Reprenant un vœu déjà exprimé en début de quinquennat, la ministre de la Décentralisation a réactivé, lors de ses vœux le 28 janvier aux directions dépendant de son ministère, sa volonté de mieux articuler déconcentration et décentralisation dans le deuxième projet de loi de décentralisation à venir. Mais la réforme de l’Etat territorial voulue par la ministre ne recouvre pas forcément celle imaginée par les collectivités…
« Pour mettre fin aux doublons et à l’enchevêtrement des responsabilités, il faut mettre en cohérence la décentralisation et la déconcentration. » Prononcé le 28 janvier 2014, par la ministre en charge de la Décentralisation et de la fonction publique lors de ses vœux à la DGCL, à la DGAFP et au SGMAP, ce souhait((Selon la retranscription du discours transmis à la presse)) a un air de déjà-entendu : il était en effet largement présent dans les prises de paroles et les discours de Marylise Lebranchu, et du Premier ministre, à l’installation du gouvernement il y a 18 mois.
Clarifier aussi les missions de l’Etat
Mais de cette volonté de lier le destin des services déconcentrés de l’Etat et celui des administrations des collectivités locales, que reste-t-il ? La présence d’un représentant de l’Etat dans les futures conférences territoriales de l’action publique (CTAP), finalement consultatives et non prescriptives, semble mince au regard de l’objectif initial. D’autant que la présence du « représentant de l'Etat dans la région » se fait a minima : il est « informé des séances » de la CTAP et n’y participe que « lorsque la conférence donne son avis sur une demande d'une collectivité ou d'un EPCI désireux d’obtenir une délégation de l'exercice d'une compétence de l'Etat ». Eventuellement, « il participe aux autres séances à sa demande », précise la loi Mapam.
« Nous poursuivrons la mise en cohérence des missions de l’Etat et des compétences des collectivités locales. Nous clarifierons encore davantage les compétences de chacun », assure néanmoins en ce début 2014 la ministre, à l’heure de présenter aux membres de la DGCL, de la DGAFP et du nouveau SGMAP ses projets pour l’année à venir.
« Rationaliser l’Etat territorial » fut, selon Marylise Lebranchu, un axe de travail en 2013, qu’il faudra poursuivre cette année.
« Pour éviter que trop de décisions ne remontent à Paris alors même que les services déconcentrés sont en mesure de les prendre, nous devrons renforcer la gestion locale, à travers l’autorité du préfet notamment", assure-t-elle. "Afin de conduire cette rationalisation, nous travaillons également à la simplification des relations des services déconcentrés avec les échelons territoriaux d’action publique. Pour mettre fin aux doublons et à l’enchevêtrement des responsabilités, il faut mettre en cohérence la décentralisation et la déconcentration », assène la ministre.
Davantage ou moins d’Etat au niveau local ?
Reste que l’exécutif n’a pas forcément la même vision de l’évolution de ses services déconcentrés que les collectivités. A l’heure de présenter ses vœux le 29 janvier, l’Association des régions de France identifiait la fin des « doublons entre l'Etat et les régions » comme la principale source d’économies au niveau régional.
Traduction : la réforme de l’Etat au niveau local attendue par les régions ne consiste pas en plus de pouvoir aux niveaux déconcentrés… mais bien en des suppressions de services de l’Etat au niveau régional !
« Dans les territoires, pas moins de 4, 5 services s'occupent d'une même chose. Nous disons au président de la République et au Premier ministre : “Chiche ! Regroupons dans un seul service d'instruction les dossiers d'aide au développement des entreprises, aujourd'hui dispersés entre l'Etat, ses services déconcentrés et ceux des régions” », a poursuivi Alain Rousset.
A l’image de la décentralisation, tout le monde veut la réforme de l’Etat, mais personne ne l’envisage de la même manière…
Clarification et rationalisation au programme de Marilyse Lebranchu
Dans son discours aux membres de la DGCL, de la DGAFP et au SGMAP, la ministre a évoqué ce que devaient être selon elles les priorités du prochain texte de décentralisation. Extraits.
« […] Cette deuxième étape de décentralisation, je souhaite la mettre au service du redressement économique, de la maîtrise des dépenses publiques et de la cohésion sociale.
Nous clarifierons encore davantage. Avec l’octroi de compétences exclusives, le pouvoir des régions sera renforcé, en matière de formation professionnelle, de transport et de développement économique. Cela concernera en particulier le soutien aux entreprises et les pôles de compétitivité. Dans cette perspective, la loi déterminera quel pouvoir réglementaire pourra faire l’objet d’une adaptation locale par les régions. Les départements seront quant à eux confortés dans les domaines de la solidarité, de l’accessibilité au service public et de l’ingénierie territoriale.
Cette clarification des compétences nous engagera à ouvrir le débat sur la suppression de la clause de compétence générale des régions et des départements sur laquelle le Premier ministre s’est récemment prononcé après le discours du président de la République. Comme certains d’entre vous le savent, je l’ai pour ma part toujours souhaitée. Je l’avais d’ailleurs défendue lors de mon audition en 2007 à l’occasion du rapport Lambert.
Nous poursuivrons la rationalisation. Avec un renforcement de l’intégration intercommunale et la poursuite des mutualisations. Avec également des fusions volontaires entre collectivités. Elles seront encouragées par des incitations, financières notamment. Fusions de communes, fusions d’intercommunalités, fusions de départements, fusions de régions : tout doit être envisagé.
Mais nous ne ferons pas une réforme mathématique. Nous continuerons à adapter notre politique à la diversité des territoires. Nous prendrons, pour être efficaces, le temps de l’analyse et celui de l’explication aussi. Je tiens d’ailleurs à engager, très rapidement, un travail avec les parlementaires pour mener à bien cette nouvelle étape de décentralisation. Après la loi, il faudra également accompagner les collectivités dans ces évolutions. […] »
Cette ambition a été confirmée dès le lendemain, le 29 janvier 2014, par Marylise Lebranchu lors d’une communication en conseil des ministres sur la récente adoption de la loi « Mapam », « une première étape vers la régionalisation et la clarification des compétences des régions et départements. Cette démarche sera poursuivie dans la prochaine loi de décentralisation », a affirmé la ministre.