Le débat des maires sur l’accueil des migrants : entre fermeté et humanité

Le débat des maires sur l’accueil des migrants : entre fermeté et humanité

Pour Christophe Rouillon, maire de Coulaines (72), les réelles solutions viendront du niveau européen

© Flickr-CC-adrienblanc

L’accueil des réfugiés est une compétence régalienne. Mais l’Etat ne peut rien sans les collectivités. Celles-ci souhaiteraient qu'il les prennent mieux en compte et espèrent une meilleure coordination au niveau européen de la gestion des migrations.

Paradoxale situation française. Alors que l’Etat ainsi que la plupart des élus protestent de leur volonté d’accueillir des réfugiés, ceux-ci vont plutôt en Allemagne et en Suède, ou rêvent de Grande-Bretagne.

Il n’empêche, appelés à témoigner lors de l’atelier du Congrès des maires consacré aux communes et intercommunalités face aux défis des migrations le 1er juin, les élus, même si les flux ne sont pas massifs, s’avouent en demande d’aide, de soutien et de concertation de la part de l’Etat. Tout en ayant bien conscience que les réelles solutions viendront du niveau européen, soulignait Christophe Rouillon, maire de Coulaines (72) et président de la commission Europe de l’AMF.

Malgré tout, relève Ralf Grünert, représentant du Haut-commissariat aux réfugiés en France, la France est en tête des pays qui relocalisent des réfugiés, suite à l’engagement de la France d’accueillir 31 000 réfugiés dans le cadre des différents plans de relocalisation et réinstallation. Il salue en particulier le dispositif des 140 Centres d’aménagement et d’orientation (CAO).

Intérêt bien compris

Pour Laurent Muschel, directeur « Migration et protection » de la direction générale Home de la Commission européenne, il est de l’intérêt bien compris de l’Europe d’être solidaire des migrants.

Solidarité externe tout d’abord, avec les pays du sud qui accueillent la grande masse des réfugiés. Les réfugiés représentent le tiers de la population du Liban. Comme s’ils étaient 22 millions en France ! Les 3 milliards d’euros versés par l’Europe à la Turquie pour améliorer l’accueil dans les camps constituent donc une nécessité humanitaire, mais aussi « égoïste », selon Laurent Muschel, « pour éviter qu’ils ne viennent en Europe ».

Solidarité interne à l’Europe, ensuite. Avec, pour commencer, une meilleure gestion des frontières communes. « De mauvais contrôle en Grèce, en Italie ont un impact immédiat dans toute l’Europe ».

Le règlement de Dublin, qui donne la responsabilité de l’accueil au pays d’arrivée, devrait être modifié, selon le directeur, afin d’avoir une politique solidaire de la gestion de l’asile.

Il souligne aussi l’effort nécessaire en matière d’intégration, au niveau des communes. Ainsi, la Suède a-t-elle accueilli, en 4 mois, 26 000 mineurs non accompagnés. « Un gros effort pour une population de 10 millions d’habitants, avec 1 000 classes à créer ».

« Crash test »

François Decoster, maire de Saint-Omer, membre du Comité des régions, faisant fi de la diplomatie à laquelle est tenu le fonctionnaire européen, dit sa « très grande inquiétude sur l’accélération de la fracture européenne sur ce sujet ».

L’est et l’ouest de l’Europe ne partagent plus le même projet européen. Sept Etats membres n’ont toujours pas accueillis le moindre migrant relocalisé. Depuis que la décision a été prise par les chefs d’Etat et de gouvernement. La France s’est engagée à accueillir 24 000 migrants, 500 l’ont été…

A ce rythme, il faudra 71 ans pour relocaliser les 61 000 migrants d’Italie et de Grèce. La signature des chefs d’Etat et de gouvernement vit son crash test. Ils disent mais ne font pas et comptent sur les collectivités locales pour faire à leur place. Il faut leur demander de faire ce qu’ils ont annoncé. Sinon, c’est le projet européen qui aura disparu dans quelques années »,
tonne-t-il sous les applaudissements de la salle.

Informer, simplifier, coordonner

Plongée dans le concret avec Natacha Bouchart, maire de Calais, qui décrit longuement ce que vit Calais. Elle lance surtout un appel à « plus de fermeté pour plus d’humanité ».

Fermeté indispensable contre « ceux qui les accompagnent depuis leur pays d’origine, les prennent en otage et leur font faire n’importe quoi », passeurs, no borders, activistes. Sans mesure contre ces personnes, impossible de faire preuve d’humanité à l’égard des réfugiés.

Comme plusieurs élus intervenant depuis la tribune ou la salle, elle souligne la nécessité pour l’Etat de simplifier les procédures, de mieux coordonner les services, d’informer les élus sur ses décisions, sur les profils des personnes localisées chez elles…

Kléber Arhoul, préfet coordonnateur pour l’accueil des réfugiés, dresse cependant un bilan positif de l’action de l’Etat, qui ne peut rien faire de « crédible et durable sans un partenariat fécond avec les collectivités ».

Une action basée sur un triptyque :

  • détection le plus en amont possible du profil et du projet professionnel des réfugiés ;
  • apprentissage de la langue, clé de voute de l’intégration ;
  • trajectoire vers l’emploi.

Fermeté

Remerciements aux élus et fermeté face aux procès d’intention sur l’action gouvernementale. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, reconnaissait, en conclusion, la « dimension passionnelle » de la question de l’accueil des réfugiés.

Il rappelle les efforts consentis pour améliorer l’accueil, avec :

  • l’ouverture de 20 000 places en Cada, pour le traitement des dossiers de demande d’asile, passé de 24 mois à 15 mois, avec un objectif de 15 mois ;
  • et l’ouverture de 34 guichets uniques à travers la France.

Et le ministre de l’Intérieur de conclure : « Si nous voulons bien assurer l’accueil, nous devons être en situation de reconduire les déboutés du droit d’asile. Sinon il n’y a pas de soutenabilité du droit d’asile. Ceux qui disent le contraire ne disent pas la vérité ».

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