Le futur de l’investissement public inquiète les intercommunalités

Aurélien Hélias
Le futur de l’investissement public inquiète les intercommunalités

Budgets locaux

© Flickr-CC-ImagesMoney

Baisse des dotations, hausse des charges, avenir incertain des ressources fiscales… Pour l’AdCF, qui organisait le 31 janvier 2014 sa journée d’études annuelle sur les finances locales, tous les ingrédients sont au rendez-vous pour voir chuter l'investissement public local en 2014, et notamment celui des EPCI. Une situation « qui pourrait avoir des effets très préjudiciables pour le retour de la croissance » et qui justifie, selon l’association, la réunion urgente d’une « grande conférence nationale de l’investissement public » entre Etat et collectivités.

« Trois milliards de dotations en moins, c’est six milliards d’investissement en moins ». Cette sentence, ce n’est pas un élu qui la prononce, mais un banquier. En l’occurrence, Jean-Sylvain Ruggiu, directeur secteur public des Caisses d’épargne du groupe BPCE, à l’heure d’ouvrir, le 31 janvier, la journée de l’AdCF consacrée au finances locales.

Des chiffres qui viendront désormais étayer le discours des élus locaux, et notamment intercommunaux, sur le danger que font peser pour l’avenir de l’investissement public local les trois milliards de dotations en moins sur la période 2014-2015 et les nombreuses charges supplémentaires : coûts des nouveaux rythme scolaires, augmentation des cotisations à la CNRACL, impact des nouvelles normes, augmentation de la TVA sur les services des transports et déchets, etc.

« Tout cela va venir impacter nos recettes, et notre autofinancement, et, même si pas de manière tout à fait mécanique, notre investissement », prédit lui aussi Charles-Eric Lemaignen, président de la communauté d’agglomération Orléans Val de Loire. « Le contexte est très contraignant : diminution de la CFE, diminution de la CVAE, diminution de la DGF et en face, augmentation des charges. Des investissements ont été démarrés : va-t-on au bout ou arrête-t-on la machine ? », s’est pour sa part ouvertement interrogé Jacques Chabot, président de la communauté de communes des 4B Sud Charente.

L’illisible avenir de la CVAE
Aux baisses de ressources et augmentations de charges s’ajoute par ailleurs, selon Charles-Eric Lemaignen, une grande illisibilité sur les ressources fiscales, et notamment sur la CVAE dont on annonce une chute de 4,5 % du produit moyen pour les EPCI. « Une correction assez brutale qui créée une incertitude extrêmement peu propice à l’élaboration de programmes d’investissement », déplore le président délégué aux finances de l’AdCF. « On ne pourra pas avoir de programme pluriannuel d’investissement si une année cela augmente de 10 % et l’autre, diminue de 5 %, a-t-il poursuivi. Nous avons besoin d’éléments de suivi de notre base fiscale ».

Le tout pour mettre fin au « brouillard absolu » en matière de ressources fiscales. « Au moment de monter notre projet de territoire, l’impératif est d’avoir de la lisibilité », a-t-il conclu.

Invitée à participer aux débats, Nathalie Biquard, chef du service collectivités locales à la DGFIP a promis aux élus que sa direction « travaillait à donner une visibilité en cours d’année sur l’évolution de la CVAE ». Et d’assurer que pour le prochain exercice fiscal, l’objectif était d’avancer la communication des prévisions du 10 décembre « à la fin octobre-début novembre ».

« Réinterroger nos priorités collectives »

[caption id="attachment_6545" align="alignleft" width="329"] Le président de l'AdCF, Daniel Delaveau, appelle à une grande conférence nationale de l’investissement public entre Etat et collectivités.[/caption]

Reste que même des prévisions disponibles plus tôt ne suffiront pas à compenser le manque de ressources. C’est pourquoi, deux jours plus tôt, lors de ses vœux, le président de l’AdCF, Daniel Delaveau, avait appelé « à l’organisation d’une grande conférence nationale de l’investissement public » entre Etat et collectivités.

« Nous souhaitons que soit préservée notre capacité d’investissement public au cours des prochaines années. C’est un impératif pour notre pays et l’économie nationale », avait-il plaidé tout en admettant la nécessité de « réinterroger [les] priorités collectives » du bloc local.

« L’AdCF souhaite en conséquence que soit engagée, en ce moment de préparation des contrats de plan et des programmes européens, une véritable concertation Etat-collectivités sur les grands programmes d’investissement public jugés prioritaires pour l’économie nationale et les territoires », précisait, dans la foulée du discours de son président, l’association d’élus.

Cinq priorités pour réorganiser l’investissement public
« Afin que l’investissement public ne soit pas la variable d’ajustement des équilibres budgétaires locaux », une telle conférence se devrait ainsi de suivre cinq objectifs selon l’AdCF :

  • hiérarchiser et évaluer les coûts des « programmes d’investissements contraints » ;
  •  optimiser les choix d’investissement au sein des territoires par des programmes pluriannuels contractualisés ;
  • assurer une visibilité sur les marges de manœuvre budgétaires sur la période 2014-2020 ;
  • sécuriser les budgets d’investissement des ministères et des grands opérateurs de l’Etat (les différentes agences nationales) partenaires des collectivités ;
  • renforcer les instruments permettant aux collectivités « de maîtriser l’évolution des coûts de gestion des services publics locaux » ;
  • et fixer un moratoire « sur les charges de gestion supplémentaires imposées aux exécutifs locaux ».

La Cour va passer au crible l’efficacité des investissements publics locaux

A quelques jours de la publication du rapport annuel 2014 de la Cour des comptes, le 11 janvier, Christian Martin, conseiller-maître à la Cour des comptes, a évoqué le rapport… 2015 sur les finances locales. Il contiendra « un gros focus sur les facteurs déterminant de l’investissement des collectivités locales, mais aussi une typologie des investissements publics », a annoncé celui qui a pris fin 2013 la succession de Jean-Philippe Vachia à la tête de la formation interjuridictions sur les finances locales. Une analyse qui cherchera à identifier les investissements insuffisamment productifs, car « il n’est pas certain que tout investissement public local est le même effet de levier, dans une même uniformité… » sur le territoire national, a glissé Christian Martin.

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