Le Conseil d’Etat désavoue les arrêtés « anti-burkini »

Denis Solignac
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Samia - 20/12/2019 01h:44

Quand les mères de famille cachent les yeux de leurs enfants devant une femme couverte, sans se soucier des dizaines de femmes seins nus autour... Un peu de bon sens serait salutaire.

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Le Conseil d’Etat désavoue les arrêtés « anti-burkini »

Maillot intégral ou "burkini"

© Flickr-CC-G.Montersino

Les arrêtés anti-burkini portent atteinte aux libertés fondamentales, a statué le Conseil d’Etat, le 26 août, en ordonnance de référé. Une trentaine de communes ont pris de tels arrêtés. Il est à craindre, cependant, que la polémique ne se calme pas et se relance sur d’autres terrains, visant toujours la tenue vestimentaire des femmes musulmanes.

Le maire ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs de police, édicter des dispositions qui interdisent l’accès à la plage et la baignade alors qu’elles ne reposent ni sur des risques avérés de troubles à l’ordre public ni, par ailleurs, sur des motifs d’hygiène ou de décence.
L’arrêté litigieux a ainsi porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle ».

C’est en des termes très clairs que l’arrêt du Conseil d’Etat du 26 août suspend l’arrêté du 5 août du maire de Villeneuve-Loubet interdisant le « burkini » sur ses plages.

Plus précisément celui-ci interdisait l’accès « à toute personne ne disposant pas d’une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et du principe de laïcité, et respectant les règles d’hygiène et de sécurité des baignades (…) ».

Le tribunal administratif de Nice avait rejeté, le 22 août, deux requêtes de suspension. La Ligue des droits de l’homme et l’association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France faisaient donc appel de ce rejet auprès du Conseil d’Etat.

Pas de trouble à l’ordre public

La plaidoirie de Villeneuve-Loubet reposait essentiellement sur le trouble à l’ordre public. L’arrêt du Conseil d’Etat rappelle d’ailleurs que le maire ne peut se fonder sur d’autres considérations que celle de l’ordre public. Sur lequel aucun élément concret n’a pu être produit.

En effet, aucun trouble causé par des femmes restant habillées sur la plage ou dans l’eau n’a été relevé avant l’arrêté pris, le premier, par le maire de Cannes, David Lisnard, le 28 juillet.

A sa suite, une trentaine de maires faisaient de même. A partir de quoi, machines politiques et médiatiques s’emballaient, avec plusieurs incidents filmés et photographiés.

Conséquence immédiate : internet et réseaux sociaux aidant, la presse du monde entier s’interroge sur ce pays fier de ses principes d’égalité et de liberté, où des policiers municipaux en uniforme obligent une femme à enlever un t-shirt à manche longue pour se mettre en maillot.

Elle s'émeut de constater que des femmes qui revendiquent, quoi qu’on en pense, « pudeur » et « modestie » sont interdites de plage au nom du « respect des bonnes mœurs ».

Espace public et laïcité

Comme le rappelait le gouvernement dans une note de l’Observatoire de la laïcité en mai 2014, « dans l’espace collectif public (hors des services publics), comme par exemple sur la voie publique, le port de signes religieux est libre, au regard du principe de laïcité ».

Au fondement de cette position, l’un des piliers de la République, l’article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, intégrée au préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 :

Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi »,
ainsi que l’article 2 de la Constitution :
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »

La polémique, jusqu’où ?

En cette période électorale, il est à craindre, cependant, que la polémique ne s’arrête pas là. L’été était propice pour un sujet de plage assez complaisamment relayé et soutenu par quelques maires, dont le président de l’Association des maires de France.

Une fois la température retombée, viendra la rentrée universitaire. Assistera-t-on au retour des polémiques sur le voile à l’université ?

Ces arrêtés anti-burkini risquent de n’être qu’un prélude à un débat sur une interdiction générale des signes distinctifs religieux dans l’espace public. Une revendication du Front national, mais pas uniquement.

Burkini et hijab. Il est à noter que le terme « burkini » est employé mal à propos. Le burkini, dont le nom et la forme ont été inventés par une styliste australienne, laisse voir le visage, ce que la burka ne fait pas, et ne dissimule pas les formes du corps, ce qui est contraire à l’expression rigoriste de l’islam. Il s’apparente plutôt à une combinaison de plongée. Pour sa conceptrice, il permet à de nombreuses femmes de nager tout en respectant leurs convictions. Le burkini ne se porte guère sur les plages françaises où l’on voit plutôt des hijabs couvrant plus ou moins la tête.

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