elle veille à la bonne exécution des politiques de l’Union.
COMITE DES REGIONS . Il représente les collectivités territoriales. Il se prononce sur les propositions de la Commission ayant un impact au niveau local avant qu’elles ne soient débattues au Conseil et au Parlement.